L’Hydroptère en route pour Los Angeles
Après trois semaines d’essais en Méditerranée, l’Hydroptère DCNS d’Alain Thébault a été chargé à bord d’un cargo ce lundi à Toulon. Direction Los Angeles, où « le voilier qui vole » se positionnera en stand-by météo pour une tentative de record de la traversée du Pacifique.
Détenteur du record absolu de vitesse à la voile sur un mille nautique depuis 2009 (50,17 nœuds soit 95 km/h de moyenne), l’Hydroptère DCNS tentera de ravir cet été le record de la traversée entre Los Angeles et Honolulu, record actuellement détenu par Olivier de Kersauson sur le maxi trimaran Geronimo en 4 jours, 19 heures et 31 minutes. Une tentative hautement symbolique puisqu’il s’agirait du tout premier record au large d’un voilier à foils.
Après trois mois de travaux intenses aux chantiers navals de La Ciotat, l’Hydroptère DCNS avait rejoint le clapot méditerranéen au début du mois de mai. Alain Thébault et ses quatre « flibustiers », Yves Parlier, Jean Le Cam, Jacques Vincent et Luc Alphand, ont pu réaliser une première série d’entraînements dans des conditions de vent léger à médium. D’autres essais et notamment des entraînements de nuit auront lieu à l’arrivée en Californie. L’objectif de ce premier temps fort méditerranéen était non seulement de se mettre en conditions sur le plan sportif mais aussi de tester in situ les modifications réalisées cet hiver sur le bateau.
Menés par l’équipe technique, sous le patronage des cinq flibustiers et des papés du projet, les essais se sont déroulés au large de La Ciotat dans des conditions de mer permettant d’éprouver la stabilité du trimaran au passage des vagues. Allègre dans le mistral, l’oiseau de carbone a navigué jusqu’à 45 nœuds de vitesse en pointe et jusqu’à 30 nœuds stabilisés dans la houle devant le célèbre Bec de l’Aigle. Ces sorties ont aussi permis d’appréhender les postes de chacun à bord et de répéter les premières gammes d’une partition qu’il faudra jouer sans erreur cet été sur le Pacifique. Entre Jacques Vincent, co-skipper de l’Hydroptère depuis 2005, Jean Le Cam, frère spirituel de l’époque Tabarly, Yves Parlier, autre légende de la voile et hydroptèrien de la première heure, et enfin Luc Alphand, ancien champion de ski et de rallye, Alain Thébault sait qu’il peut compter sur un équipage au mental d’acier. « l’Hydroptère DCNS est un engin très nerveux, chaque détail compte. A bord, nous fonctionnons comme une cordée de montagne, chacun est responsable de l’autre, la confiance doit être totale. Ces premières sorties ont montré une vraie passion et un grand respect mutuel, on se sent comme cinq flibustiers sur un bateau de rêve », plaisante Alain Thébault.
Cette confiance, les cinq marins ont également besoin de la ressentir vis-à-vis du bateau. Durant l’hiver, les équipes techniques ont travaillé sur quatre axes majeurs d’optimisation pour le large :
- l’allègement du voilier, notamment grâce à l’installation d’une poutre de support du safran en carbone ;
- l’augmentation de la surface toilée, avec l’ajout d’un nouveau bout-dehors permettant d’utiliser un Gennaker plus grand ;
- la modification du profil des foils, pour éviter au bateau de décrocher dans une mer formée ;
- et le développement d’un futur système d’asservissement de l’empennage arrière par les papés et les ingénieurs de DCNS, qui pourrait permettre d’amortir considérablement les mouvements de roulis et de tangage du bateau et donc d’accroître encore davantage son potentiel en haute mer.
« Il nous reste encore du travail sur l’asservissement mais dans l’ensemble on peut parler d’un gain de vitesse de l’ordre de 10% au portant avec un passage beaucoup plus stable dans la mer formée, résume Alain Thébault. Jusqu’à maintenant l’Hydroptère DCNS était une Formule 1 des mers, capable de naviguer au-delà des 50 nœuds sur un plan d’eau le plus lisse possible. Aujourd’hui, c’est tout le contraire, on optimise notre Formule 1 pour qu’elle puisse évoluer comme un 4×4 et partir à l’assaut des grands records océaniques. »
Le poisson volant devrait rejoindre Los Angeles d’ici 25 jours. Les entraînements reprendront dès son arrivée puis toute l’équipe se positionnera en stand-by météo. « Nous voilà partis, l’Hydroptère DCNS quitte le continent qui l’a vu naître, confie Jacques Vincent, ému. Certains ont encore du mal à y croire mais cela rappelle surtout combien les rêves peuvent-être puissants. Maintenant, restons humbles et gardons la tête froide, le plus dur est à venir ! »