Coup d’arrêt et coup de maître
Le skipper de Groupe Bel va bien et tente de rallier Ponta DelgadaLa course est terminée pour Kito de Pavant. Alors qu’il naviguait au portant dans un vent forcissant, son espar s’est brisé au niveau du capelage de trinquette. Le skipper a réussi à sécuriser son mât et tente de faire route au moteur vers le port de Ponta Delgada (île de Sao Miguel, Açores).
Joint à la vacation de ce matin, Kito de Pavant se réjouissait de pouvoir enfin naviguer au portant dans de la brise. Il s’apprêtait à prendre la barre de son Groupe Bel de manière à tirer le meilleur parti des vents forts annoncés pour cet après-midi et cette nuit. Mais surtout, le navigateur de la Grande Motte attendait beaucoup d’enseignements de cette dernière compétition en solitaire avant le Vendée Globe. La rupture de son mât en aura décidé autrement.
Pour l’heure, Kito de Pavant tâche de faire route vers le port de Ponta Delgada, capitale administrative des Açores. distante d’une cinquantaine de milles. Le navigateur avance au moteur, contre le vent et les vagues. Pour parer à toute éventualité, l’équipe technique de Groupe Bel s’est rapprochée d’Armando Castro, directeur des ports de plaisance des Açores.
La vista de Vincent Riou
Il avait démontré son sens stratégique lors de son Vendée Globe victorieux en 2004-2005 et n’avait pas manqué de le rappeler, lors de la première étape de cet Europa Warm’Up, par une très belle option à l’entrée du détroit de Gibraltar. Vincent Riou est féru de météorologie et n’hésite jamais à choisir des routes qui peuvent sembler parfois loin des sentiers battus, mais sont souvent payantes. En choisissant de passer dans l’ouest de Sao Miguel, pour aller chercher une pression plus forte et un meilleur angle d’attaque, le skipper de PRB réussit une excellente opération, puisque depuis le passage de l’île de Santa Maria, il a repris une trentaine de milles sur ses adversaires directs. L’option est d’autant plus remarquable, que les logiciels de routages indiquaient clairement de passer dans l’est de Sao Miguel. Mais savoir faire abstraction des données brutes et des trajectoires de ses concurrents, fait aussi partie des ingrédients de la gagne.
Vents forts jusqu’à demain
PRB, Banque Populaire, MACIF, Cheminées Poujoulat, la bande des quatre devrait maintenant faire route de conserve jusqu’au Fastnet. Le vent soutenu de sud va virer progressivement au sud-ouest puis au nord-ouest en mollissant. C’est donc maintenant qu’il faut être capable de maintenir une cadence élevée, tout en veillant à continuer de se reposer et de s’alimenter. Faire une petite sieste quand le voilier file à près de vingt nœuds sous pilote automatique n’a rien d’évident, mais c’est pourtant le lot commun de tous les solitaires du Vendée Globe dans les mers du sud. L’Europa Warm’Up est bien la répétition générale attendue, si l’on en doutait encore.
Ils ont dit :
Javier Sansó (ACCIONA 100% EcoPowered) :
« Je viens de faire un tour complet des voiles et du bateau. Vérifier les pilotes, être certain que tout est paré en cas d’incident fait partie de la routine deux à trois fois par jour. C’est en tous les cas, plutôt inconfortable de naviguer avec un angle permanent de 24° sur l’horizon en montant et descendant d’un mètre trente en permanence. Il n’y a pas un endroit où je peux me tenir sans me cogner la tête ou les côtes. J’ai toujours du mal à croire que je n’ai pas besoin de démarrer un moteur pour recharger les batteries. Au début cela paraît incompréhensible, et puis je me fais maintenant à l’idée que j’ai bien un bateau capable de renouveler à 100% son énergie sans apports externes. Je navigue sur un bateau totalement autonome en m’accrochant à la crème de la classe IMOCA. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais une chose est sûre : ce bateau risque d’entrer dans les annales de la course au large.»
Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) :
«Le vent s’est levé et ça glisse au portant. On a fait de la bricole ce matin. J’ai eu un petit souci avec mon hook de grand-voile. J’ai donc dû affaler la grand-voile et réparer avant de renvoyer de la toile. Avec mon souci technique, François (Gabart) est revenu juste à côté de matin. On aura encore du vent jusqu’à demain et derrière ça va mollir et refuser. On n’aura plus de grandes options jusqu’au Fastnet. On est à mille milles du phare, donc il y a de quoi faire. »
Vincent Riou (PRB) :
« Cette nuit quand je les ai vus partir dans l’est de Sao Miguel, cela m’a étonné. Cela ne m’est pas venu à l’idée. Les plans pour faire de la VMG sous spi ou sous gennaker dans la nuit noire entre les îles, ce n’est pas un truc qui me tentait. Pas en solitaire en tous cas ! Avant que le vent n’adonne trop, j’y suis allé assez vite (vers l’ouest de l’île) et à la pointe, j’ai envoyé le gennak et depuis, c’est parti ! Je suis venu me positionner pour avoir du vent et j’en ai. Ça avance bien, je suis plutôt content du comportement du bateau dans ces conditions. C’est un peu pour cela que l’on fait du bateau à voile, ce sont des grands moments de plaisir. Clairement, ce n’était pas le plus rapide sur les routages, on verra dans quelques heures ce que ça donne. Ca va dépendre de la capacité de chacun à maintenir des vitesses élevées, c’est souvent ça qui fait la différence dans la brise. Maintenant faut s’accrocher, faut aller vite. A un moment faudra aller se reposer. Les bateaux sont faits pour aller vite tout seul, après c’est plus dans la tête du bonhomme qui est à bord que ça se passe. Il faut juste s’habituer au bruit et réussir à se détendre. »
Kito de Pavant (Groupe Bel) :
« Je naviguais sous gennaker et un ris dans la grand voile dans 20-25 nœuds de sud-ouest. Le bateau allait bien et la navigation était plutôt confortable sous pilote automatique. Tout d’un coup, il y a eu une accélération et j’ai entendu un crac. Le mât s’est cassé en deux immédiatement, juste au-dessus du capelage (accroche) de l’étai d’ORC. Ce qui fait que je n’ai plus de voile d’avant et que le mât tient uniquement avec les bas-haubans et cet étai à l’avant […] Maintenant, c’est une toute nouvelle course qui commence. Je progresse actuellement vers le nord de l’île de Sao Miguel pour me mettre à l’abri du vent et de la mer. Je fais actuellement cap à l’ouest à une vitesse de 4/5 nœuds. La situation semble sous contrôle mais peu confortable. »