A la faveur d’une baisse provisoire du vent, les poursuivants de Virbac-Paprec 3 ont pu effectuer un rapproché salvateur, anéantissant une grande part des efforts consentis par le leader. Qu’ils naviguent en tête ou qu’ils tentent de revenir sur le peloton, tous les équipages sont obnubilés par une même idée : ne rien lâcher.

Ils sont partis depuis près de cinquante heures, ils naviguent au près dans des conditions propres à casser les bateaux et user les bonhommes. Et pourtant, ils régatent comme s’il s’agissait d’une aimable confrontation en baie de Quiberon. Navigation à vue, croisements à raser le tableau arrière de l’un avec l’étrave de l’autre, le tout dans trente-cinq nœuds de vent et une mer courte et désordonnée. A bord des bateaux, chacun tente de trouver l’attitude efficace : aux barreurs la mission délicate de placer le bateau pour, d’une part éviter qu’il ne tape trop violemment dans les vagues, de l’autre essayer de conserver la meilleure vitesse possible. Le navigateur tente de proposer la route optimale en compulsant les fichiers reçus sur son écran d’ordinateur, tout en essayant d’anticiper les mouvements brutaux de la machine… Demande-t-on à un intellectuel de savoir faire du rodéo ? Enfin, pour les équipiers hors quart, il s’agit avant tout d’essayer de se reposer malgré tout, de se caler à l’intérieur dans une encoignure au vent, de se faire discret… Autant un bord de près peut se révéler plutôt divertissant quand il dure quelques minutes dans un parcours en baie, autant au large, c’est un exercice qui devient vite très répétitif.

Tout va très bien…

Madame la Marquise… On connaît la propension qu’ont les coureurs du large à cacher leurs petites misères. Cela fait partie du jeu de ne pas donner prise à la concurrence. Alors on minimise la fatigue, on passe certainement sous silence quelques petits bobos techniques qu’on a eu à résoudre depuis trente heures que le bateau tape sans vergogne dans les vagues. Mais les voix trahissent bien une évidence : tous échangeraient bien leur tenue de combat contre les éléments, pour un jeu plus ouvert, pour des variations d’allure et peut-être aussi pour l’idée que l’on peut se faire de la Méditerranée au beau milieu du printemps. Ils avaient rêvé de belles bagarres, mais sûrement aussi de shorts et tee-shirts, de glissades sous spi… Ils n’ont droit qu’au purgatoire d’une longue descente au près, mais sous le soleil.

Gibraltar en juge de paix

En mer d’Alboran, les routes ont fini par diverger. Si Virbac-Paprec 3 et PRB, suivis par MACIF semblent choisir de piquer vers la côte marocaine, Banque Populaire a, quant à lui, décidé de rester le long des côtes espagnoles, imité en cela par Groupe Bel, Cheminées Poujoulat et ACCIONA 100% EcoPowered. Lors de la Barcelona World Race, Jean-Pierre Dick avait fait le même choix d’une route sud qui s’était révélé payant, plusieurs des concurrents de la route nord s’étant retrouvé piégés dans des calmes. Quand on est leader de la course devant une meute affamée, on aurait tort de ne pas se reposer sur les vertus de l’expérience. Le parcours de Barcelone à Gibraltar a jusque là souri par deux fois à Jean-Pierre Dick. Alors jamais deux sans trois ? Gibraltar se profile, qui va délivrer son premier verdict. Réponse dans la journée de demain.

Classement à 15h

  1. Virbac-Paprec 3
  2. PRB
  3. MACIF
  4. Banque Populaire
  5. Groupe Bel
  6. Cheminées Poujoulat
  7. ACCIONA 100% EcoPowered

Ils ont dit :

Vincent Riou (PRB) :

« C’est vrai que faire du près sur nos 60 pieds, ce n’est pas vraiment rigolo. C’est humide, ça tape, ça cogne, le bateau souffre, mais il faut tenir bon, au moins jusqu’à demain. Quand on arrivera à Gibraltar, le vent va mollir. Là, il y a des chances que l’on se retrouve tous ensemble. »

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) :

« C’est difficile, ça tape beaucoup, on a 20° de gite en permanence. Heureusement, ça va bien mollir en arrivant sur Gibraltar, ça va changer notre manière de naviguer. Là, on vient de croiser dix mètres derrière MACIF. C’est l’avantage de naviguer à vue, ça permet de s’étalonner. »

Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) :

« On est dans le vif du sujet mais finalement, on réussit à passer. Dans ce genre de situation, le skipper est un peu schizophrénique. On veut gagner la régate et en même temps on doit préserver le bateau. En plus, on avait un bon matelas qui s’est réduit à néant, mais c’est la course. On reste devant, c’est suffisant pour entretenir l’espoir. »

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