Le pari de la différence
Ils sont bientôt dans le vif du sujet. Si l’ambiance est toujours aussi décontractée sur les pontons de Barcelone, on sent bien que chacun n’attend plus que de se retrouver sur l’eau pour en découdre. Dès demain, les concurrents vont pouvoir se jauger sur des parcours aller-retour chronométrés au large de Barcelone.
Il est temps maintenant. Tous les équipages l’avouent, la pression de la course revient et avec elle, l’envie de larguer les amarres, de profiter à plein du match qui s’annonce superbe. Même le temps couvert qui règne sur la capitale catalane n’altère pas l’enthousiasme des skippers et de leurs équipiers. Avec pour certains équipages, des embarquements de haut vol. François Gabart s’est ainsi adjoint à bord de MACIF, les services de Michel Desjoyeaux, quand Jean-Pierre Dick a réussi à shangaïer Roland Jourdain qui revient ainsi faire un petit tour sur le circuit IMOCA. C’est d’ailleurs une tendance générale d’embarquer des hommes qui ne sont pas tous issus du sérail de l’équipe constituée. En espérant que leur regard extérieur permettra à chaque team de continuer de progresser en vue du Vendée Globe.
Différences : jouer sur les détails ou la radicalité
A l’aune du prochain Vendée Globe, on peut distinguer chez les favoris deux écoles. La première qui a consisté à défricher la voie ouverte en 2008 par Safran et Groupe Bel, les deux premiers plans Verdier-VPLP. Pour ces deux bateaux, un principe prévalait avant tout : ne jamais sacrifier la légèreté à la puissance, parier sur des bateaux « faciles » à manier, présumant que dans les mers du sud (soit plus d’un tiers du temps d’un Vendée Globe), on n’exploite jamais totalement la puissance de sa monture.
A contrario, d’autres font le pari inverse. Bernard Stamm dont le dernier Cheminées Poujoulat respire la puissance, pense aussi qu’une descente puis une remontée des Atlantique Nord et Sud sont autant d’opportunités de faire la différence dans des conditions maniables. Disposer d’une « machine de guerre » au reaching, ces allures proches du vent de travers, peut être l’occasion de faire un trou sur ses adversaires, pour peu que l’on arrive à exploiter au mieux le potentiel de sa machine.
Pour Javier Sansó, le pari est double : a priori, son bateau semble plutôt rejoindre le clan des bateaux puissants ; mais le choix d’avoir fait un bateau autonome à 100% en matière de production d’énergie change la donne. Répartition des poids différente, suppression du lest mobile, mais aussi du handicap de poids que constituent les quelques deux cents litres de gazole qu’embarquent les bateaux classiques pour une telle épreuve confèrent au projet de « Bubi » comme on le surnomme dans le milieu un caractère profondément original. Loin des sentiers battus usuels, ACCIONA 100% EcoPowered détonne. Autant dire que la confrontation sur l’eau des uns et des autres est attendue avec impatience.
Demain, auront donc lieu les premiers runs chronométrés et samedi ce sera le départ de la première étape. Même si tous les skippers font preuve d’une très grande prudence dans leurs propos, arguant qu’un bon résultat dans le Warm’Up Europa ne préjuge pas forcément d’une victoire dans le Vendée Globe, il y a fort à parier qu’ils vont faire tous les efforts nécessaires pour marquer, si possible, la concurrence
Ils ont dit
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3) :
« C’est un bon test pour nous. Maintenant, il va falloir être vigilant, ne pas casser, car les délais commencent à être courts avant le départ du prochain Vendée Globe. On a réuni un équipage venus d’horizons très divers avec un coureur de Mini de talent (Guillaume Le Brec), un entraîneur de haut niveau (Tanguy Leglatin) et un de mes concurrents les plus acharnés tant qu’il était sur le circuit IMOCA (Roland Jourdain). A cet ensemble, j’ajoute un des membres de mon équipe technique (Clément Duraffourg). J’attends beaucoup de cet échange. »
Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) :
« Le premier critère pour choisir mon équipage, c’est l’amitié. Si on ne s’entend pas bien, on ne peut pas faire grand-chose de propre et qui dure. D’autant plus que nous sommes dans une problématique différente des autres équipages. J’ai voulu faire un bateau selon mes envies, sans me préoccuper des tendances du moment. C’est autrement plus excitant, mais aussi plus risqué. Du coup, il nous reste encore plein de choses à valider avant le Vendée Globe. Autant avoir autour de soi, des gens avec qui on se sent en totale confiance. »
Vincent Riou (PRB) :
« On ne change pas une formule qui a fait ses preuves. On a toujours essayé de mélanger, sur les courses en équipage, une partie de l’équipe technique avec quelques coureurs de bon niveau. Pour moi, cette course est un bon test, mais on reste la tête froide. Ce n’est pas parce que tu auras gagné l’Europa Warm’Up que tu vas te retrouver propulsé en tête du Vendée Globe, ni l’inverse. L’essentiel, c’est de naviguer proprement et se donner les moyens d’analyser sereinement ensuite, ce qui aura bien fonctionné et ce qu’il faut encore améliorer. »