Plus vite que Rambler au reaching, plus fugitive qu’un virement de TP 52, plus prompte qu’un empannage de Carkeek 40, la semaine des Voiles de Saint-Barth s’est, déjà, dissolue dans l’enthousiasme et la bonne humeur des 800 marins venus célébrer le plus triomphant des Yachtings. Expert en diversification et variation des plaisirs nautiques, le comité de course des Voiles avaient, par ce beau samedi noyé de soleil, choisi comme à l’accoutumé un parcours inusité parfaitement en phase avec le vent d’est dominant, avec en hors-d’œuvre un superbe bord de dégagement jusqu’au pain de sucre, histoire de saluer Gustavia de somptueux envois de spis multicolores sur fond d’écume immaculée. 65 yachts se sont aujourd’hui encore pris au jeu des départs au cordeau, dans le coup de canon face au vent si généreux des îles, 10 à 12 noeuds d’est, sur l’onde azur parfaitement aplanie après les épisodes à grains d’hier. Les ténors de chaque classe jouaient sans compter leur va-tout lors de cette ultime confrontation, à l’instar de l’IRC52 Américain Vesper condamné à l’exploit ou de Decision (Carkeek 40) fermement décidé à briser l’hégémonie de Defiance dans le très compétitif groupe des Spinnaker2. Les Voiles de Saint-Barth, au terme d’une semaine de compétition sur mer et de convivialité à terre, sacrent de globale manière un seul et grand vainqueur, l’esprit du yachting spectaculaire et généreux, qui rassemble dans la même passion des belles coques les marins du monde entier.

Rambler, et un , et deux, et trois…
Cette dernière journée, moins ventée qu’hier, a cependant offert tout l’éventail des pièges les plus redoutés des tacticiens, avec de nombreuses bascules du vent, effets de courant au contournement des pointes, et surprenantes zones de calme. L’heure était donc plus que jamais à la concentration, et c’est à l’issue de courses plus serrées que jamais que chaque groupe a révélé ses vainqueurs.

Rambler 90 a, sans surprise, régné sans partage, et renouvelé sa performance de 2010, tout en rendant hommage à son grand frère, Rambler 100, vainqueur l’an passé et victime d’un chavirage au large du Fastnet. Son équipage, sous la houlette de George David, a honoré son statut de favori en naviguant chaque jour à 100% de ses possibilités, agressif sur les départs, et impeccable dans ses trajectoires et ses choix de routes entre les îlots paradisiaques de Saint-Barth. La hiérarchie est respectée dans ce groupe de Maxi-Yachts où l’on retrouve fort logiquement le géant (34,5 m) plan Reichel Pugh Nilaya en dauphin de Rambler, suivi sur la troisième marche du podium du grand Swan Selene, très régulier dans le trio de tête tout au long de la semaine. On a avec plaisir découvert le bon comportement dans le vent soute nu de vendredi du plan Hoek Firefly qui va, à n’en point douter, et au fil de ses campagnes de navigation, révéler tous ses secrets à son équipage encore en phase de découverte.

Paradox à la faveur des petits airs
Derrière l’écrasante supériorité de Rambler 90 en classe Maxi-Yachts, de nombreux groupes abordaient cette dernière journée de compétition dans l’incertitude la plus totale quant au dénouement final. Ainsi le groupe Multicoques, dominé depuis mardi par le grand catamaran de 60 pieds Phaedo, mené de mains de maître par le Britannique Ian Moore et l’Américain Lloyd Thornburg, a t’il, lors de cette dernière journée, basculé dans l’escarcelle de l’Américain Peter Aeschenbrenner, épaulé de Cam Lewis, et qui, en se détachant nettement dans les petits airs du jour, s’est assuré la victoire finale bien qu’à égalité de points, au bénéfice de la dernière manche remportée.

Classe et performnde en IRC 52
On n’a cessé de le souligner tout au long de la semaine, la lutte fratricide entre les trois IRC 52 demeurera comme l’un des sommets sportifs de ces Voiles 2012. Mayhem, à la canadienne Ashley Wolfe, Vesper à l’Américain James Swartz et Power Play à Peter Cunningham, se sont chaque soir échangés les victoires de manche. Ils abordaient donc cette dernière journée sans joker, avec l’impérieuse nécessité de réaliser un sans faute. « N’importe qui aurait pu l’emporter » avoue avec sincérité la navigatrice de … Calgary. C’est pourtant bien son Mayhem qui, en s’intercalant entre Vesper, beau vainqueur du jour et Power Play, l’emporte au classement général pour un petit point. La lutte équilibrée (aucun bateau ne l’emportant avec plus de 4 ou 5 minutes d’avance), a conféré à ce groupe une intensité que les organisateurs, fortement soutenus par chacun des protagonistes, vont s’échiner à pérenniser et à développer l’an prochain.

Decision à l’énergie
Le groupe des spinnacker 2 présentait une configuration quelque peu similaire dans le duel au plus haut niveau proposé toute la semaine par les deux ténors du groupe, le Marten 49 Defiance de l’Américain Clay Deutsch, et le Carkeek 40 Decision et sa pléiade de champions emmenée par Stephen Murray et fils. Le véloce 40 pieds, battu sur lefil chaque jour depuis lundi dernier, sauve l’honneur aujourd’hui, utilisant avec intelligence, et autorité sa légèreté pour s’extirper des piégeuses zones de calme de l’île. « Decision a su trouver l’énergie pour s’évader à grands coups de virement de bord dans le petit temps à la pointe de l’île » explique un Clay Deutsch rayonnant. « Ils méritent leur victoire du jour. » Clay est pourtant le vainqueur triomphant de ce groupe, et, bien que tombé sous le charme de son Marten 49 d’emprunt, il réfléchit déjà sérieusement au support le plus approprié pour sa participation aux Voiles 2013. Ces deux ténors n’ont laissé que des miettes à leur poursuivant. Jack Desmond et son joli Swan 48 Affinity se classe troisième, et Patrick Demarchelier, Havrais résident de Saint-Barth, parrain de la première édition de l’épreuve, place son Swan 45 Puffy au pieds du podium.

Spinnaker 1, une affaire caribéenne.
Coups de théâtre chez les spinnacker 1, groupe le plus dense des Voiles avec une vingtaine d’engagés. Les sympathiques et tout aussi talentueux Porto Ricains du 44.7 Lazy Dog skippé par Sergio Sagramoso ont écrasé le début de semaine. Bus Frits et son Coors Light des Antilles Néerlandaises s’est accroché comme un beau diable pour emporter les deux dernières régates et « décrocher la timbale » de son groupe à la faveur de la dernière manche gagnée. Le Saint Barthélémy Yacht Club fait honneur à son étiquette de « régional de l’étape » en se classant troisième par l’intermédiaire de son représentant Raphael Magras sur Mae-Lia.

Au terme d’une remise des Prix bon enfant, parfaitement dans le ton de la semaine, François Tolède a donné rendez-vous à 800 marins enthousiastes du 8 au 13 avril 2013 pour la quatrième édition des Voiles de Saint-Barth.

L’interview croisée…
François Tolède, organisateur des Voiles, et AnneLisa Gee, directrice des Relations Publiques Skipper :

François Tolède
« C’est une année sans faute, de la part des concurrents comme de notre part ; aucun problème à déplorer. Il ne fallait pas rater cette troisième édition et je suis ce soir en mesure de parler de pérennité des Voiles. De plus en plus de beaux bateaux, plus grands, plus rapides, plus performants. A terre, des soirées tous les jours avec plus de 100 bénévoles formidables.
On peut évoluer en qualité comme en quantité avec un potentiel de 80 à 90 bateaux. La gestion de l’événement deviendra plus importante mais l’île n’est pas extensible. On travaille sans stress dans le qualitatif et la convivialité. Notre course se veut une régate haut de gamme, avec la « french touch » à terre.
La journée « off », de relâche, est un bel argument, avec cette soirée des équipage organisée par notre partenaire Sibarth absolument fabuleuse. Le succès a été énorme et on va tenter de renouveler cela chaque année. Nous offrons deus soirées de repos aux équipages, et dans notre format, cela plait énormément.

Anne Lisa Gee :
« Notre plus grand défi dans une course en pleine expansion est le fait que de nombreux bateaux viennent tester notre événement et notre capacité à leur offrir de belles régates, bien organisées, dans lesquelles ils peuvent s’exprimer, quelle que soit leur taille ou leur « rating ». Les gens du CSA (Caribean Sailing Association) et de la FFV ont fait un travail magnifique pour créer des classes relativement homogènes. On peut donner de nombreux départs et les régatiers se sont unanimement déclarés satisfaits.
Il nous faut à présent trouver dans chaque classe des challengers de qualité ; Rambler a besoin par exemple de trouver des adversaires à sa taille et nous nous nous y attachons. Nous recherchons des compétiteurs pour des compétiteurs. Nous voulons resserrer le niveau dans chaque classe.
La Classe des TP 52 est très importante car elle nous amène les meilleurs marins du monde ; la communauté des coureurs le voient et c’est une excellente publicité pour faire venir d’autres propriétaires qui vont armer de beaux bateaux avec des équipages de très haut niveau.
Les Voiles de Saint-Barth sont en train de devenir une belle vitrine pour les bateaux high-tech qui en se montrant ici donne la meilleur image de leur potentiel.

François Tolède :
« …On entre dans une ère de technicité mais qui n’est pas extrême. On veut resserrer les écarts mais notre course demeure « open » pour tous les régatiers y compris ceux de la Caraïbe. Il n’entre pas notre philosophie de sélectionner les participants. »

Anne Lisa Gee :
« Les bateaux locaux qui sont venus cette année sont de très haut niveau avec de très beaux équipage à l’image les Porto Ricains de Lazy Dog…
Luc Poupon et le comité de course ont fait un boulot extraordinaire pour définir chaque jour des parcours parfaitement adaptés à la météo, à la force et la direction du vent. On a su réduire les parcours dans le petit temps de mardi, et tous les compétiteurs ont loué la direction de course.
On reçoit des compliments dithyrambiques mais nous sommes surtout intéressés par les critiques, afin de continuer de progresser. Nous accompagnons les tendances du yachting moderne. Je pense qu’en collaboration avec le port de Gustavia, nous pouvons accueillir environ 90 bateaux, dont la moitié est d’accord pour mouiller dans l’avant port.3

Yacht exceptionnel : Vesper
L’IRC 52 Vesper, à l’Américain Jim Swartz, est cette année l’initiateur de la venue des IRC52 à Saint-Barth. Sans le démâtage intempestif survenu voici deux semaines de Highland Fling, ils auraient été 4 à régater à couteaux tirés sur les éxigeants parcours des Voiles. C’est donc sous un format inaccoutumé, sorte de Match Race à trois que les véloces monotypes et leurs équipages du plus haut niveau mondial ont fait le spectacle. La satisfaction conférant à la béatitude exprimée par tous ces participants, laisse augurer un bel avenir à cette classe au sein des Voiles. Pour l’anecdote, Vesper tient son nom du personnage fictif inventé par Ian Flemming , auteur des James Bond. Vesper Lynd est une agent du MI-6, seul « véritable » amour de 007…, un chiffre qui o rne naturellement les voiles du bateau de Jim Swartz.

Le point de vue de…
Ignacio Postigo, navigateur espagnol. Le fondateur notamment du circuit Méditerranéen des TP 52 « Audi Med Cup », navigue aux Voiles à bord de Power Play, le IRC 52 américain de Peter Cunningham. Son regard sur les Voiles et de Saint-Barth et leur adéquation avec les véloces IRC 52 est plus qu’encourageant pour les organisateurs qui souhaitent soutenir le souhait des propriétaires de faire de l’événement de Saint-Barth un temps fort de leurs saisons futures ; « je pense que nous pouvons légitimement espérer plus de TP 52 l’an prochain » explique avec enthousiasme le navigateur espagnol de Power Play. « Naviguer ici, avec une si belle flotte de Maxi-Yachts est très impressionnant. Cet événement est en pleine expansion et tient à présent une grande place dans les caraïbes. Naviguer ici est très différe nt de la Med où on doit composer avec des brises thermiques plutôt que l’alizé. C’est la troisième fois que je navigue ici et c’est pour moi un véritable paradis, avec tous les avantages de la caraïbe et des aspects européens qui nous font nous sentir chez nous… »

Ils ont dit :
George David, Rambler 90
« Les Voiles de Saint-Barth est une épreuve formidable pour un grand nombre de raisons ; Tout d’abord, c’est une île merveilleuse, avec d’importants reliefs qui ajoutent à la complexité des parcours. Le comité de course fait un boulot formidable pour mouiller ses parcours. Au ras des côtes, le vent devient très irrégulier et il y a donc de nombreuses manoeuvres et beaucoup de stratégie à bord.
Je suis ravi de voir la progression et la croissance de cet événement. Avec Sojana, nous étions là au départ en 2010 et on voit aujourd’hui le développement spectaculaire de l’épreuve qui est déjà considérée comme une classique des Caraïbes. La classe Maxi se développe elle aussi remarquablement. C’est vrainent un bel événement, dans un endroit de rêve pour régater, avec des partenaires fidèles et engagés, un super comité de course. En parlant à tous les participants, on n’entend pas une critique défavorable. Les Voiles s’améliorent chaque année davantage, à partir d’une base déjà excellente!
Notre gros avantage est ici de pouvoir jouer avec nos ballasts dans les petits airs, en se débarrassant rapidement de 6 tonnes d’eau. Ainsi, dans le petit temps, on décolle littéralement. »

Clay Deutsch, Defiance
« Très enthousiaste. On gagne! Bonne, dure et fatigante journée dans ces petits airs. Beaucoup de bascules. Pas de mer, mais que de bascules ! tenir la barre était difficile et la stratégie peu évidente. On n’ a pas essayé de suivre Decision mais plutôt de faire notre propre course. Je pense que Decision était plus à l’aise que nous aujourd’hui. On a eu une semaine super. Je veux revenir. C’est la meilleure régate que nous ayons jamais courue. La vie à terre était formidable, comme seuls les Français savent l’organiser. J’adore Defiance. C’est un bateau très homogène, facile à manier et qui fonctionne bien à toutes les allures. Je l’adore. La bagarre avec Decision était très prenante. On a été au contact en permanence, avec seulement quelques minutes entre nous. La Classe des IRC 52 me tente beaucoup car le niveau y est extraordinaire. Il y a de splendides unités de 40 à 56 pieds construites aujourd’hui. Je réfléchis à choisir le meilleur support pour des événements comme Saint-Barth. »

Matt et Pam Brooks, Dorade
« Je crois que nous gagnons notre classe. Ce fut une régate super et nous avons beaucoup appris sur le bateau. La course d’hier était très exigeante, avec de nombreux changements d’allures. On s’est beaucoup amusé. Ce fut la première fois que Dorade naviguait dans les Caraïbes, et nous sommes prêts à lancer Dorade sur les traces de son passé prestigieux, à commencer par la Bermuda Race. »

Lionel Péan Sojana
« On se plaint toujours du manque de vent sur Sojana, bateau lourd qui a besoin de 15 à 18 noeuds pour commencer à vivre. Mais la semaine a été belle. On a bien navigué et le bilan est bon. Beaucoup de matches au sein de notre groupe. Au final, on est à notre place. Dans du médium, on aurait pu faire 3 ou 4ème, mais avec ce petit temps, on est 7ème.
Les Voiles de Saint-Barth prennent une forme de maturité avec une flotte intéressante, et des duels dans tous les groupes. Une vraie belle régate. La montée en puissance des Voiles est exceptionnelle.
Sojana est un bateau très conviviale, avec de nombreuses nationalités. C’est comme une grande famille autour de Peter Harrison et Mark Fitzgerald qui est un grand capitaine. Saint Barth est en train de devenir un must. »

Gavin Brady, Vesper
« Il nous a fallu 4 courses pour en gagner une. On a eu un peu de mal au début mais on s’est amélioré au fil des courses. On est venu ici avec une combinaison de voiles de gros temps. On a parié et on n’était pas tout à fait dans le range.
Aujourd’hui, on a eu au moins 4 leaders différents. Ce fut une loterie à la fin. Naviguer avec les Maxis est très délicat. Heureusement, il y a beaucoup de pros à bord et tout se passe bien, comme aujourd’hui avec Rambler, quand les deux bateaux se sont frôlés de quelques millimètres, et personne n’a crié. Il y a une super ambiance ici. Le groupe des 52 est en expansion aux Etats-Unis. C’est une classe très excitante, à l’aise dans toutes les conditions, avec un équipage de seulement 15 gars. Il y a des 52 partout dans le monde et on peut s’éclater partout en Europe ou aux Etats-Unis. »

Simonas Steponavicius, Amber Sail
« Nous en sommes à 4 ans de navigation partout dans le monde. Notre projet est très populaire en Lithuanie où énormément de monde nous suit. On a entendu parler qu’un bel événement se mettait en place à Saint-Barth et on a décidé de venir. L’équipage est constitué de jeunes des clubs de Lithuanie. Il n’y a qu’un pro à bord, le boat captain. Notre bateau est un VOR 60, qui n’est pas fait pour ce genre de course. Defiance et Decision sont très rapides mais on a su tirer le meilleur parti de notre bateau. On finit 6ème et nous en sommes très satisfait. Nous reviendrons! »

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