Au sort des Açores…
Depuis le départ de la Solidaire du Chocolat, les classements se suivent et ne se ressemblent pas : les équipages y font le yoyo de bas en haut au gré des sautes d’humeur du vent, très instable en force et direction. Dans les conditions météo aussi clémentes que complexes, la flotte s’est éclatée en latitude. Après cinq jours de course, plus de 270 milles séparent désormais les extrémistes du Nord, Poèmes Bleus (Prochasson-Galland), des plus radicaux au Sud, Initiatives-Alex Olivier (De Lamotte-Galfione). Ce vendredi après-midi, en approche des Açores, l’avantage revient aux premiers emmenés par le couple franco-allemand de Mare (Riechers-Lepesqueux), les plus prompts à s’extirper des affres d’une dorsale anticyclonique, tandis que les leaders de ce matin peinent encore au Sud, à passer la vitesse supérieure.
Si le bonheur est sur l’eau en ce début de transat France-Mexique, il n’en cache pas moins l’intensité de la compétition qui se trame sur l’échiquier de l’Atlantique. Un coup ça va, un coup ça s’en va et bien malin celui qui peut dire qui remportera les points de cette première partie stratégique. Face au vaste et sempiternel anticyclone des Açores qui barre la route au passage de l’archipel portugais éponyme, les options sont prises, les jeux sont faits…Et rien ne va plus !
Attention, places d’honneur éjectables
Au classement de 14h, Jorg Riechers et Marc Lepesqueux, à bord du dernier-né de la Class40, redouté pour son potentiel de vitesse, tirent le meilleur de leur monture : ils cavalent à près de 13 nœuds. De quoi reprendre les commandes, quelques heures seulement après avoir dû les céder au passage des calmes de la dorsale. Dans ces mêmes quartiers Nord, les deux compères de Poèmes Bleus – Planète Insuline ont également repris du terrain : cinq places et 40 milles en 24 heures. Même topo pour Geodis (Amedeo-Tripon), bien positionné pour pointer incessamment sous peu aux places d’honneur éjectables, aux dépens d’Agir Recouvrement-Bureau Veritas (Le Diraison-Hardy), Aquarelle.com (Bestaven-Drouglazet) et Jack in the Box (Le Claquin-Aglaor). Notons d’ailleurs, que ces trois-là, réunis en 4 milles, ne se lâchent plus d’une semelle, suivis plus loin par Eole Generation-GDF SUEZ (Rogues-Delesne), Transport Cohérence (Parnaudeau-Jouandet), ou encore Groupe Picoty (Fournier-Caso) qui s’est recalé à 107 milles de la tête de flotte. Seul désormais le duo De Lamotte-Galfione d’Initiatives-Alex Olivier poursuit sa plongée pour dévaler les latitudes, quitte à perdre du terrain. Aux avant-postes ce matin, le voilà déjà 8è, à 38 milles des leaders.
Un cas d’école
D’après les dernières prévisions, ces partisans des chemins détournés pour rallier l’autoroute des alizés devraient pouvoir attraper à leur tour des vents plus favorables et plus soutenus (15-20 nœuds de nord-est) dans leurs voiles d’ici la fin de nuit prochaine. Combien de milles vont-ils céder avant de redémarrer ? C’est là tous les enjeux de ce week-end au passage des Açores, avec l’île de Flores, la plus orientale de l’archipel, qu’ils doivent laisser à tribord. Nord ou Sud ? Un cas d’école, qui ne manque pas sur ce début de Solidaire du Chocolat, de tenir les terriens en haleine…
Dernière minute : Pit-stop bis pour Groupe Picoty
Rebelote avec la malchance : Jacques Fournier et Jean-Christophe Caso sont à nouveau contraints à un arrêt technique, aux Açores, cette fois. Le safran de Groupe Picoty, endommagé au large du Cap Finisterre et réparé à Bayona s’ouvre en deux. Il ne tiendra pas longtemps. Les deux marins n’ont pas d’autre solution que de lever le pied et de faire route sur Sao Miguel aux Açores. Toute une logistique terrestre s’est déjà mise en route. Jean Galfione prête un des safrans de son Class40, resté à Port La Forêt. Rendez-vous dès dimanche soir pour ce deuxième pit-stop qui ne devrait pas durer plus de 3h cette fois encore.
Pépites du large
Aloys Le Claquin (Jack in the Box) : « On n’est pas très loin des Açores, et on a Aquarelle.com juste à côté. On a l’impression d’être en régate comme si on était devant Saint-Nazaire ! On sort d’une dorsale anticyclonique, donc avec des vents pas très forts, voire pas du tout de vent. Mais, dans quelques heures, on devrait retrouver des vitesses plus élevées.»
Tanguy De Lamotte (Initiatives – Alex Olivier) : « On vient de faire un virement de bord, et je prépare un sandwich pour Jean (Glfione, ndlr) qui est à la barre. On regarde la météo à venir, on a fait un point à deux ce matin maintenant que le rythme du large est arrivé, on passe plus de temps ensemble par rapport aux premiers jours. On est 30 milles plus au sud que les autres bateaux. On a un peu rétrogradé au classement, mais on croit en notre position, on la sent bien. Il y a deux ans, c’était vraiment extrême, de la survie. Là, on est plus au contact, c’est une régate. »
Jean-Edouard Criquioche (Looking for a sponsor) : « Le moral est bon, c’est la première transat que je fais où on ne se fait pas dégommer tout de suite. J’ai choisi une position médiane, entre les nordistes et les sudistes. Pour l’instant on s’accroche, on n’est pas largué. A bord, avec Anna-Maria, on parle gestuellement parce qu’elle parle allemand, anglais et espagnol, mais ne connaît seulement que 15 mots en français. Et moi, je dois avoir un niveau de 6ème en anglais. Ma phrase favorite, c’est : Can you repeat ?! »
Fabrice Amedeo (Geodis) : « La traversée de la dorsale est propice au voyage intérieur que je viens chercher sur une telle traversée. La mer est plate comme un miroir. Les lumières sont incroyables. Le soleil couchant joue avec les nuages, et nous envoie sa lumière de braise plein les yeux. Oublions la régate le temps d’une rêverie. De toute façon, il y 2 nœuds de vent et nous faisons route au 306 (au nord-ouest) à 1,2 nœuds. Autant dire vers nulle part. Une traversée de l’océan est parfois une belle métaphore de l’esprit humain, de ses errements et de ses contradictions. Ce début de course agressif, comme le symbole de notre détermination. De longs surfs à tombeaux ouverts dans la nuit noire, comme le symbole de notre grain de folie. Et puis cette dorsale, comme le symbole de nos doutes et aussi de notre aspiration à l’inutile. »
Au carré des associations : Toit à Moi
Sur la Solidaire du Chocolat, il n’y a qu’un tout petit pas à faire entre la compétition qui anime les lignes des classements et les échanges et le partage qu’encourage cet événement unique en son genre. Pour preuve, la vacation officielle, qui accueillait, ce vendredi dans les studios de France Bleu Loire Océan, des membres de l’association Toit à Moi, dont l’équipage d’Aquarelle.com porte les couleurs entre la France et le Mexique. Aux côtés de Vincent Gerles, animateur de l’émission retranscrite en direct sur le site internet de la station, Denis Castin, fondateur et délégué général de l’association qui récolte des dons pour faire l’acquisition d’appartements destinés aux sans-abris, ainsi qu’Alain Pawlac, récemment relogé, ont pu échanger avec le skipper-ingénieur, Yannick Bestaven. Extraits…
Yannick Bestaven (Aquarelle.com) : « Depuis hier, on navigue à vue avec Jack in the Box. On a toujours un bateau à côté de nous depuis le début. Nous n’avons pas beaucoup de vent, mais depuis ce matin, c’est rentré : on va à un peu plus de 8 nœuds au près. On fait tout pour doubler les premiers. On est content de représenter l’association Toit à Moi qui nous a permis de faire des rencontres inattendues et intéressantes. On est à fond sur le bateau pour bien mettre de la lumière sur tout le travail réalisé pour reloger des personnes, qui, comme Alain, ont rencontré à un moment de leur vie des difficultés. »
Alain Palwak : « J’ai été skipper sur les bords de Loire pendant plusieurs mois, comme j’aime bien le dire, j’habitais sous une tente. C’est France 3 qui a contacté Toit à Moi, qui a ensuite fait le nécessaire pour que je puisse avoir un appart rapidement. Je m’y sens bien maintenant, et j’ai pris mes nouveaux repères… Yannick, je t’invite à dîner à la maison quand tu veux. Je peux t’assurer que ce ne sera pas du poisson ! »