Avis de gros temps
La prochaine étape part dimanche d’Auckland pour Itajaí, au Brésil. Un parcours de 6 705 milles, le plus long de cette édition 2011-12, qui traverse les mythiques mers du Sud et enroule le Cap Horn. Les marins craignent cette 5ème étape autant qu’ils l’attendent avec impatience : enfin, une étape de portant dans la haute houle australe, avec toutes les images d’Épinal qui accompagnent les navigations dans cette zone.
Ils vont passer le Point Nemo, le point le plus isolé du monde, distant de plus de 2 000 milles de toute terre. Ils vont voir du gris, des albatros et des vagues impressionnantes. Ils vont faire face à des températures glaciales, mais surtout à une météo extrême.
Dans ces latitudes, aucun relief ne freine les dépressions qui se déplacent rapidemment vers l’est. Alimentés par la différence de température entre l’océan Antarctique et le Pacifique Sud, ces systèmes peuvent générer jusqu’à 60 nœuds de vent.
« C’est un de ces endroits où vous devez vraiment respecter la météo, » confie Tony Rae, barreur sur CAMPER, quatre participations à la course à son actif. « L’air y est plus glacial, la pression de l’air plus forte et l’eau plus froide. C’est plus dur de faire ce que vous avez à faire, vos mains sont froides, des vagues glacées vous frappent le visage.
« Vous avez plus de vêtements sur vous et c’est plus difficile de bouger. Il vous faut plus de temps pour vous préparer quand vous quittez votre bannette et plus de temps pour y retourner à la fin de votre quart. Toutes ces choses laissent leurs traces. »
Selon le météorologue de l’organisation, Gonzalo Infante, la vitesse complètera le froid : il estime que l’étape sera propice à un nouveau record de distance en 24 heures (le ‘’IWC Schaffhausen Speed Challenge »).
« Ce sera une étape de portant rapide, » explique Infante. « Selon les données des dernières éditions et les modèles météo actuels, on s’attend à ce que les bateaux naviguent avec des angles ouverts dans des vents de plus de 20 nœuds de moyenne. C’est idéal pour les Volvo Open 70 et on pourrait voir de beaux runs sur 24 h.
« Dans cette zone, l’anticyclone subtropical du Pacifique Sud influence fortement la météo, parfois contrarié par la présence de dépressions locales. Il génère souvent de forts vents d’ouest aux extrémités sud. Quand c’est le cas, la stratégie en quittant la Nouvelle-Zélande est de plonger immédiatement au sud pour emprunter cette ‘’autoroute de la tempête » et filer vers le cap Horn.
« Mais ce n’est pas facile de garder le rythme d’un système qui se déplace vers l’est à 25 nœuds. On peut facilement se faire dépasser par le front et tomber dans les petits airs au centre du système. Pour rester dans le bon vent, il faut un bon timing et des changements de route agressifs pour rester au contact. Ce qui sera malheureusement entravé par les limites des glaces. »
Pour éviter les risques de collision avec les glaces de l’Antarctique, l’organisation a effectivement imposé une zone d’exclusion des glaces. La flotte devra rester au nord de la zone la plus exposée.
« La sécurité des bateaux est primordiale, » explique le météorologue espagnol. « Nous allons suivre les mouvements des glaces en utilisant des images satellites quotidiennes. La zone d’exclusion éloignera la flotte d’une zone connue comme ‘’le cône de glace du Pacifique Sud ». »
Après les mers australes, les concurrents passeront le fameux cap Horn, à l’extrémité sud du Chili. Puis ils feront cap au nord, doubleront les îles Falkland pour faire route sur Itajaí.
Infante : « L’approche du Horn dépendra de la stratégie adoptée dans le Pacifique. Sur place, l’interaction entre les forts vents d’ouest et les Andes peut être très dangereuse, comme le racontent souvent les marins.
« Enfin, la section entre le cap Horn et l’arrivée pourrait aussi être un reaching rapide. Mais l’approche d’Itajaí est souvent complexe, la météo y est plus dynamique. Un possible cauchemar stratégique juste avant l’arrivée de cette cinquième étape, » conclut Infante.
ITV DE THOMAS COVILLE
Thomas Coville s’exprime sur la Nouvelle-Zélande, les particularités de la voile en France, l’exercice du solitaire, la richesse du collectif, les mers du Sud à venir, le Cap Horn que Thomas a doublé 8 fois et qu’il appelle volontiers le « Cap de Bonne Délivrance » ! :