Elle a bouclé son premier tour du monde en solitaire et marqué les esprits. Ce dimanche, Violette Dorange a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe, mettant un point final à une aventure hors norme. Après 90 jours en mer, la jeune navigatrice de 23 ans savoure ce moment unique : « C’est un rêve devenu réalité »

Comment résumer trois mois en mer, seule au bout du monde ? « J’ai vécu plein de choses. C’est tellement difficile de résumer ça en quelques phrases tant c’est unique. On se retrouve seule au monde, à l’autre bout de l’océan, loin de toute terre ou civilisation. », confie-t-elle, encore dans l’émotion de l’arrivée.

Mais au-delà des défis techniques et de la fatigue, elle retient surtout des instants magiques. « J’ai des souvenirs dingues, les grains polaires, la neige, les arcs-en-ciel entre les grains. C’est un rêve qui s’est réalisé. J’ai toujours eu envie de mettre en avant la jeunesse et montrer qu’on peut réaliser plein de belles choses. J’espère que j’ai pu partager au mieux cette aventure et mes émotions, de manière authentique. »

Si elle termine à la 25ème place, son retour à terre a eu des airs de victoire. Lorsqu’elle a remonté le mythique chenal des Sables d’Olonne, une foule en liesse l’attendait, saluant son exploit avec ferveur.

Depuis son départ, la Rochelaise a su captiver un public bien au-delà des cercles de la voile. Sur les réseaux sociaux, plus d’un million de personnes ont vibré au rythme de ses journées en mer, de ses galères comme de ses émerveillements. Son authenticité, son sourire et sa détermination ont fait d’elle l’une des figures les plus marquantes de cette édition.

Sans jamais se plaindre, avec une humilité désarmante, elle a relevé chaque défi qui s’est présenté à elle. Une ténacité qui a pleinement justifié la confiance de ses sponsors et de son mentor, le légendaire Jean Le Cam, qui a lui-même bouclé son Vendée Globe cinq places devant elle.

Elle a bouclé son Vendée Globe en 90 jours, 22 heures et 37 minutes, avalant 28 057,22 milles nautiques à une moyenne de 12,85 nœuds. À bord d’un IMOCA robuste, ancien vainqueur de l’épreuve – celui-là même qui avait mené Michel Desjoyeaux à la victoire en 2008-2009 –, Violette Dorange a franchi la ligne d’arrivée 26 jours après Charlie Dalin, grand vainqueur de cette édition.

Mais l’essentiel était ailleurs. Plus qu’une performance, c’est une révélation. À seulement 23 ans, elle a prouvé qu’elle était une étoile montante de la course au large. Et à peine arrivée, elle voyait déjà plus loin, affirmant son envie de revenir, avec l’ambition de faire encore mieux.

Ce qui frappe dans son discours, c’est son approche résolument compétitive. Pour elle, il ne s’agissait pas simplement de boucler un tour du monde, mais bien de jouer la course. Habituée des podiums depuis ses années en dériveur 420 en championnat d’Europe et du monde, aguerrie après trois saisons en Figaro, elle a abordé le Vendée Globe avec la même mentalité : donner le meilleur d’elle-même et se mesurer aux meilleurs.

« Je pense qu’on se donne toujours à fond, même si on n’est pas les premiers », a-t-elle expliqué. « Il y a toujours une vraie bataille. Je ne me suis jamais dit que je pouvais faire une sieste de plus. J’étais à fond dans ma course jusqu’au bout, et jusqu’au bout il y avait une course. Il ne fallait rien lâcher. »

Parmi les moments marquants de sa course, son approche du Cap Horn a été décisive. Confrontée à une situation potentiellement risquée, elle a choisi de ralentir, mettant de côté son instinct de compétitrice pour privilégier la sécurité.

« C’était super dur de devoir ralentir, de voir tout le monde partir. », a-t-elle confié. « Finalement, quand je suis passée trois jours après, j’ai eu des vents encore plus forts et, dans ces conditions, j’ai perdu une voile par-dessus bord. Mais je me suis dit que si ma voile était tombée à l’eau pendant la première dépression, ça aurait été encore plus compliqué… On peut toujours jouer au jeu des “et si ?”. C’était ma décision, je l’assume, et c’est comme ça. »

Si son Vendée Globe a impressionné, c’est aussi par sa capacité à gérer seule les innombrables défis techniques imposés par un tour du monde en solitaire. À 23 ans, avec encore peu d’expérience en course au large, elle a pourtant prouvé qu’elle savait faire face aux pires galères à bord de son IMOCA, elle a dû réparer sa colonne de winch, réparer son moteur et même monter en haut de son mât à deux reprises, dont une fois dans une mer agitée. Une épreuve aussi physique que mentale : « C’était vraiment, vraiment difficile », se souvient-elle. « Je ne faisais pas la maline – je me suis fait un peu mal, j’ai eu peur de me blesser. »

Mais Violette Dorange a montré qu’elle était une compétitrice, aussi solide physiquement que mentalement : « Ce qui est difficile dans le Vendée Globe, c’est que même quand la peur est là, il faut continuer à avancer », a-t-elle confié. « Parfois, il faut vraiment lutter contre, se mettre des œillères et ne pas laisser la peur dicter nos décisions. Et puis, j’ai appris qu’il ne sert à rien de s’inquiéter avant que quelque chose n’arrive… sinon on finit par s’inquiéter deux fois. »

Classée 21ème à l’Équateur, juste devant Jean Le Cam, elle passera ensuite 26ème au Cap de Bonne-Espérance et au Cap Leeuwin, puis 28ème au Cap Horn, avant de gagner des places dans la remontée de l’Atlantique.

Tout au long de son périple, elle a maintenu un lien fort avec le public, partageant en vidéo, audio et texte son quotidien et ses émotions, y compris une dernière vidéo à bord, capturant sa joie lorsqu’elle a vu Charlie Dalin passer en avion militaire français pour lui rendre hommage alors qu’elle approchait de l’arrivée.

Son Vendée Globe n’a pas seulement été une aventure sportive hors norme, il a aussi inspiré des milliers d’enfants, en France et au-delà. À bord d’un bateau au nom symbolique – DeVenir – la jeune navigatrice portait un message fort, qu’elle défend avec passion. « Ce qui me touche le plus, c’est de voir que des enfants se sont intéressés au Vendée Globe », a-t-elle déclaré. « Le bateau s’appelle DeVenir – et ce n’est pas pour rien. L’idée est de mettre en avant certaines valeurs : apprendre à avoir confiance en soi, même quand ce n’est pas facile, repousser ses limites, relever des défis et se lancer à l’aventure… Ce message s’adresse aussi aux générations plus âgées – avoir confiance en la jeunesse », a-t-elle ajouté.

Si Violette Dorange a mené cette course avec brio, elle n’oublie pas ceux qui l’ont soutenue. Son équipe, qu’elle salue pour lui avoir fourni un « bateau impeccable », mais aussi sa famille, un pilier essentiel depuis ses débuts. Depuis l’enfance, elle a repoussé les frontières du possible, traversant la Manche et le détroit de Gibraltar en Optimist à seulement 15 ans. À chaque étape, ses proches ont été là, croyant en elle sans faille.

À son arrivée, elle a comparé l’émotion du moment à celle d’un mariage : « C’est ça qui est particulier avec le Vendée Globe, cela fait venir tellement de monde ! C’est un peu comme un mariage : il y a mes amis, toute la famille, de partout en France. J’ai reçu plein d’amour, ça m’a porté pendant tout le long de la course. »

Source

Articles connexes