Ce dimanche 2 février, peu après 13h, Yannick Bestaven, skipper de Maître CoQ V, a bouclé son tour du monde hors course. Après une escale technique à Ushuaïa début janvier, le vainqueur de l’édition 2020 termine cette aventure hors-du-commun à laquelle il a consacré près de vingt ans de sa vie. Quatre ans après lui avoir offert la victoire, le destin aura été moins prodigue cette fois avec le skipper rochelais, victime d’avaries en série sur sa fin de Pacifique. Mais l’essentiel est bien là : c’est en marin solitaire qu’il a franchi la ligne d’arrivée et remontera le chenal des Sables d’Olonne pour saluer, une dernière fois, le public, qui a toujours apprécié ce skipper alliant sympathie, ténacité et humilité.

Il l’avait annoncé avant son départ : ce Vendée Globe, son quatrième déjà, serait sa dernière course en solitaire à bord de Maître CoQ V. Alors forcément, pour le gagnant de l’édition 2020, cela faisait une double motivation pour marquer le coup : défendre son titre et s’offrir la joie d’un ultime exploit à la barre de son bel IMOCA. « Si j’ai 1% de chance de la gagner de nouveau, c’est mieux de le tenter plutôt que de rester chez moi, dans le canapé, en train de manger des chocolats devant la télé ! », plaisantait-il avant le départ, se disant « plutôt décontracté ».

Dès le 10 novembre, il n’avait en tout cas pas hésité à contracter ses muscles pour montrer de quel bois il se chauffait sur ce bateau neuf, mis à l’eau en 2022. Dès le cap Finisterre, et malgré des rafales à 48 nœuds, il accroche le Top 10 et ne le lâchera plus. Dans l’Atlantique Sud, c’est la folle cavalcade, il décrit avec humour son quotidien et la vie « comme des singes, tout le temps accrochés ». Il passe le cap de Bonne Espérance en 8e position, juste devant Paul Meilhat, avec qui il bataillera tout le long de l’Indien, après avoir rejoint Sam Goodchild. Ensemble, ils négocieront ce piégeux océan, particulièrement en colère contre les solitaires cette année, avec une grosse dépression dont ils essuieront les stigmates.

Avaries en série
A l’entrée du Pacifique, c’est tout aussi sportif. Avec 531 milles avalés sur 24h, Yannick met le turbo dans la première dépression, et remonte à la 7e place ! Mais à mi-parcours, les premiers ennuis commencent : le système d’attache de son Code 0 qui casse d’abord, abîmant son foil au passage, puis son FR0 qui explose dans un grain, des problèmes de peau sur le bordé tribord arrière et enfin, quelques jours plus tard, une avarie de barre majeure. Maître CoQ V est obligé de ralentir fortement, et voit ses camarades s’échapper, impuissant.

Au lendemain de ses 52 ans, Yannick s’offre tout de même un nouveau cap Horn, heureux malgré un bateau très handicapé. « J’ai l’impression de conduire une voiture sans volant », explique-t-il, les traits tirés par l’épuisement et le stress. Quelques heures plus tard, l’annonce tombe : « Après avoir évalué la situation et étudié les différentes options avec le team voile Maître CoQ, Yannick a pris la décision de faire escale à Ushuaïa (Argentine) pour réparer son bateau avec son équipe. »

Il aurait pu en rester là, laisser son équipe ramener le bateau et rentrer, lui, dans un confortable fauteuil d’avion. Mais ça aurait été mal connaître le vainqueur de l’édition 2020 du Vendée Globe. Le 6 janvier, après des réparations menées en un temps record, Yannick Bestaven reprend la mer. « Je me dois et j’ai envie de finir, explique le Rochelais. Il y a beaucoup de monde qui m’attend à l’arrivée. Je sais que tous les collaborateurs qui n’ont pas pu fêter mon arrivée il y a 4 ans à cause du COVID ont à cœur de le faire cette année. Je suis impatient de reprendre la mer et de boucler la boucle. Quelle aventure de s’arrêter ici, ce n’était vraiment pas ce que j’avais prévu au programme mais bon, on va tout faire pour que la fin de ce tour du monde soit la plus belle possible ». Et il aura, cette fois encore, réussi son pari.

Les temps forts de sa course

  • 12 novembre 2024
    Avec des rafales à 48 nœuds et une mer très chaotique, Yannick passe le cap Finisterre et accroche le Top 10.
  • 20 novembre 2024
    Arrivé dans le Pot-au-Noir, le skipper de Maître CoQ V est 6e, à la bagarre !
  • 25 novembre 2024
    Tout schuss dans l’Atlantique Sud, Yannick cherche à tenir le rythme de Jérémie Beyou et Nicolas Lunven dans la dépression. « On vit comme des singes, tout le temps accrochés ».
  • 30 novembre 2024
    Passage du cap de Bonne Espérance en 8e position, avec Paul Meilhat en embuscade derrière.
  • 5 décembre 2024
    Parti au Nord dans l’Indien, Yannick fait le dos rond dans la dépression à la chasse au Sam Goodchild.
  • 12 décembre 2024
    Passage du cap Leeuwin en 9e position, toujours à la lutte avec Sam Goodchild et Paul Meilhat.
  • 17 décembre 2024
    Avec 531 milles avalés sur 24h, Yannick met le turbo dans la première dépression du Pacifique, et remonte à la 7e place !
  • 23 décembre 2024
    Le long de la zone des glaces, Yannick se retrouve bord à bord avec Boris Herrmann. Mais le système d’attache de son Code 0 casse, abîmant au passage son foil. Puis c’est son FR0 qui explose après un “départ au tas” dans un grain.
  • 26 décembre 2024
    Dans 5 mètres de vagues et près de 30 nœuds de vent, le système qui relie ses safrans cède, rendant la barre incontrôlable. Maître CoQ V est obligé de ralentir fortement, et voit ses camarades s’échapper.
  • 29 décembre 2024
    Au lendemain de ses 52 ans, Yannick s’offre un nouveau cap Horn, heureux malgré un bateau très handicapé. « J’ai l’impression de conduire une voiture sans volant ».
  • 30 décembre 2024
    Abandon de Yannick, obligé de faire escale à Ushuaïa où le rejoint son équipe technique pour réparer.
  • 6 janvier 2025
    « Je me dois, et je veux boucler ce tour du monde ! » Après 6 jours d’escale technique, Yannick reprend la mer, pour écrire les dernières lignes de son histoire en solitaire.
  • 2 février 2025
    Arrivée aux Sables d’Olonne après 84 jours en mer.

J’étais dans le bon paquet durant les deux tiers de ce Vendée Globe mais le destin en a voulu autrement. La décision d’abandonner a été dure à prendre mais pas le choix. Très bel endroit la Patagonie ! Ce Vendée Globe s’est transformé en une nouvelle aventure. Je me rappellerai toujours de celui que j’ai gagné il y a 4 ans, mais cette édition je la garderai gravée en moi aussi. C’était une véritable et belle aventure, on oublie trop souvent cet aspect. Et puis régater avec les bateaux encore en course ça m’a bien motivé pour être le plus tôt possible aux Sables d’Olonne. Puis ce chenal, ça me tenait à cœur de le vivre hors situation covid. Donc là, de jour, un dimanche et au soleil, c’était royal !

Yannick Bestaven
MAÎTRE COQ V

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