SVR-Lazartigue prêt pour une nouvelle tentative
Après deux premières tentatives prématurément stoppées, le Trimaran SVR-Lazartigue est à nouveau à 100 % de son potentiel pour s’attaquer au Trophée Jules Verne, record du tour du monde en équipage, sans escale. L’équipage mené par François Gabart est désormais à l’affût de bonnes conditions météorologiques, avec l’espoir de pouvoir lancer une nouvelle aventure dans les prochains jours.
Ils sont rentrés à la maison, ont passé du temps en famille. Certains sont allés faire du ski, d’autres sont repartis « respirer le bon air du Pays basque » (Pascal Bidégorry). Les six membres d’équipage du Trimaran SVR-Lazartigue, cinq hommes et une femme, ont profité de ces derniers jours pour recharger les batteries et refaire le plein d’énergie. Le corps ailleurs mais l’esprit toujours mobilisé autour du projet de Trophée Jules Verne, record du tour du monde en équipage sans escale. Avec pour tous, l’espoir de couper à nouveau la ligne de départ tracée entre le phare de Créac’h sur l’île d’Ouessant et le Phare du cap Lizard et l’objectif d’améliorer le record établi en 2017 par Francis Joyon et son équipe à bord d’IDEC Sport : 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes.
Depuis le 18 novembre, début officiel du stand-by, ils sont passés par de multiples émotions. Toutes particulièrement intenses. « On connait la difficulté du record autour du monde, avance François Gabart. Il faut être opportuniste et patient. À ce jour on n’a pas de regret. On a saisi des opportunités pour partir. Nous n’avons pas eu de fenêtres idéales avec un bateau à son plein potentiel au bout de plusieurs jours. Nous avons désormais passé la moitié du stand-by. On se rapproche donc de la fin. Ce n’est pas très confortable car nous avons moins d’opportunités pour espérer avoir la fenêtre idéale. Mais si elle se présente, nous n’avons jamais été aussi bons. Nous n’avions jamais autant progressé car ces tentatives nous ont permis de naviguer à fond en équipage. Le trimaran n’a jamais été aussi bon et l’équipage n’a jamais été aussi fort. Les travaux à la suite des navigations ont permis de bonnes améliorations. Ce fut hyper instructif. Néanmoins, si on peut se réjouir de cette progression, on ne peut pas encore se réjouir du résultat.»
« Nous savions tous que le Trophée Jules Verne est un défi compliqué, rappelle Tom Laperche. Évidemment, sur le papier, on espère toujours partir mi-novembre et rentrer mi-décembre avec le record à la clé. Mais ce n’est pas aussi simple. L’exercice du record est complexe. A chaque seconde, nous sommes confrontés au chrono et on se demande toujours si on peut faire mieux. Nous devons être performants pour optimiser tous les facteurs mais il faut aussi un peu de réussite. Quand on doit stopper, la déception est vite avalée. Une fois revenu à terre, le but est de vite redonner au bateau son plein potentiel afin de pouvoir se reconcentrer sur les opportunités météo. »
« Ce qui m’a le plus marqué depuis le début, c’est l’émotion d’un départ pour un tour du monde sur un tel trimaran, confie Antoine Gautier. Je l’avais vécue à travers d’autres mais quand tu es sur le bateau, c’est une autre dimension. L’ambiance à bord du bateau entre Concarneau et la ligne de départ est aussi très marquante. Tu sens que ce n’est pas une navigation comme les autres, tu te rends compte que tu pars pour le tour du monde. Ce fut frustrant de devoir rentrer sur la première tentative car la fenêtre était plutôt pas mal. Ce le fut un peu moins sur la deuxième car même si nous avions un problème technique, au regard des conditions peu favorables qui nous attendaient, c’était finalement une bonne chose d’arrêter. »
Plus expérimenté, Pascal Bidégorry insiste sur la dimension mentale de l’attente et de la gestion des différents aléas. « Un stand-by sur un Trophée Jules Verne est usant car tu es sur le qui-vive en permanence, note-t-il. Tu regardes en permanence la météo, tu te fais des scénarios, partira, partira pas. Entre les tentatives, il faut du repos. C’est un peu paradoxal car tu fais des choses de la vie « normale » mais tu sais qu’il faut être prêt à repartir. Malgré la déception de nos deux retours, nous nous sommes vite remobilisés et nous nous sommes tout de suite remis à bosser, à regarder les datas etc. Tout a été mis à profit. Même quand nous avons fait demi-tour, nous ne sommes pas rentrés juste pour faire un convoyage. Nous avons continué à bosser avec un bon état d’esprit collectif. Ces deux navigations ont d’ailleurs permis de renforcer la cohésion sur le bateau. Les choses se font plus facilement. Cela a rendu le groupe beaucoup plus riche avec une performance plus linéaire sur la durée. A l’échelle d’un tour du monde, c’est très important. »
« Ces deux tentatives nous ont permis de progresser et d’apprendre »
Faire le tour du monde en Ultim sans escale est une performance qu’encore aucun bateau n’a réussie. S’attaquer au Trophée Jules Verne à bord de ces bateaux volants constitue un véritable défi. Chaque navigation, chacun des milles parcourus est une opportunité pour apprendre dans un domaine où les Ultim actuels font encore office de pionniers d’une nouvelle ère. « Aborder un Trophée Jules Verne à bord d’un tel bateau est nouveau, explique Tom Laperche. On sent à chaque instant que nous sommes encore dans un domaine d’innovation. Être dans une philosophie de record nous fait tirer davantage sur le bateau. Nous accélérons beaucoup plus et nous mettons le doigt sur des éléments sensibles du bateau. Tout n’est pas encore acquis. »
Directeur technique du projet SVR-Lazartigue au sein de MerConcept, Antoine Gautier se réjouit aussi du travail déjà accompli. « Ces deux tentatives nous ont permis de progresser et d’apprendre, souligne-t-il. Nous sommes plus intelligents et performants maintenant. On navigue à des rythmes que l’on n’avait jamais tenus sur ce bateau. Sur la deuxième tentative, on a fait 888 milles à 37 nœuds de moyenne. Les bateaux qui ont fait ça se comptent sur les doigts d’une demi-main. Quoiqu’il arrive dans les jours et semaines à venir, dans la perspective des objectifs des prochaines années, cette campagne est donc déjà un succès. »
Partie quelques jours se ressourcer dans les montagnes en ski de randonnée, Amélie Grassi extrait également du positif de ces deux premières navigations. « Ces deux galops d’essai nous ont donné l’opportunité de doubler notre volume d’heures d’entraînement ensemble, constate-t-elle. Nous avons pu bien explorer beaucoup de choses en termes de performance et de réglages. Personnellement, je me sens plus à l’aise à bord. On se sent en phase avec le bateau et 100% prêt à repartir. Nous allons pouvoir encore mieux exploiter le potentiel du bateau. »
« Nous avons fait beaucoup de travail sur tous les détails qui permettent de mieux régler le Trimaran SVR-Lazartigue, insiste Pascal Bidégorry. Quelles que soient les conditions, que ce soit la force du vent, l’état de la mer ou l’allure du bateau, on sait maintenant comment le régler. Le retour des analyses par les ingénieurs chez MerConcept a aussi été très intéressant. On ne cherche plus, on va directement sur les points de performance. Nous avons vraiment trouvé une homogénéité de performance globale du bateau. Par ailleurs, même si cela peut sembler étonnant puisque nous avons dû stopper les deux premières tentatives, nous avons aussi beaucoup travaillé en termes de fiabilité. Naviguer en équipage dans des conditions difficiles où nous ne sommes pas dans la gestion mais dans un esprit de record avec la volonté de pousser énormément le bateau permet de mettre le doigt sur des détails de fiabilité. Cela va nous permettre de faire un grand pas pour la suite du Trophée Jules Verne s’il y en a une cette année, et dans tous les cas, pour les prochaines échéances. »
Récap des deux premières tentatives
Après un premier départ le samedi 30 novembre, le Trimaran SVR-Lazartigue avait été contraint de faire demi-tour après quatre jours de navigation, à la suite d’avaries sur le foil tribord et le safran tribord (collision avec un objet ou un animal non identifié à 500 milles de l’Archipel des Açores et 600 milles du Cap Vert). Le temps d’effectuer les réparations, l’équipage avait à nouveau coupé la ligne de départ le jeudi 19 décembre au regard d’une fenêtre météorologique favorable. Mais la dégradation des conditions au sud de l’équateur ainsi qu’un problème technique sur le gennaker (la plus grande voile du bord, utilisée plutôt dans les petits airs, et pour descendre au portant/vent arrière) avaient convaincu l’équipe de rentrer à Concarneau.