Dans moins de dix jours, le vainqueur de la 10e édition du Vendée Globe sera connu. Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance, 1er), serein et déterminé, conserve une légère avance sur Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA, 2e). Le Normand est le premier à s’être extirpé du pot-au-noir où progresse actuellement son dauphin. Derrière, Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor-lux, 16e) fait sensation en revenant sur Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 14e) et Damien Seguin (Groupe APICIL, 15e). Isabelle Joschke (MACSF, 18e) et Giancarlo Pedote (Prysmian, 19e), eux, ont franchi le cap Horn. Par ailleurs, Yannick Bestaven (Maître CoQ V) est reparti hors-course depuis Ushuaia tandis que Bureau Vallée, le bateau de Louis Burton, est arrivé à Saint-Malo.

Un duo à foils tirés
Au lendemain de son passage de l’équateur, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) est déjà en train de sortir du pot-au-noir. Lui qui est passé en bordure de la zone a été ralenti par quelques nuages et autres grains, ce qu’endure actuellement Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA, 2e) ce lundi. Alors que l’écart s’était réduit, passant de 130 milles dimanche à 79 milles cet après-midi à 15 heures, Charlie devrait reprendre un peu d’avance dans les prochaines heures. « Il va ressortir un peu plus tôt donc l’écart devrait augmenter à nouveau », précise Christian Dumard. Le consultant météo du Vendée Globe assure qu’entre les deux hommes, « ça va se jouer sur la vitesse, sur les choix, sur la casse et sur les nerfs ». Charlie Dalin était à la vacation ce lundi matin, l’occasion de faire le point sur sa course et sur son état d’esprit :

Le pot-au-noir, ça a toujours l’air plus facile sur la cartographie qu’en mer ! Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit à cause d’un orage qui m’a un peu bloqué la route et des vents instables en force et en direction. Mais je vais réussir à m’en sortir bientôt. On fera les comptes quand Yoann en sera lui aussi sorti. La course va se jouer sur un ensemble de paramètres : la situation météo, l’état du bateau, la gestion du trafic, l’inspiration du skipper à faire les bons choix… C’est assez intense, la pression est constante mais ça fait partie du jeu. Tous les marins qui viennent au Vendée Globe avec des ambitions sportives rêveraient d’être à notre place. Je prends beaucoup de plaisir, j’ai plus de détachement et moins de pression qu’il y a quatre ans. Et il ne faut pas oublier que ce que l’on fait n’est qu’un jeu !

Charlie Dalin
MACIF Santé Prévoyance

Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), solide 3e, s’apprête quant à lui à dépasser la pointe Nord-Est du Brésil et à passer le pot-au-noir avec une route bien plus à l’Ouest que le duo de tête. Le Vendéen n’est pas vraiment menacé par la bagarre qui se joue 1200 milles plus au Sud. Dans cette bataille pour le “top 10”, la plupart bute sur une zone sans vent et tous composent avec une forte instabilité.

Un temps, Jérémie Beyou (Charal, 4e) a pris l’avantage grâce à son option Ouest. Mais les partisans de l’Est avec Paul Meilhat (Biotherm, 9e) et Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 10e) pourraient, à terme, mieux s’en sortir mieux. Thomas Ruyant (VULNERABLE, 5e) progresse entre les deux, lui qui compose sans J2 (voile d’avant). Il raconte :

Ce n’est pas un moment très facile. On essaie de trouver le point de passage pour aller chercher les alizés de sud-est. J’ai changé un peu mon fusil d’épaule pour faire une route un peu plus Nord que Nicolas et Paul. Sans J2, je sais que ça va être très compliqué de lutter dans ce groupe. Mais je ne lâcherai rien, je me battrai jusqu’au bout. Ça va faire comme un nouveau départ entre nous et je vais prendre ça comme une nouvelle course qui démarre !

Thomas Ruyant
VULNERABLE

Les bobos se multiplient sur les bateaux et sur les corps des marins aussi. En fin de matinée, Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) révélait ainsi s’être « bloquée l’épaule gauche », provoquant même un léger malaise. « C’est dur, on se sent tellement vulnérable quand ça nous arrive. Heureusement que j’ai pu prendre des antidouleurs. »

Jean Le « Cam back »
Ensuite, il faut descendre autour de la 15e place pour assister à un sacré match dans le match. Il oppose un duo – Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 15e) et Damien Seguin (Groupe Apicil, 16e), obligés de contourner les Falklands par l’ouest puis bloqués par un anticyclone – à Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor Lux, 17e). Ce dernier a déboulé sur leur Est et devrait les croiser en fin de journée. « C’est le roi Jean, il a un bon karma, il a tout pour avoir les dieux de la mer avec lui », confiait Romain ce matin. Ça fait aussi rire Jean, contacté aux vacations ce matin :

Il ne faut pas oublier que j’ai fait l’offrande à Neptune d’un Saint-Julien de 2016 à mon passage de l’équateur. Et Éole est un grand copain de Neptune. Si tu ne donnes pas de la piquette, ça finit par payer ! Je ne vais pas me plaindre : depuis la descente de l’Atlantique, je suis assez constant. J’ai peut-être un peu de chance aussi depuis le passage du cap Horn. Le grand bonheur, c’est quand j’ai progressé sous les Falklands, mer plate avec du vent en voyant l’horizon. C’est ce dont tu rêves tout le temps quand tu es dans les mers du Sud.

Jean Le Cam
TOUT COMMENCE EN FINISTERE – ARMOR-LUX

Jean savoure le bonheur de tout donner dans ce Vendée Globe. Hier, il a été survolé par un avion piloté par Marilou, une vieille connaissance. Les images sont à couper le souffle et l’instant a donné envie au “Roi Jean” de chanter. Il a entonné « L’homme à la moto » d’Edith Piaf, paroles légères sur une autre Marylou et moment suspendu au cœur de l’Atlantique Sud. Audiard est sur l’eau, il a 65 ans, il joue avec les références et s’amuse à écrire sa propre histoire.

Les nouveaux cap-horniers
Derrière, Isabelle Joschke (MACSF, 19e) et Giancarlo Pedote (Prysmian, 18e) ont passé le cap Horn dans la matinée, respectivement à 8h02 et 11h10 (heure française). Les deux skippers avaient préféré attendre le passage d’une forte dépression avant de se permettre d’entrer dans l’Atlantique Sud. Dès que le front s’est légèrement résorbé et que les conditions étaient plus clémentes, ils ont pu le franchir avec davantage de sérénité. Un passage d’autant plus symbolique en ce lundi 6 janvier, 27 ans jour pour jour après la disparition de Gerry Roufs dans la même zone.

Les passages du cap Horn devraient s’enchaîner tout au long de la semaine : Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job, 20e) d’abord y est attendu demain après-midi, Tanguy Le Turquais (Lazare, 21e) ensuite dans la nuit de mardi à mercredi et le groupe des « banditos », comme l’avait surnommé Arnaud Boissières (La Mie Câline, 29e) devrait le franchir mercredi dans la journée. Dans ce groupe, il y a Violette Dorange (Devenir, 28e) qui a décidé de ralentir avant de le franchir. Elle s’en est expliqué aux vacations :

Il y a un passage de front avec du vent fort puis une grosse dépression sur l’Amérique du Sud où il n’y a pas d’option pour se mettre à l’abri. J’ai pas mal réfléchi, j’ai beaucoup hésité mais j’ai décidé de ralentir. C’est la première fois que je fais ça dans une course mais c’était la décision la plus sage. Parfois, dans les moments durs, j’essaie de me rappeler la chance que j’ai d’être ici, je réalise à quel point c’est incroyable.

Violette Dorange
DeVenir

Eux aussi auraient rêvé de continuer cette belle aventure mais le sort en a décidément autrement. Louis Burton (Bureau Vallée) et Yannick Bestaven (Maître CoQ V) ont tous les deux abandonné. Le bateau du Malouin a été ramené dans son port d’attache dans la nuit de dimanche à lundi après un long convoyage depuis Le Cap, en Afrique du Sud.

L’un arrive, l’autre repart. À plus de 13 000 km de là, Yannick Bestaven a repris la mer ce matin. L’infortuné a en effet quitté le port d’Ushuaia ce lundi après sept jours d’escale technique. Le tenant du titre repart donc hors course avec la volonté d’aller au bout. « Ce n’est pas ce que j’avais prévu mais c’est comme ça. Je suis reparti direction Les Sables d’Olonne. Et je vais tout faire pour que la fin de ce tour du monde soit la plus belle possible ! »

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