La 24e édition de La Boulangère Mini Transat, indiscutablement celle de tous les superlatifs, a tenu toutes ses promesses, écrivant l’un des chapitres les plus inoubliables de l’histoire de l’épreuve et, plus largement, de la course au large. Des Sables d’Olonne jusqu’à Saint- François, en passant par Santa Cruz de La Palma, les 90 solitaires en lice se sont livré une bagarre à couteaux tirés. Tous ont relevé un immense défi. La plupart ont bouclé l’aventure, clôturant, non sans émotions, plusieurs années de projet. Certains ont aussi accompli un rêve. Côté terre, le bilan est tout aussi enthousiasmant et synonyme de franche réussite populaire. La preuve par huit.

Un plateau d’une remarquable diversité

Comme en 2021, afin de répondre à une demande toujours plus forte, le nombre de participants pour ce cru 2023 a été élargi, passant de 84 à 90 (31 Proto et 59 Série). Au sein de cette flotte, pas moins de 17 nationalités étaient représentées (Argentine, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Espagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Luxembourg, Pologne, Slovénie, Suisse, Uruguay, Venezuela) avec un total de 27 marins internationaux, soit près de 30% des troupes. En nombre également, les femmes (14) et les « récidivistes » (13). L’âge moyen ? Trente-trois ans, avec pour extrêmes 21 et 66 ans.

Moins de 5% d’abandons

Sur les grandes épreuves de course au large, comme le Vendée Globe ou la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, le taux d’abandon tourne généralement autour de 20%. Sur la Mini Transat, il oscille entre 10 et 15% selon les éditions mais atteint parfois des sommets, comme en 1981. Endeuillée avant même le départ avec le naufrage de Christian Massicot lors de son convoyage à destination de Penzance (le port de départ), cette dernière a subi la queue du cyclone Irène. A l’arrivée, le nombre de skippers contraints de jeter l’éponge (16) s’est alors trouvé supérieur à celui de ceux ayant fini la course (13). A l’inverse, cette 24e La Boulangère Mini Transat n’a généré que quatre abandons : trois en Proto et un en Série. Ceux de Federico Sampei (1046 – DMG MORI Sailing Academy 1) à la suite d’un démâtage, de Matthieu Sapin (958 – Assurinco – Urban Corail) à cause de problèmes d’énergie, d’Alpha Eon Diakite (254 – 30 jours de mer pour nos héros) après la perte de sa quille, puis d’Alexis Rochet (962 – Espérances Banlieues) en raison de problèmes de barre et de pilote. Si ce n’est pas un record, cela reste un excellent score !

Romain Van Enis, le 1000e solitaire à boucler la Mini Transat

Depuis 1977, pas moins de 1 362 marins (1160 en solitaire) se sont alignés au départ de l’épreuve, parmi lesquelles 107 femmes. Arrivé en dernière position en Guadeloupe après avoir été confronté à la casse d’une barre de flèche très vite après le départ des Canaries, le Belge Romain Van Enis (630 – James Caird), est, incroyable coïncidence, le 1000e marin à avoir bouclé la boucle en solo ! Autre chiffre : pas moins de 38 pays ont été représentés avec, en tête de gondole en termes de nombre, la France suivie de l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne, la Suisse et la Belgique. Note : le Venezuela était une première cette année.

Des vainqueurs étrangers, à la fois en Proto et en Série

Jusqu’alors, six étrangers avaient réussi l’exploit d’inscrire leurs noms au palmarès de l’épreuve : l’Américain Norton Smith en 1979, le Belge Laurent Vancutsem en 1993, le Suisse Yvan Bourgnon en 1995, le Belge Peter Laureyssens en 2005, le Portugais Francesco Lobato en 2009 puis l’Italien Ambrogio Beccaria en 2019. Cette année, l’Uruguayen Federico Waksman (1019 – Repremar – Shipping Agency Urugay) et l’Italien Luca Rosetti (998 – Race = Care) ont fait de même. C’est toutefois la première fois de l’histoire de la course que des skippers internationaux parviennent à s’imposer dans le même temps en Proto et en Série !

Des records de vitesse

Profitant d’alizés parfaitement bien établis dans la deuxième étape, certains solitaires ont tenu des moyennes supersoniques à bord de leurs Mini 6.50. Hugues de Prémare (1033 – Technip Energies – International Coatings) a, lui, littéralement fait fumer son bateau, explosant ainsi à la fois les records de la plus grande distance parcourue sur 24 heures en bateau de Série (291,47 milles établis par Florian Quenot en 2019) mais aussi toutes catégories confondues (308 milles réalisés par Pierre Le Roy en juillet 2022) avec 317,25 milles engloutis entre le 1er et le 2 novembre dernier, à la vitesse moyenne de 13,22 nœuds ! A retenir : Félix Oberlé (1028 – Mingulay), Adrien Simon (1038 – Faun) ont eux aussi dépassé la barre symbolique des 300 milles en bateau de Série. Leurs performances respectives : 311 et 304 milles !

Du suspense jusqu’au bout

Si la première étape (1 350 milles entre Les Sables d’Olonne et Santa Cruz de La Palma) a marqué les esprits, la deuxième (2 700 milles entre Santa Cruz de La Palma et Saint-François) l’a fait plus encore. L’une s’est avérée extrêmement complexe, la faute à une météo très changeante et très incertaine. A la clé : un gros retournement de situation dans le dernier tiers du parcours en faveurs des partisans de l’ouest, puis un autre à la toute fin de parcours en raison d’un redoutable effet tampon sur l’île Canarienne. Résultat des courses, des écarts monstrueux se sont créés et un grand nombre de favoris ont d’emblée pris du plomb dans l’aile, ruinant, pour certains, leurs chances de bien figurer au général. L’autre s’est révélée très ouverte avec, dès le passage de El Hierro, le choix entre deux options distinctes. Nord ou sud ? Tel a été le dilemme avec, toutefois, au bout du compte, peu ou pas d’écarts entre l’une et l’autre grâce à des alizés bien établis pour tout le monde à partir du quatrième jour de course. Dans ce contexte, la vitesse a clairement primé, et ceux qui sont parvenus à tenir la cadence à la fois physiquement et mentalement jusqu’à la fin ont tiré les marrons du feu. Ce que l’on retiendra par ailleurs ? D’une part, les 29 petites minutes qu’il a finalement manqué à Marie Gendron (1050 – Léa Nature) pour devenir la quatrième femme de l’histoire de la course après Isabelle Autissier en 1987, Justine Mettraux en 2013 puis Clarisse Crémer en 2017, à terminer sur le podium au classement général. D’autre part, les quinze heures interminables qu’aura dû patienter Luca Rosetti (998 – Race = Care) pour être assuré de sa victoire chez les bateaux de Série.

Des émotions comme nulle-part ailleurs

Un évènement tel que La Boulangère Mini Transat génère des émotions comme l’excitation l’enthousiasme, la fierté, la déception, la frustration, la peur, la nervosité, la joie, l’euphorie, la satisfaction la gratitude, l’admiration, la solidarité, l’empathie, la rivalité et bien d’autres. Les 90 marins de cette 24e édition n’y ont pas échappé. Choix du bateau, préparation physique, planification, logistique, budget, recherche de partenaires… Tous ont consacré en moyenne deux ans à leur projet (jusqu’à onze pour certains, à l’image de Marie Gendron). A l’arrivée, s’ils n’ont, bien sûr, pas vécu l’aventure de la même manière, tous ont terminé avec un même sentiment d’accomplissement. Pas rien, en effet, de surmonter le défi de traverser l’Atlantique en solitaire sur un petit bateau de 6,50 mètres. « Lorsque l’on fait la Mini Transat, il y a un avant et un après », a résumé Aurélien Dhervilly (429 – XFLR6 Cherche Propergol).

Une ambiance unique

Depuis sa création par Bob Salmon, il y a 46 ans, la course jouit d’une magie qui lui est propre. Elle est, à juste titre, associée à des moments de célébration, de rassemblement, de partage et de joie. Elle combine à la perfection des éléments tels l’ambiance, les émotions, les souvenirs, les rencontres, les surprises, et les expériences uniques. La musique, les lumières, les couleurs et les odeurs aussi. Aux Sables d’Olonne, à Santa Cruz de La Palma ou à Saint-François, la fête a ainsi été belle. Preuve que si elle est une aventure humaine exceptionnelle, La Boulangère Mini Transat est en réalité bien plus que ça encore !

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