Debrief de la Transat Jacques Vabre en IMOCA
La Transat Jacques Vabre-Normandie Le Havre 2023, dont le départ a été retardé de neuf jours en raison de conditions météo extrêmes, s’est élancée sur un parcours raccourci qui a donné lieu à une compétition géniale en IMOCA.
La course a offert de belles batailles en tête de course entre les derniers foilers, puis au sein du top 10 pour les foilers d’ancienne génération, et aussi entre les bateaux à dérives. Il y a eu de la régate à tous les niveaux dans une flotte qui n’a connu que quatre abandons (sur 40 partants) dus à des problèmes de structure ou de fiabilité.
A Fort-de-France, en Martinique, où les derniers continuer d’arriver, Damien Seguin, le skipper de Groupe APICIL qui a réalisé une impressionnante ‘remontada’ après que Laurent Bourguès et lui aient dû s’arrêter à Lorient pour réparer leur bôme cassée, affirme que cela n’a pas été une transat comme les autres.
« Dans l’esprit du grand public, les transats se suivent et se ressemblent », affirme-t-il. « Cela semble presque normal ce que l’on fait, mais c’est quelque chose de traverser l’Atlantique aussi rapidement et, à bord, on a l’impression que cela a filé en quelques secondes. »
« Mais quelle course ! On pourrait presque dire « plus c’est court, mieux c’est », car ce ne sont pas les transatlantiques les plus longues qui ont le plus de rebondissements », ajoute le champion paralympique qui participait à sa troisième transat en double en IMOCA. « Il y a eu des options folles et jamais la flotte n’a été aussi séparée entre les partisans du nord, ceux du sud et ceux qui ont régaté entre les deux. Ces choix ont vraiment tenu beaucoup de monde en haleine. »
Antoine Mermod, le président de la Classe IMOCA, également présent en Martinique, met l’accent sur la compétition des premiers IMOCA à dérives dont la bagarre fut des plus intenses – parmi lesquels Monnoyeur-Duo For A Job, Fives Group-Lantana Environnement, Freelance.com, DeVenir et Mail Boxes Etc. Selon Antoine Mermod, ce groupe de bateaux, dont beaucoup ont été construits pour le Vendée Globe 2008-09, constitue une flotte très compétitive.
« Ces bateaux ont été bien entretenus au fil des années et par différentes équipes. Nous avons maintenant une flotte d’environ 10 bateaux assez similaires en termes de performance et menés par des skippers de très, très haut niveau. Pour ces marins, cette Transat Jacques Vabre a été à la fois une course de vitesse et une course tactique. C’était vraiment beau à voir », poursuit-il.
Il ajoute que le rythme de cette partie de la flotte est comparable à celui de l’époque où ces bateaux étaient neufs. « Je pense même qu’ils sont plus rapides qu’en 2007 et que Michel Desjoyeaux, le vainqueur d’alors (aux côtés d’Emmanuel Le Borgne), serait impressionné de la façon dont ces marins naviguent aujourd’hui », confie-t-il.
Damien Seguin affirme que cette Transat Jacque Vabre illustre bien ce qu’est la Classe IMOCA aujourd’hui – plus grande et plus diversifiée en termes de bateaux que jamais. « Il y a plus de bateaux, plus de courses et c’est formidable », déclare-t-il. « Il y a des batailles à tous les niveaux et dans toutes les courses. Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de déçus en Martinique, car chacun a réussi à rivaliser au sein de son propre groupe. »
Pour Romain Ménard, team manager de Paprec Arkéa de Yoann Richomme, cette Transat Jacques Vabre était un objectif clé de la saison, alors que son skipper, qui a régaté avec Yann Eliès, poursuit désormais en solitaire la préparation de son premier Vendée Globe. Le duo de Paprec Arkéa a réalisé une superbe course, terminant juste derrière les vainqueurs Thomas Ruyant et Morgan Lagravière sur For People.
« C’est le plus grand événement des courses en double de la saison », rappelle-t-il. « Certains choix pour cette transat et sa préparation étaient également tournés vers le Vendée Globe et c’est un très bon événement pour nous qui a donné à Yoann le temps de développer le bateau avec un talent comme Yann qui a une immense expérience dans le domaine. »
Même avec un départ retardé, les bateaux ont dû faire face à un passage de front assez brutal, avec des vents allant jusqu’à 40 nœuds et une mer courte et cassante au large de la côte bretonne. Antoine Mermod affirme que les bateaux ont bien résisté à l’épreuve mais il attend de voir comment se déroulera la course du Retour à la Base vers Lorient, avant de tirer des conclusions sur la fiabilité globale de la flotte.
« Nous avons une transat en solitaire qui revient en Europe avec des IMOCA qui commencent à être un peu fatigués d’une longue saison. C’est aussi la première fois depuis un an que nous allons voir des skippers seuls à bord et cela, en décembre, dans l’Atlantique Nord. Nous en saurons donc plus à l’arrivée », ajoute-t-il
En attendant, l’ambiance sur les quais de Fort-de-France n’est pas sans rappeler celle d’une escale de The Ocean Race, avec des équipes qui se battent contre la montre pour être prêtes pour le départ du Retour à La Base, jeudi 30 novembre. Romain Ménard explique d’ailleurs que Paprec Arkéa a mis en commun ses ressources avec Charal et Teamwork, les trois équipes partageant notamment un conteneur de pièces détachées afin de réduire les coûts et d’augmenter l’efficacité.
Selon lui, l’atmosphère générale au sein de la flotte IMOCA est à la solidarité face au défi qui nous attend. « Tout le monde essaie d’aider et nous prenons du plaisir à être ensemble. Nous travaillons un peu dans l’urgence parce que, pour nous par exemple, il n’y a que 10 à 12 jours entre les deux courses, mais pour certains bateaux, ce sera même moins d’une semaine ! », rappelle-t-il.
Damien Seguin partage le même avis. « C’est une Classe qui appartient aux skippers et nous nous connaissons tous depuis longtemps. Il y a une grande entente et l’atmosphère à l’arrivée le montre bien. Je pense qu’il y a de plus en plus de soutien mutuel entre les équipes. Tout le monde se serre les coudes et c’est vraiment très agréable. »