Option Sud pour une flotte compacte
L’entame de la troisième journée de course de ce Défi Atlantique 2023 voit l’ensemble de la flotte converger sur une route relativement Sud, bien distincte de l’autre choix proposé par les routages et cette trajectoire au-delà des 43 degrés de latitude Nord. Les Class40, très joueurs, préfèrent ainsi la route au plus près de la péninsule Ibérique, dite « route des orques » selon les marins, en référence aux déconvenues survenues à quelques bateaux ayant eu l’infortune d’énerver ces impressionnants mammifères au large du Portugal. La flotte vise plutôt le Cap Finisterre et son DST, et progresse à belle allure, sous gennaker, dans un vent plus franchement orienté au Nord-Ouest ce matin. Point de temps à perdre pour l’ensemble des 13 Class40 en lice, une dorsale anticyclonique s’étale sur la zone et pourrait fortement ralentir les trainards à partir de demain. Pour la tête de course qu’emmène aujourd’hui Axel Tréhin (Project Rescue Ocean) à la faveur d’une belle vitesse au vent de ses adversaires, une habile manoeuvre à l’approche du Dispositif de Séparation de Trafic Finisterre est à envisager, pour aborder rapidement la traversée du Golfe de Gascogne et laisser entrevoir une arrivée Rochelaise samedi matin.
Course au placement
L’échiquier Atlantique livre, au terme des premières 48 heures bien affairées de l’épreuve, un panorama très distinct entre le groupe des Class40 à nez rond, ces nouveaux designs inspirés des scows qui mènent la course, et les 5 plans plus classiques, dénommés « pointus », qui bataillent en arrière-garde du peloton. Dans les deux cas, les écarts sont, après plus de 500 miles déjà parcourus, des plus ténus. Axel Tréhin qui a chapardé ce matin le leadership à Erwan Le Draoulec (Everial), voit ses 7 poursuivants immédiats évoluer en une dizaine de milles de son tableau arrière. La course au placement est lancée et chacun choisit son camp et sa trajectoire pour se frayer un chemin dans l’instabilité à venir.
Les courses dans la course
Dans le sillage des scows, trois « pointus » naviguent au coude à coude, Jean-Baptiste Daramy (Chocolat Pariès-SCREB), Mathieu Claveau (Prendre la mer, Agir pour la forêt) et Didier Le Vourch (Vicitan), séparés d’une poignée d’hectomètres. C’est la course dans la course, rivalité fratricide au sein des voiliers d’ancienne génération. Yoda, un Akilaria de 2008 aux mains de Franz Bouvet ne ferme plus la marche, précédent désormais en 112ème place Florian Gueguen et son Dopamine Sailing Team, un Mach40 lancé en 2011. Les trois leaders du classement général provisoire, Ian Lipinski (Crédit Mutuel), Ambrogio Beccaria (Alla Grande Pirelli) et Alberto Bona (IBSA), talonnés par Erwann Le Draoulec (Everial) semblent s’accorder ce soir sur un cap franchement à l’Est, qui permet pour l’heure à leurs adversaires plus au Nord et au plus près de l’orthodromie, de capitaliser au classement. Un investissement à n’en point douter, dont les dividendes se mesureront à l’approche du Cap Finisterre et de ce petit minimum dépressionnaire en voie d’évacuation. Chez les gros nez, les jeux sont faits. Rien ne va plus d’ici à l’approche du DST Finisterre, distant de plus de 370 milles. En prenant de plus en plus de Nord, le vent va permettre aux nouveaux scows de jouer leur partition préférée, travers au vent, sous gennaker, sur une mer certes agitée, mais de plus en plus maniable.
Chaque équipage joue ainsi à fond sa partition à cet instant ultra stratégique du parcours. Tous ne profitent plus de l’ensemble de leur panoplie. On a ainsi enregistré les pertes, pour cause de déchirures, de grand spi chez Axel Tréhin, Jean-Baptiste Daramy et Florian Gueguen.
Mots du large :
Franz Bouvet – Yoda
« Beaucoup de dauphins hier dans la journée. Un changement de voile cette nuit. Tout va bien !
Didier Le Vourch –Vicitan
« Tout va bien à bord. Ca croise et ça décroise ! On n’est pas sorti de l’auberge ! »
Ian Lipinski – Crédit Mutuel
« Bonne ambiance à bord, navigation « groupire » avec les autres bateaux. Entourés d’italiens, Espagnol et Anglais. Y a même Jambou le Brestois qui se rapproche par derrière ! On a enchainé trois changements de voile cette nuit, et là on devrait être partis pour plusieurs heures sous gennaker en direction du cap Finisterre… Les conditions sont bonnes : 15 à 18 noeuds de vent de nord-ouest… que demander de mieux ? Hier la houle était longue et haute… magnifique ! »
Mathieu Claveau – Prendre la mer, agir pour la forêt
« Après une journée plus reposante permettant un repos réparateur de la fatigue de la veille, nous sommes dans un vent de 15 noeuds sous spi, presque route directe et guettons toujours nos adversaires maintenus à bonne distance. Nous avons abordé la nuit en débutant avec l’apéro proposé par Captain, ce qui traduit la bonne forme de l’équipage. Une nuit formidable, qui nous rappelle pourquoi nous sommes là (en dehors de la course), la tête dans des milliers d’étoiles et personne à perte de vue. Seuls, Fred, Gérard et Jacquie, les locaux de l’étape, des dauphins qui nous suivent depuis des heures. La nuit, ils se transforment même en torpille. Ils fusent le long de la coque entraînant avec eux le plancton phosphorescent, laissant une traînée lumineuse ! »
Jean-Baptiste Daramy – Chocolat Pariès- SCREB
« Notre grand spi s’est ouvert en deux hier après-midi à 15H20… Depuis le départ on naviguait sous spi de tête avec un vent bien soutenu (entre 18 et 27 noeuds de vent). La fatigue cumulée de la saison, de la Route du Rhum et de la première étape du Défi Atlantique, a eu raison de mon beau spi maxi. On le fera réparer à terre, mais il sera moins beau avec toutes ses cicatrices… On a donc perdu du terrain depuis hier après-midi où nous avons renvoyé le spi medium de capelage, bien plus petit que notre spi maxi. Le vent a refusé, on a pu envoyer notre gros gennaker… D’après les routages, nous ne devrions pas trop avoir besoin de notre spi HS… Ca tombe bien car il n’est vraiment pas réparable en mer… »
Erwan Le Draoulec – Everial
« Au jeu des pressions, bascules, et placement… nous avons eu de la chance et moins de chance. Mais cette nuit nous avons allongé la foulée en passant du spi au gennaker. Le vent a tourné un peu au nord, la longue houle s’est aplatie. Cap à l’Est vers le cap Finisterre ! »
Florian Gueguen – Dopamine Sailing Team
« Décidément, hier c’était pas ma journée… 2ème spi d’éclaté ! Je m’y attendais, il était cuit.
Sinon, tout roule à bord. »Alberto Bona – IBSA
« Tout va bien à bord d’IBSA. Nuit un peu compliquée, sous spi, puis gennaker depuis ce matin. On est au vent de nos adversaires et on est content de ça et de notre position. Ce n’est pas facile mais on va s’accrocher. »
Mardi 18 avril 2023 – Classement à 16h00 (heures françaises)
- Project Rescue Ocean – Axel Tréhin à 812 milles de La Rochelle
- Everial – Erwan Le Draoulec à 813 milles + 0,7 nm
- Allagrande – Pirelli – Ambrogio Beccaria à 817,5 nm +5,3 nm
- IBSA – Alberto Bona à 818,2 nm +6 nm
- Nestenn – Entrepreneurs pour la planète – Jules Bonnier à 818,8 nm +6,5 nm
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