The Ocean Race est un nouveau monde pour les équipes IMOCA, et pas uniquement sur l’eau. Tous ceux qui ont suivi la Volvo Ocean Race et, avant cela, la Whitbread Around the World Race, savent que gagner le graal de la course au large en équipage exige un travail colossal en mer et aussi à terre.

Pour les projets IMOCA, il s’agit d’un tout nouveau défi. Sur les courses iconiques des IMOCA GLOBE SERIES, les concurrents courent d’un port à un autre, ou reviennent même parfois au port de départ. Les équipes à terre sont rarement soumises à une si forte pression. Le départ de chaque nouvelle étape étant donné quelques jours seulement après l’arrivée de la précédente, les équipes doivent remettre rapidement les bateaux en état.

C’est précisément ici que l’on voit les deux mondes se rejoindre : celui de l’école française de la course en solitaire ou en double et la tradition plus anglo-saxonne de l’équipage et des courses à escales. Neil Cox, plus connu sous le nom de Coxy, est le Directeur Technique de The Ocean Race. Originaire de Sydney, cet Australien au franc-parler a piloté des équipes techniques pour des projets (ABN-Amro, Camper, Team Vestas) puis les opérations de la course, et ce depuis plus de 20 ans. Il est donc un témoin privilégié de cette évolution.

Coxy explique que les cinq équipes IMOCA prennent toutes le pas, certaines ayant plus de ressources à terre que d’autres. « On voit que chacun prend le pli et adopte des manières de faire différentes de leurs habitudes », déclare-t-il depuis Itajaí au Brésil, où toutes les équipes travaillent actuellement sur leur bateau avant le départ de l’étape 4 vers Newport, le 23 avril. « Certains ont très vite trouvé une routine, d’autres ont un peu plus de mal parfois, en fonction des ressources dont ils disposent. »

Neil Cox, qui sur la dernière édition dirigeait le fameux ‘Boatyard’, le chantier itinérant en charge du refit des monotypes VO65 tout au long de la course, se voit ici plutôt dans le rôle du facilitateur. Fort de son expérience et de ses contacts, il s’assure que chaque équipe dispose de tout ce dont elle a besoin pour être opérationnelle sur site. Cela va de la place au port, l’électricité, l’eau, l’internet, aux contacts avec des entreprises locales fournissant des grues, des chariots élévateurs et du fret aérien. À Itajaí, Coxy a également supervisé la préparation du port pour accueillir la flotte, ce qui a nécessité une opération de dragage.

« Nous mettons tout en place pour que chacun puisse arriver sereinement avec tout son matériel », explique-t-il. « Nous essayons de faire en sorte qu’ils aient l’impression d’arriver à Lorient à chaque fois qu’ils touchent le quai, si ce n’est que chaque endroit est culturellement très différent. »

Neil Cox sait mieux que quiconque que la réussite de cette course passe par la mise en place d’une bonne équipe à terre. « C’est un effort collectif tout au long du tour du monde », explique-t-il. « Pour moi, c’est la course la plus difficile à gagner et la plus facile à perdre. Parce qu’en mer comme à terre, le moindre détail peut se propager et coûter très cher. A chaque édition, c’est toujours l’équipe la mieux équilibrée qui réussit. »

Après le marathon de 14 000 milles depuis Cape Town, cette escale est fondamentale pour les concurrents. Selon Neil Cox, l’état dans lequel les bateaux quitteront le Brésil sera crucial. « L’état dans lequel votre bateau, partira d’ici, jouera un rôle déterminant dans la façon dont vous aborderez le reste de la course. Newport est une escale sans sortie d’eau possible donc il faut d’ores et déjà se préparer pour la transat vers Aarhus, puis le sprint autour de l’Europe », déclare-t-il.

Pour mettre en perspective la charge de travail qu’ont les équipes à Itajaí, Neil Cox rappelle que les VO70 et VO65 était révisés tous les 10 000 milles. « Ces bateaux viennent de parcourir 14 000 milles en une seule étape, donc tout doit pratiquement être révisé », explique-t-il, admiratif de l’exploit que les équipages viennent d’accomplir.

Ayant travaillé sur les VO70 et les VO65, Neil Cox est impressionné à la fois par les marins IMOCA et les bateaux. Ces derniers sont, selon lui, arrivés sans dommages catastrophiques et en meilleur état qu’étaient arrivées les flottes des précédentes éditions après avoir parcouru moins de la moitié de ce qu’ils ont réalisé.

« Je pense que l’état de la flotte aujourd’hui témoigne des bateaux eux-mêmes, de leur conception, de la manière dont ils sont entretenus et des personnes qui les font avancer », déclare-t-il. « Après cette étape, certains marins ont probablement plus besoin d’une remise en état que leur bateau. Nous n’en parlons probablement pas assez, mais ces marins ont parcouru plus de 14 000 milles pour amener leur bateau jusqu’ici, ils sont épuisés. »

Coxy ne doute pas que les marins qui courent actuellement The Ocean Race acquièrent une expérience qu’ils n’auraient pas pu avoir en navigant uniquement en solitaire. Pour lui, les connaissances réunies sur ce tour du monde leur seront certainement utiles dans les futures courses en équipage réduit, mais elles seront également bénéfiques à l’ensemble de la Classe. « Vous pouvez voir la courbe de performance des bateaux menés en équipage augmenter et les skippers en ont été témoins, donc toute personne extérieure à la course doit être attentive à ce qui est en train de se passer », déclare-t-il. « Les marins sur la course possèdent sans doute des connaissances que personne d’autre n’a encore. Et je pense que le meilleur partage d’informations viendra probablement de ceux qui ont fait cette course. »

Coxy est convaincu que bien appréhender la culture ‘shore team’ de l’événement est l’une des manières dont la Classe IMOCA élargit sa portée et son expertise. Et, selon lui, le rapprochement des mondes offshore français et anglo-saxon remonte déjà à quelques années.

« Chacun était dans son propre monde et nous n’avons jamais vraiment eu l’occasion de nous mélanger, mais le fait que nous ayons des quilles basculantes sur des Volvo 70 montre que nous regardions déjà ce qui se passait en France où ils avaient des idées géniales pour augmenter la performance des bateaux. Il y a donc toujours eu un lien et un respect pour ce qui se passait là-bas. Aujourd’hui, les choses commencent à s’imbriquer et plus la flotte s’internationalisera, plus cela profitera à tout le monde, en particulier d’un point de vue commercial », ajoute-t-il.

En ce qui concerne les bateaux, Coxy a tout vu. Nous lui avons demandé s’il pensait que les IMOCA étaient la flotte la plus cool qu’il ait vue sur la course. Voici ce qu’il a répondu : « Oui, ils sont assez uniques, c’est certain. Les Volvo 70 étaient déjà des machines incroyables, mais les IMOCA sont encore à un niveau au-dessus. On se demande où on peut encore aller. C’est sûr que ces bateaux demandent beaucoup de travail, tant pour la navigation que pour l’entretien. Il y a une raison à cela et c’est uniquement une question de performance ».

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