Tout schuss vers Horta
La négociation hier et en début de nuit dernière de la traversée au près et dans les petits airs d’une dorsale anticyclonique barrant la route d’Horta n’aura en définitive accouché d’aucune révolution en tête de la course. Les prétendants à la victoire, dans le sillage d’un Ian Lipinski (Crédit Mutuel) parfaitement maitre dans l’art de protéger les bénéfices de son joli coup tactique de la fin de semaine, conservent leur classement au moment d’aborder une nouvelle phase rapide et tonique du parcours, au portant et sous grand spi. La bordure occidentale de l’anticyclone des Açores leur procure de nouveau des angles au vent de Sud-Ouest propices aux très hautes vitesses, et les équipages entamés par déjà 9 jours de navigation contrastée, puisent désormais dans leurs réserves pour aborder avec la plus grande sérénité possible les heures cruciales de l’atterrissage sur l’archipel Portugais. Crédit Mutuel continue pour l’heure de bonifier, heure par heure, son petit matelas d’une quarantaine de milles sur le duo Italien Alberto Bona (IBSA) et Ambrogio Beccaria (Alla Grande Pirelli), tandis que les deux Britanniques de Tquila, Brian Thompson et Alister Richardson, en renonçant à leur option Sud décidément sans issue, perdent toutes chances de bien figurer au pied du podium. Horta se prépare à accueillir les leaders demain mardi, au plus tôt en soirée.
Retour des grandes vitesses sous spi
Week-end Pascal résolument placé sous le signe de la tactique et du placement pour le gros du peloton du Défi Atlantique. S’extraire d’une zone de molle et traverser un front ont poussé les stratèges des Class40 à force cogitations et supputations. L’enjeu, toucher le plus rapidement possible les flux de Sud-Ouest taillés pour envoyer grandes voiles d’avant et foncer en route directe vers Horta. C’est désormais un sprint de vitesse qui est lancé par les 8 premiers du classement, course contre la montre avant l’établissement sur Faial d’une zone déventée. Les Class40 au nez rond continuent d’étonner en affichant des vitesses instantanées de près de 20 noeuds, à l’instar d’un Marc Lepesqueux (Curium Life Forward) flashé ce matin à 21,7 nœuds, pile poil sur une route bien cabossée par près de 3 mètres de creux. Le mode « sport de l’extrême » est de nouveau activé sur les « petits » monocoques de 12,18 mètres, en équilibre précaire sur la crête des vagues, et pour le plus grand plaisir des marins qui sentent le parfum des îles se faire de plus en plus entêtant avec les milles qui défilent sur leurs écrans.
Podium encore incertain
Entre le leader Lipinski (Crédit Mutuel) plus que jamais en position d’aller cueillir les lauriers Açoriens et le 12ème Franz Bouvet (Yoda), plus de 450 milles d’océan. Un « gap » qui traduit le bond technologique qui existe entre un « pointu » mis à l’eau en 2008 et un scow de récente génération. Ian, Antoine Carpentier et Rémi Fermin font mieux que résister aux derniers nés de la classe, pourtant lancés avec une belle efficacité à leurs trousses. Les deux navires Italiens IBSA (Alberto Bona) et Alla Grande Pirelli (Ambrogio Beccaria), inséparables depuis le départ voici 9 jours, cravachent quelques 35 milles derrière leur tableau arrière et, avec un affaiblissement du vent entre les îles, bien malin qui peut entrevoir l’issue de leur lutte fratricide. Toute la flotte glisse donc sous spi en ligne directe vers les Horta, à l’exception du voilier Britannique Tquila, parti hier tenter sa chance au Sud, et qui doit, devant l’alanguissement de l’anticyclone devant ses étraves, faire route au nord à 90° de sa destination. Un bord très pénalisant qui pourrait le voir rétrograder sévèrement au classement général.
En pensant à la seconde étape…
Les sept premiers bateaux, tous scows, voiliers à nez rond, sont regroupés en un peu plus de 120 milles au classement, soit, sur leur vitesse actuelle, des écarts d’environ 8 heures. Horta se prépare à des arrivées échelonnées durant toute la nuit de mardi à mercredi. Gare à l’établissement de zones de vents faibles sur l’archipel, véritable garde barrière qui pourrait accroitre les écarts. Rappelons ici que le Défi Atlantique se joue au cumul du temps sur les deux étapes, et que le second tronçon de la course entre Horta et la Rochelle peut offrir des conditions de navigation très différentes de celles rencontrées depuis les Antilles, et chambouler les classements pour peu que les écarts soient ténus. Le départ de cette seconde manche est programmé, pour dimanche prochain 16 avril.
Les mots du bord…
Jean-Baptiste Daramy – Chocolats Pariès – Screb (123)
« Nous avons bien récupéré le flux de Sud Sud-Ouest. Ça glisse bien sous gennaker et la mer est encore maniable. Pour le moment moins compliqué que lors du premier flux de sud… On va se faire une belle journée de portant aujourd’hui. Après le près de hier, ça fat du bien de voir les miles défiler vers l’arrivée. Tout va bien à bord du 123, les quarts s’enchainent toujours aussi bien. Très bonne journée à vous. »
Olivier Delrieu – Vicitan (134)
« Tout va bien. Nous attendons la bascule qui se fait vraiment attendre… Une erreur tactique a mis les pros de mauvais poil mais comme je n’ai pas tout compris et que nous allons droit sur les Açores, je reste de bonne humeur. Le plancton crépite toujours dans le sillage. »
Alex Tréhin – Project Rescue Ocean (162)
« Salut les terriens ! A quelques heures du lever d’un jour qui s’annonce plutôt rapide au portant, le calme règne à bord de Project Rescue Ocean, ça pionce ! Les dernières 24h ont été consacrées à faire au mieux avec le vent que l’on rencontrait d’une part, mais aussi à prendre soin des bonhommes et du bateau après le précédent run. Particulièrement agréable de retrouver un minimum de confort et de pouvoir se déplacer dans le bateau sans être à plat ventre ! On en vient presque à apprécier de faire du près ou de batailler dans des petites transitions (non là j’en rajoute). On se réjouit tous les trois de retrouver de vitesses à deux chiffres ! Ce front devrait nous amener quasi jusqu’au Açores, et les premiers devraient arriver avant qu’il ne s’évacue. Pour nous le jeu devrait être un peu différent avec une nouvelle zone de transition sur les abords d’Horta, on va tout donner pour essayer d’attraper la médaille en chocolat, denrée devenue rare à bord. Et si sur un malentendu une opportunité se crée pour aller chatouiller les italiens, on ne va pas se priver ! »
Mathieu Claveau – Prendre la Mer, Agir pour la Forêt (89)
« La première partie de journée a été bien stratégique concernant notre positionnement aux vues des conditions météo. Jouer avec les bordures sans se faire attraper par la molle située à notre nord-ouest tout en évitant de piquer au sud pour ne pas rallonger la route ! C’est fait ! Depuis, le vent est rentré tranquillement par le sud ouest pour s’établir 15-20 noeuds. Ça file bon train sur le cap. De la glisse comme on aime sous GV-Code 5… on profite ! Tout va bien à bord. »
Franz Bouvet – Yoda (65)
« Nuit étoilée sous spi. A part les couverts perdus à l’eau tout va bien ! »
Renaud Dehareng – Curium Life forward (187) :
« C’est pas vraiment un long fleuve tranquille… on est au milieu de plusieurs systèmes météo et le labyrinthe est complexe… il faut trouver le parcours le plus rapide et ça change constamment. Les challenges sont multiples. On est allé plus loin au nord que prévu… temps moche, froid et humide dans une mer mouvementée. Côté technologique… quand le bateau va vite on prend beaucoup de mer sur le roof… Les trous faits pour les panneaux solaires ne sont pas 100% étanches, donc l’eau rentre, et coule sur le PC qui a pris cher cette nuit. On a passé la matinée à brancher un portable. Le vent change constamment, réglages, changements de voile, matossage. On commence à être fatigué. Plus la même force mentale. On arriverait mercredi selon le dernier routage. Le but recule au fur et à mesure qu’on avance. Il nous reste de la nourriture pour 3 jours. Pour la route, c’est cap plein Est jusqu’aux Açores avec un long run dans 25-30 nœuds de vent et ensuite on rentre dans l’anticyclone avec vent faible mais soleil (on espère…). »