Le double, c’est deux fois mieux. La grande évolution de la course au large ces dernières années est la montée en puissance des équipages doubles. Cet été, sur la Rolex Fastnet Race, plus d’un quart de la flotte IRC courra en double. C’est donc une centaine de duos qui prendra le départ de Cowes, auquel il faut ajouter les 22 IMOCA qui préparent la Transat Jacques Vabre. Il y a moins de vingt ans, en 2005, seuls vingt bateaux étaient inscrits dans cette catégorie. Ce succès s’explique par un changement d’état d’esprit mais aussi par l’évolution des bateaux. Revue d’effectifs à près de trois mois du départ.

Cette année, les doubles naviguent principalement en IRC 2 ou IRC 3, des bateaux de taille moyenne, mais le plus grand – en dehors des IMOCA – est le JP54 Notre Méditerranée-Ville de Nice conçu par Guillaume Verdier et mené par Jean-Pierre Dick et Fabien Biron. Jean-Pierre Dick a participé à quatre Vendée Globe mais son palmarès est inégalé en double puisqu’il a remporté deux fois la Barcelona World Race et quatre fois la Transat Jacques Vabre. Cette année, son objectif principal est la Rolex Fastnet Race à bord de son bateau à l’intérieur élégant mais minimaliste.

« La Rolex Fastnet Race est vraiment spéciale », déclare le skipper, qui connaît bien la course. « J’aime le parcours et son histoire. Pour moi, la Fastnet est une course au large légendaire. La côte du sud de l’Angleterre est agréable et le parcours est compliqué avec toujours beaucoup de stratégie. Nous avons les DST où les décisions ne sont pas faciles à prendre et la mer Celtique est souvent difficile ». Jean-Pierre n’a pas encore réalisé le nouveau parcours qui se termine à Cherbourg, mais il connaît bien le port normand. « J’aime bien Cherbourg et les gens sont sympas. J’ai hâte d’y aller ». En IRC Zero, il sera opposé au duo néerlandais Jan Kees Lampe et Bart Boosman sur leur Open 40 La Promesse, sur lequel Lampe a remporté de nombreuses épreuves en équipage réduit.

La plus intense des confrontations en double concerne les IRC 2 et IRC 3. Ici, les inscrits sont si nombreux qu’il y aura plusieurs « matchs dans le match » avec des unités réputées telles que les JPK ou les Jeanneau, optimisés pour l’IRC. Au cours de la dernière décennie, JPK a dominé, en partie grâce au talent d’Alexis Loison qui, en 2013, avec son père Pascal sur leur JPK 10.10 Night and Day, est devenu le premier et, à ce jour, le seul vainqueur absolu en double de la Rolex Fastnet Race. Le chantier a aussi cumulé les victoires en équipages (2015, 2021) mais les dernières éditions ont vu les Jeanneau Sun Fast monter en puissance.

Dans cette catégorie, réservée aux marins les plus affutés, les Français ont une petite longueur d’avance mais les Britanniques sont de plus en plus présents. Lors de la dernière édition, Henry Bomby et Shirley Robertson ont pris la deuxième place à bord du Sun Fast 3300 Swell. L’un des favoris de l’IRC 2 est d’ailleurs Tim Goodhew qui courre à bord de Cora. C’est la quatrième fois que Tim prend le départ en double et il est accompagné par le maître-voilier Kelvin Matthews. A propos du nombre important de participants inscrits en double, il déclare : « cela ne me surprend pas en raison de la croissance rapide de la flotte de doubles au cours des dix dernières années, et plus particulièrement depuis la pandémie. C’est vraiment génial parce qu’il y a de très grands marins. La majorité des bateaux se situent dans une fourchette de 30 à 40 points en IRC – ils mesurent tous environ 10 m de long et sont menés de la même manière. Rien qu’en IRC 3, il y aura environ 70 bateaux. C’est aussi proche que possible d’une course en monotype – tous les bateaux vont à la même vitesse, c’est donc très tactique et très amusant, vraiment stimulant puisque vous pouvez tout faire à bord. Sur Cora, nous sommes fiers de nous motiver à être compétitifs face aux nouveaux modèles – c’est vraiment satisfaisant, surtout dans les vents plus légers que nous avons eus, lorsque le ballast des Sunfast 3300 n’était pas si déterminant. Cela dit, il se peut que nous ayons encore un Fastnet avec peu de vent ! »

Quel est donc l’intérêt des courses en double ? Ce sport est loin d’être nouveau et les premiers convertis étaient certainement ceux qui souhaitaient relever le défi de tout faire eux-mêmes à bord. Cependant, sa croissance a suivi l’évolution de la vie quotidienne. Certains apprécient simplement de ne pas avoir à gérer les contraintes d’un équipage. En cours de route, des étapes importantes ont également été franchies, notamment la victoire des Loison au classement général de la Rolex Fastnet Race en 2013 et la pandémie. En effet, la navigation en équipages réduits a été autorisée en premier puisqu’elle est favorable au respect des distances sanitaires.

Nigel de Quervain Colley, importateur Jeanneau en Angleterre, analyse cette évolution : « La plupart des Sun Fast que je vends le sont à des propriétaires de bateaux plus grands qui descendent en taille pour des courses moins onéreuse et plus faciles à gérer : moins d’équipage, moins de dépenses, moins d’ennuis liés à la déception de l’équipage. Puis, une fois qu’ils ont essayé, ils adorent parce qu’ils sont plus engagés et plus impliqués dans la course du bateau. Ils deviennent alors vraiment inconditionnels… »

Compte tenu du nombre de concurrents en double, il est possible que la Rolex Fastnet Race de cette année connaisse son deuxième vainqueur au classement général dans la classe IRC Double. « C’est tout à fait possible avec un tel niveau de compétition », reconnaît Colley. « Le tiers supérieur de cette flotte va aller si vite que les performances seront exceptionnelles. De plus, il est vrai que les bateaux en double [avec moins d’équipiers] sont plus légers au portant et partent plus vite ».
Les bateaux de la dernière génération sont également conçus pour naviguer en équipage réduit en IRC. Ils présentent donc une grande stabilité de forme, avec une étrave semi-scow, et sont de formidables machines à vitesse, en particulier face au vent. « Vous pouvez régater dans 30 nœuds à deux et faire l’intégralité du parcours, ce qui est tout à fait remarquable », apprécie Colley. « Ils ont une telle stabilité que l’on cherche toujours à augmenter la surface de voilure et, comme pour tout bateau à étrave droite, la ligne de flottaison plus symétrique les rend incroyablement bien équilibrés. Nous avons constaté par expérience que plus on pousse le bateau, plus il va vite, tout en gardant le contrôle. »

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