Journée de tous les excés
Excès de vitesse, excès d’écarts, excès de manœuvres… la septième journée de course du Défi Atlantique a vu les 12 équipages en lice basculer dans un monde de superlatifs. Plus de vent, plus de mer, plus de manoeuvres, plus de vitesse, moins de repos, moins de sérénité et une compétition toujours aussi exacerbée entre les leaders, Ambrogio Beccaria (Alla Grande Pirelli) et Alberto Bona (IBSA), prompts à s’échanger le trône de leader. Certes, le jeu des empannages et le placement sur l’échiquier incitent à relativiser les écarts, alors que les Class40 de tête multiplient les changements d’amures sous spi dans le fort vent d’Ouest. Mais les vitesses de pointe, 20 noeuds et plus enregistrées à bord des « scows » ces dernières 24 heures amplifient les différences avec les étraves droites, les « pointus » relégués à plus de 160 milles. En bordure Sud d’un front virulent et sur une mer de plus en plus désorganisée par les flux d’Ouest, les nez ronds s’en donnent à coeur joie, se grisant de vitesse sans se départir de l’indispensable dose de lucidité pour déclencher à bon escient les empannages au vent arrière. Les italiens démontrent dans ces nouvelles conditions de vie et de navigation la même maîtrise affichée lors des 7 premiers jours de course, talonnés par un Ian Lipinski (Crédit Mutuel) qui aimerait rappeler à leur bon souvenir son magnifique record des 24 heures réalisé dans des conditions similaires en 2021 (428,21 nm).
La toile du temps !
Les 12 Class40 en course vers l’île de Faial aux Açores évoluent depuis hier dans un régime de vent d’Ouest fort, 25 noeuds et plus, entre un système anticyclonique en voie d’évacuation en leur Sud, et l’arrivée de trains de dépressions d’Atlantique Nord sur bâbord. Au plein vent arrière, les redoutables scows de tête tirent des bords de portant, sous grand spi, voire spis de capelage pour gagner dans l’Est. Une course de vitesse doublée d’une course de placement, l’instant du déclenchement de cette lourde manœuvre de changement d’amure pouvant fortement influer sur la réduction ou l’augmentation des écarts, selon l’angle au vent obtenu. Point de repos pour les équipages, qui passent en revue toutes les combinaisons possibles de voilure, pour adapter non seulement la toile du temps, mais la bonne assiette, le bon appui de voiliers désormais conçus pour échapper au maximum à l’élément liquide. Jean-Baptiste Daramy, 8ème sur son N° 123 Chocolats Pariès – Screb résumait parfaitement les problématiques du jour dans son message de la nuit : « Magnifique bord de spi, d’abord grand spi, puis grand spi et 1 ris dans la Grand Voile, puis Spi medium de capelage et 1 ris, puis pour finir spi medium de capelage associé à Grand voile à 2 ris. C’est sport! » On l’a compris, l’ambiance à bord des Class40 a drastiquement changé depuis 24 heures et les équipages naviguent sur le fil du rasoir, en recherche permanente d’équilibre dans les choix de voilure.
Mardi à Horta ?
Alors que les leaders vont poursuivre ces prochains jours leur cavalcade plein Est en bordure du front, laissant envisager une arrivée mardi pour les meilleurs, l’arrière garde de la flotte va profiter de l’établissement de flux d’Ouest pour interrompre son long bord au Nord, et entamer plus tôt que ses prédécesseurs sa route vers les Açores. Mathieu Claveau et Franz Bouvet, à bord respectivement des deux plus anciens voiliers de la flotte, Yoda (65) et Prendre la Mer, Agir pour la Forêt (89), distancés tous deux de plus de 250 milles, sont en mesure de « couper le fromage » et de glisser sur un seul bord tribord vers l’archipel Portugais.
Les journées à venir vont donc être très tactiques pour les premiers, avec un front ondulant en fin de vie à gérer alors que la tête de la flotte vient de passer sous la barre des 1 000 milles à parcourir…
Mots de la nuit :
Franz Bouvet – Yoda (65)
« Enfin sous spi. Ce jour, rencontre avec un cargo, un oiseau, une baleine. Journée très calme sous le soleil de l’anticyclone. »
Marc Lepesqueux – Curium Life Forward (187)
« Pas mal de problèmes depuis l’anticyclone ! Internet bloqué un vendredi Saint, nous retrouvons du débit à l’instant. Cette nuit, réduction grand spi A2 pour A4 puis 1 et 2 ris dans la Grand Voile et enfin A6, le petit spi qui s’est explosé ! Nous avons navigué sous solent gv2 ris. De nouveau sous A4 faute de A6. De gros deboulés à plus de 20 noeuds et des énormes plantés. »
Jean-Baptiste Daramy – Chocolats Pariès – SCREB (123)
« On a bien retrouvé du vent depuis hier après midi. Magnifique bord de spi, d’abord grand spi, puis grand spi 1 ris GV, Puis Spi medium de capelage 1 ris, puis pour finir spi medieum de capelage + 2 ris GV. Vent stable à 23-25 noeuds, quelques pointes de vent à 31 noeuds… c’est sport! »
Didier Le Vourch – Vicitan (134)
« Tout va bien. Moral, physique et matériel OK. Mer peu agitée. Vent 18/ 21 noeuds du Sud-Ouest. Sous grand spi et bientôt medium. Nuit magnifique. »
Raphael Auffret – Dopamine Sailing Team (104)
« Comme vous l’imaginez, pas eu le temps cette nuit d’écrire si tout allait bien et en effet, tout va bien. Grosse nuit blanche pour moi pour venir en aide aux garçons qui se relayaient toutes les 2 heures à la bannette. Des pointes à 20 noeuds toute la nuit avec des rafales allant jusqu’à 32 noeuds. Le bateau est en parfait état et nous venons d’affaler le A5 et de faire un virement lofe pour lofe, pour prendre la direction d’Horta. La mer était trop « dégueu » pour empanner sereinement. »
Brian Thomson – Tquila (159)
« Tout va bien à bord. Juste avant l’aube, nous avons aperçu les lumières de Curium. C’était sympa de croiser un autre bateau. C’est l’heure du café pour Al (Alister Richardson ndlr) et porridge pour moi avant un nouveau changement de quart. Je vous quitte pour une heure et demi de sommeil. »
SAMEDI 8 avril 2023 – Classement à 14h00 (heures françaises)
- Ibsa Group – Alberto Bona à 940 nm de Horta
- Allagrande Pirelli – Ambrogio Beccaria à 942,7 nm + 2 nm
- Crédit Mutuel – Ian Lipinski à 960,5 nm + 19,8 nm
- Project Rescue Ocean – Axel Trehin à 974 nm + 33,3 nm
- Everial – Erwan Le Draoulec à 1 003,3 nm + 62,6 nm
…