En route pour Horta !
Partir en été, pour arriver en hiver. Un axiome qui résumait bien ce matin les sentiments des 13 équipages de la seconde édition du Défi Atlantique, en route pour cette première étape insolite entre Pointe-à-Pitre et Horta, sur l’île de Faial aux Açores (2 300 Milles – 4 260 km). A 11 heures locales, soit 17 heures en métropole, les 13 Class40, se sont élancés en direction de Basse-Terre et la première marque de passage obligée. Face à un alizé bien en place pour une vingtaine de noeuds de secteur Est, et sur une belle houle, les équipages se sont, chacun à leur manière, appliqués à entrer parfaitement dans leur course, attentifs aux variations du vent, précis dans les manœuvres et vigilants aux pièges du plan d’eau, casiers, DCP, zone de réserves de pêche et premiers bancs de sargasses. C’est Erwan Le Draoulec sur Everial qui ouvrait crânement la marche, consécutivement à un excellent départ bâbord sur la ligne.
Everial et les Italiens donnent le ton
On les attendait et les deux équipages italiens d’Alberto Bona (IBSA) et Ambrogio Beccaria (Allagrande- Pirelli) se montraient d’emblée à la hauteur de leurs ambitions. A plus de 17 noeuds, ils s’installaient au commandement en compagnie d’un Erwan Le Draoulec (Everial ) éblouissant, parfaitement lancé sur la ligne, sous gennaker parfaitement réglé. Pas de round d’observation et les Class40 dernières générations s’en donnaient à coeur joie, malgré un clapot déjà bien prononcé.
24 heures sous haute surveillance
Ils sont donc 39 marins, 38 hommes et une femme à cingler depuis ce matin Guadeloupéen, 11 heures locales, vers Horta, terme de la première étape du Défi Atlantique, et dont la destination ultime sera La Rochelle. 39 marins répartis au bon vouloir des skippers et propriétaires en double pour deux d’entre eux (Les anglais Brian Thompson et Allister Richardson sur Tquila et Marc Lepesqueux et Renaud De Hareng sur Curium Life forward), et jusqu’à quatre équipiers pour Dopamine Sailing Team de Raphael Auffret et Everial, le nouveau plan Verdier désormais aux mains d’Erwan Le Draoulec, qui embarque la seule femme de la course, Marie-Kell de Cannart. 39 marins aux schémas de course bien élaborés, entre nécessaire agressivité du départ pour éviter tout décrochement, et sage prudence sur un plan d’eau déjà agité par près d’1 mètre 50 de creux, et parsemé de pièges préfigurés par les innombrables casiers de pêche, les bouées dérivantes des DCP (Dispositifs de Concentration de Poissons), et les redoutables sargasses. Ce sont donc bien 24 premières heures sous très haute surveillance qui s’avancent avec, pour la journée, les passages aux marques obligées de Basse-Terre et Marie-Galante. La première nuit en mer mobilisera à n’en point douter l’attention de tous les équipages, appelés à tenter de discerner les obstacles du plan d’eau tout en anticipant les nombreux grains attendus.
Du près, et rien que du près
Les trois ou quatre premiers jours de course seront placés sous le signe d’une navigation au plus près du lit du vent, dans un alizé appelé à mollir progressivement et au rythme des gains de distance plein Nord. Ce sera pour les marins une course de placement, de recherche des meilleurs angles adaptés à leurs carènes désormais si différente au sein d’une Class40, support de nombreuses et différentes approches architecturales. Une première partie de course où l’on n’attend guère d’écarts au sein d’une flotte appelée à venir, à court terme, buter dans l’anticyclone. Commenceront alors d’autres manœuvres de placement et de choix de route dans l’attente de l’arrivée de virulentes dépressions d’Ouest.
DCP kesako ?
Utilisé principalement pour la pêche au thon, un Dispositif de Concentration de Poissons (DCP) est un radeau formé d’un assemblage d’objets flottants se prolongeant sous l’eau par des filets ou des cordages. Depuis des millénaires les pêcheurs savent que tout objet flottant dans les océans attire du poisson. C’est ce qui se passe avec les DCP artificiels déployés par l’industrie, qui ont pour effet de concentrer les bancs de poissons autour de ces radeaux.
Ils ont dit :
Erwan Le Draoulec N°177 Everial
« Le dernier départ en course que j’ai pris, c’était sur la Solitaire du Figaro. Ce n’est pas le même stress. Une transat dans ce sens, c’est assez spécial. Habituellement, on part du froid pour aller vers le chaud, mais cette fois, c’est l’inverse. On aura des grains, mais dans l’alizé. On est donc plutôt détendu, à part peut-être le fait que c’est ma première sur Everial et que je ne veux pas décevoir. Le parcours du jour est relativement simple, avec ce bord vers Basse-Terre. C’est une mise en jambe et un au revoir aux îles. On redoute les casiers de pêche, les sargasses bien sûr et cette DCP, Dispositif de concentration de poissons, des ères balisées dérivantes dans lesquelles on appâte les poissons. II y en a officiellement 250 sur zone. »
Olivier Delrieu N°134 Vicitan
« Je suis content de voir que les professionnels sont un peu comme moi, un peu appréhensifs. Cette journée de régate au contact à vie de la terre sera sympa. Je me projette sur les 6 ou 7 premiers jours. »
Raphael Auffret N°104 Dopamine Sailing Team
« La journée s’annonce sympa. On a hâte d’y aller car cela fait déjà plusieurs jours que nous sommes ici à préparer le bateau. On va bien profiter de la baie. La nuit sera plus tendue, avec les casiers à gérer dans l’obscurité. On n’est pas là pour la gagne mais on va se battre pour demeurer au contact le plus longtemps possible. On va faire du près durant trois jours. La dépression n’arrivera que dans 6 ou 7 jours. On va la surveiller. »
Franz Bouvet N°65 Yoda
« Une première journée bien sympa, avec un peu de manoeuvres vers Marie Galante. Les trois premiers jours nous sont connus. On aura le temps de préparer la suite. On va profiter de la journée. »
Jean Baptiste Daramy – N°123 Chocolat Pariès -Screb
« Très heureux de se lancer à l’assaut de l’Atlantique. On va se laisser prendre au jeu de la régate. Le petit parcours peut-être fatigant. On récupérera après. Le départ est important. On ne se refait jamais. A nous de rester au contact des meilleurs. Il faudra être malin, être dans le bon paquet dès le départ. Les grains viendront avec la nuit et il faudra être vigilant. Les sargasses nous soucient beaucoup, car il y en a partout sur les 500 premiers milles. »
Mathieu Claveau N°89 – Prendre la mer, agir pour la forêt
« Soulagé de partir. Ce sera complexe niveau météo. On ne va pas s’ennuyer. On a un bateau un peu fatigué, donc ne pas se laisser griser par le parcours en baie. L’objectif est d’arriver aux Açores. On sait qu’on aura du vent fort sous 6 jours. Mais la météo évolue très vite. Les premières 24 heures s’annoncent sympa dans l’alizé. Ca va secouer! »Pietro Luciani – N°186 IBSA
« La saison débute aujourd’hui. J’ai de la chance qu’Alberto (Bona) m’ait appelé pour cette course. C’est la fête de naviguer avec lui et Pablo (Santurde). On a plus à perdre qu’à gagner sur ce parcours côtier, avec les casiers notamment. Il faudra être devant, quitte à buter dans la molle. Je ne pense pas que cela parte par l’avant sur la première partie de course. »
Ambrogio Beccaria – N°181 AllaGrande -Pirelli
« Le meilleur moyen d’évacuer le stress, c’est de partir. On aime ce parcours de départ. On va se mettre à fond même si la course ne se jouera pas aujourd’hui. On redoute les sargasses, que l’on aura durant 3 ou 4 jours. C’est pénible. »
Jules Bonnier -N°153 Nestenn- Entrepreneurs pour la planète
« Cela s’annonce intéressant. Je suis ravi de partir avec Robin et Thibaud. Le parcours du jour est plaisant. Selon les angles, quelques différences peuvent se créer avec certains bateaux. Un départ directement au près le long de la Guadeloupe aurait laissé plus de jeu mais on va en profiter, avec un long bord de près. Il faudra sûrement beaucoup manoeuvrer aujourd’hui. »
Axel Tréhin – N°162 Project Rescue Ocean
« Aujourd’hui sera une journée de mise en jambe. La course va être longue. On apprécie l’exercice et on va s’appliquer, profiter du vent et du soleil. On s’est entrainé ici, avec la RORC 600 et on connait les pièges des casiers et des sargasses. On va essayer de ne pas devenir fous (Rires). Mais on part dans un régime d’alizé relativement stable, donc du près en tribord pendant relativement longtemps. »
Marc Lepesqueux -N°187 Curium Life Forward
« On va vite entrer dans le rythme de la course. Un parcours sympa où il ne faudra pas se laisser distancer. C’est toujours mieux d’être devant. Il faudra faire les bons choix de voiles dans un vent instable. On part au près avec de la vitesse. »
Antoine Carpentier N° 158 Crédit Mutuel
« Heureux et soulagé de partir, de faire route vers l’Europe et la maison. La difficulté du jour est de prendre un bon départ, clair et devant de préférence. La route est longue. Il faudra naviguer propre et sans prise de risque. On aura peut-être une heure de portant dans la baie et au près vers Marie-Galante. On va slalomer la nuit prochaine entre les grains et les sargasses. On sera cette nuit dans la zone du dispositif de pêche, sans visibilité, donc, attention. »
Allister Richardson N°159 Tquila
» J’ai hâte de prendre le départ. Tout est en ordre. Dès que le coup de canon retentit, on se dit qu’on va se détendre, mais ce n’est jamais le cas, on finit toujours par pousser aussi fort que possible. Le départ n’a pas vraiment d’importance dans une course aussi longue. Les sargasses sont un problème, mais c’est la même chose pour tout le monde. Nous devrons peut-être changer de voile, mais sur des distances aussi courtes, c’est un choix difficile à faire. «