Rolex Fastnet Race, le « crunch » de la course au large
Que ce soit en football, en rugby et bien sûr en course au large, la rivalité sportive entre la France et l’Angleterre est historique. Ces deux grandes puissances maritimes adorent se mesurer et la Manche – ou le « Channel » – est devenu leur terrain de jeu favori. Grâce à la Rolex Fastnet Race, ces adversaires de toujours peuvent se rencontrer tous les deux ans sur une course qui réunit des concurrents du monde entier. Depuis 20 ans, elle a bien réussi aux frenchies même si la dernière édition a marqué un retour force des marins anglais. Retour sur une confrontation qui dure depuis presque un siècle.
Joli coup pour Jolie Brise
L’histoire de la France avec le Fastnet débute dès la première édition. Aucun marin français n’est engagé dans celle qu’on appelle « The Ocean Race » mais déjà, un bateau « made in France » s’impose. Joli Brise est un cotre de travail déclassé en raison de l’avènement de la vapeur. Le Britannique Georges Martin l’acquiert et décide d’en faire un yacht de plaisance. A son bord, Martin s’impose à nouveau en 1929 et 1930. Le premier français engagé dans la course est Léon Diot à bord de L’Oiseau Bleu en 1928.
La saga Gitana
C’est seulement 40 ans après la création de la course qu’un bateau français parvient à inscrire son nom au palmarès. Armé par le Baron Edmond de Rothschild, ce voilier de 28 mètres est baptisé Gitana IV rentre dans l’histoire pour près de deux décennies. Il établit en effet un temps de référence de 3 jours, 9 heures, et 40 minutes qui a tenu pendant 19 ans. Il marque aussi l’arrivée de la famille de Rothschild sur la Rolex Fastnet Race. Franck Cammas et Charles Caudrelier ont poursuivi cette histoire en gagnant les deux dernières éditions à bord du trimaran Ultim Edmond de Rothschild (Gitana 17).
Tabarly fait parler la poudre
La performance de Gitana IV est suivie deux ans plus tard, en 1967, par la première victoire en temps compensé. C’est Éric Tabarly, à la barre de Pen Duick III, une goélette de 17,45 mètres qui s’impose. Gérard Petitpas, qui revient sur cette aventure dans le podcast « le roman du Fastnet », se rappelle que les Anglais surveillaient du coin de l’œil ce navire en aluminium qu’ils surnommaient le « vilain petit canard français ». Cette même année, l’officier de marine remporte également la Round Gotland et la Sydney Hobart, deux classiques du circuit. Tabarly s’impose à nouveau sur le Fastnet trente ans plus tard. Il est en effet engagé aux côtés d’Yves Parlier à bord d’Aquitaine Innovation, un IMOCA révolutionnaire.
Le hold up de l’Admiral’s Cup
L’Admiral’s Cup est considérée comme la coupe du monde officieuse de la course au large. Chaque nation aligne trois bateaux et la Rolex Fastnet Race en constitue la dernière étape. Pour cette édition 1993, les Français naviguent sous les couleurs de Corum et affichent un professionnalisme inédit. Ils prennent le départ en outsider avec une quatrième place au classement général mais parviennent à renverser la vapeur. L’un des bateaux de l’équipe parvient même à transpercer la flotte pour finir au milieu des voiliers de la catégorie supérieure. Ce coup d’éclat offre à la France sa seule et unique victoire sur l’Admiral’s Cup. Elle est signée par l’équipe de Luc Gellusseau et composée de talents tels que Marc Bouet, Jean-Yves Bernot, Marcel Van Triest, Luc Pillot, Pierre Mas ou encore Bertrand Pacé.
Première victoire féminine pour Catherine Chabaud
Après Tabarly, il a fallu attendre 1999 pour voir une nouvelle victoire française au classement général. C’est Catherine Chabaud, deux Vendée Globe à son actif, qui s’est imposée à bord de son IMOCA Whirlpool – Europe 2. Aujourd’hui, les IMOCA 60 (et d’autres classes telles que les Ultimes et les Class40) concourent en dehors de la flotte principale de handicap, mais ce n’était pas encore le cas en 1999. Chabaud reste la première et, à ce jour, la seule femme à avoir remporté la course au classement général.
L’IRC, nerf de la guerre
Les vainqueurs de la Rolex Fastnet Race ne sont pas toujours des professionnels célèbres à bord des bateaux les plus rapides de l’événement. Au contraire, la course fait la part belle à l’IRC et au temps compensé. Ainsi, l’édition 2005 est remportée par Jean-Yves Château, un amateur malouin à bord de l’un des bateaux les plus petits et les moins chers de la flotte. A l’arrivée, le skipper plaisantera même en rappelant que les voiles coûtaient sans doute plus cher que le bateau. L’histoire de la Rolex Fastnet Race de ce côté-ci de la Manche est aussi écrite par la famille Loison. En 2013, Pascal et Alexis (père et fils) sont devenus le premier, et seul, équipage en double à remporter la course, battant tous les bateaux en équipage. Alexis est depuis un inconditionnel de la Rolex Fastnet Race qu’il a remporté, dans la catégorie double, à quatre reprises.
Trenteseaux, fidèle du Fastnet
La course de 2015 est remportée par l’un des plus grands navigateurs amateurs français. Géry Trentesaux a participé à sa première Fastnet Race en 1977 et a finalement remporté la course lors de sa 13ème tentative. La course à bord de son JPK 10.80 Courrier Du Leon a été exceptionnelle, puisqu’il a remporté l’IRC 3, mais sur l’eau, il termine devant tous les bateaux IRC 2, plus grands et réputés plus rapides. Il s’impose avec deux heures et vingt minutes d’avance alors qu’il avait raté son départ et perdu 40 minutes pour réparer son erreur.
L’exception des classe pro
Au cours des deux dernières décennies, les grandes flottes professionnelles françaises ont été attirées par la Rolex Fastnet Race en nombre toujours plus important. Ces classes professionnelles, très présentes en France, bénéficient de leur propre classement. Ainsi, Loïck Peyron s’impose dès 1999 à bord de Fujicolor et réédite l’exploit 12 ans plus tard avec le trimaran Banque Populaire V. Ce bateau a ensuite été vendu à Yann Guichard et Dona Bertarelli, rebaptisé Spindrift 2 et a réédité l’exploit en 2013 et 2015. Le record de Peyron a finalement été battu par l’Ultime Edmond de Rothschild en 2019. Les IMOCA et les Class40 deviennent aussi des habitués de la Rolex Fastnet Race avec un classement dédié dès 2005 sur lequel les Français jouent systématiquement aux avant-postes. La dernière édition est ainsi remportée en IMOCA par Charlie Dalin et Paul Meilhat à bord d’APIVIA et en Class40 par Antoine Magre à bord de Palanad 3, devant 34 concurrents.
Arrivée en France, retour des Anglais
La Rolex Fastnet Race est décidemment une course de paradoxes. Alors que l’édition 2021 joue son arrivée à Cherbourg-en-Cotentin, ce sont les Anglais qui se taillent la part du lion. Les français continuent de briller dans les séries professionnelles qui leur sont chères mais les Britanniques gagnent trois séries IRC ainsi que le classement général, attribué à Thomas Kneen, une première pour un britannique depuis 2003. De ce côté-ci de la Manche, on se console en rappelant que le bateau vainqueur est un JPK 11.80, construit… en France.
2023, année de tous les records
A moins de cinq mois du départ, la 50ème édition de la Rolex Fastnet Race promet de battre tous les records. Les inscriptions ne sont pas encore terminées mais le chiffre de 500 bateaux est avancé. C’est simple, jamais une ligne de départ n’aura rassemblé autant de bateaux et l’arrivée à Cherbourg-en-Cotentin promet d’être cruciale pour les frenchies. En dehors des classes professionnelles, majoritairement françaises, ce sont en effet plus de 125 équipages tricolores qui sont au départ avec des têtes d’affiche à l’image d’Alexis Loison, vainqueur des quatre dernières éditions en double, ou de Roland Jourdain. A bord de son catamaran We Explore, « Bilou » a en effet terminé deuxième de la dernière Route du Rhum.