Il y a encore beaucoup de questions sans réponses
Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild et vainqueur de l’ex-Volvo Ocean Race en 2017-18 affirme que, sur cette étape entre Cape Town et Itajaì (Brésil), les équipages IMOCA ne feront pas les mêmes choix stratégiques que lui il y a cinq ans.
En effet, au sein de cette flotte qu’il qualifie de « prototypes », la préservation des bateaux est bien plus importante que d’atteindre des vitesses élevées dans les conditions difficiles qu’imposent les mers du Sud.
Les cinq IMOCA, menés par l’équipage de Kevin Escoffier sur Holcim-PRB, terminent leur première journée dans des conditions de vent portant en avant d’une grosse dépression centrée au sud-sud-est de Cape Town. Charles Caudrelier observe de près les décisions prises et notamment celle de tous bien rester au nord de la zone principale du système.
« Mon sentiment est que probablement aucun des bateaux ne terminera cette étape en parfait état », déclare le skipper, toujours en stand-by pour une tentative de Trophée Jules Verne sur Gitana 17. « C’est une étape vraiment difficile et les bateaux sont récents. Tout l’enjeu est de trouver le bon équilibre entre vitesse et fiabilité.”
« Nous pouvons voir qu’ils ne prennent pas le trajet optimal car ils veulent éviter les vents forts et les grosses vagues. Tout le monde garde bien cela en tête pour ménager son bateau. », ajoute-t-il.
En revanche, il rappelle que son équipage et lui sur Dongfeng Race Team ont particulièrement mis à l’épreuve leur VO65 à travers les mers du Sud, conscients que la coque et le gréement pouvaient encaisser. “Avec le 65 pieds, nous repoussions beaucoup les limites parce que c’était une classe monotype et parce que les bateaux étaient très solides », se souvient-il. « Ici, c’est différent parce que ce sont des prototypes et nous savons qu’ils sont plus fragiles. Mais c’est beaucoup plus intéressant parce que c’est un paramètre important à gérer. C’est une course différente quand vous devez gérer la machine au lieu de la pousser à son maximum. »
Poursuivi par Benjamin Dutreux et son équipe de Guyot environnement-Team Europe, Kevin Escoffier mène cette étape pleine de rebondissements depuis le départ. Ils ont d’ailleurs été les premiers à entrer et sortir de la zone de vent faible, au sud du Cap de Bonne Espérance. Ils sont maintenant positionnés les plus au sud des cinq, alors que les vitesses augmentent. « Je pense qu’ils s’en sortent bien et que l’équipage fonctionne efficacement ensemble. Kevin a certainement plus d’expérience en IMOCA que n’importe qui d’autre dans la course », déclare Charles à propos de son ex-coéquipier sur le bateau chinois en 2014-15 puis en 2017-18. « Et cela pourrait être son avantage car, en tant qu’ingénieur et marin, il est très complet et son expérience des IMOCA est énorme. »
« Même si 11th Hour Racing Team (skippé par Charlie Enright et en quatrième position, à 95 milles de Holcim-PRB), s’est beaucoup entraîné pour cette course, je pense qu’ils ont peut-être fait quelques erreurs sur des choix de voiles et d’autres choses que Kevin n’a pas faites. Donc, bien qu’il ait eu moins de temps, il a probablement été plus intelligent dans sa préparation grâce à son expérience. »
De retour chez lui en Bretagne, Charles Caudrelier affirme que toutes les personnes impliquées dans la course au large et l’IMOCA vont suivre de très près cette étape du Grand Sud. « Oui, bien sûr, ils regardent tous car ils veulent savoir et comprendre pourquoi un bateau est plus rapide qu’un autre et quelles voiles l’équipage utilise. Nous essayons tous d’espionner, en regardant les vidéos des bateaux, pour voir ce qu’il se passe, car il y a beaucoup d’interrogations. Les IMOCA à foils sont aujourd’hui plus rapides qu’avant au près et au reaching, mais ce n’est pas le cas au portant donc tout le monde cherche des solutions. Les solutions se trouvent notamment dans les formes de coque et dans les foils, mais il y a encore beaucoup de questions sans réponse, ce qui rend la course très intéressante à suivre », explique Charles.
Comme beaucoup d’observateurs, le skipper s’attend à ce que Team Malizia, conçu par VPLP et skippé par Boris Herrmann (en troisième place, à 90 milles du leader), montre son potentiel sur l’étape jusqu’au Cap Horn. « Le bateau a l’air d’être rapide dans des conditions de forte houle », poursuit Charles. « C’est la forme de la coque qui le rend lent dans beaucoup de conditions, hormis dans des vents forts, donc cela pourrait être un bateau intéressant sur cette étape ».
Avec sa grande expérience, Charles Caudrelier sait à quel point cette étape sera difficile. Selon lui, l’autre rôle important des skippers sera de veiller au moral et à la cohésion de l’équipe. « Ce qui est intéressant sur la ‘Volvo’, c’est le défi humain de naviguer sur de si longues distances et de maintenir l’équipe motivée pendant si longtemps. Cette étape est donc aussi passionnante à cet égard », déclare-t-il.
« Il ne fait aucun doute que cela va être éprouvant. C’est un défi immense, surtout en IMOCA avec cinq personnes à bord, à tel point qu’il a même été difficile de constituer les équipages pour cette étape. Je pense que les skippers ont demandé à beaucoup de gens qui disaient vouloir faire The Ocean Race, mais pas cette étape ! »