Les leaders poussent fort pour faire de la route vers Le Cap, mais ils naviguent en direction d’un trou noir de vents légers qui aura peut être le dernier mot… Cette deuxième étape de The Ocean Race entre le Cap-Vert et l’Afrique du Sud est longue, épuisante mais aussi passionnante. Et le scénario de la dernière partie ne risque pas de nous décevoir avec les cinq IMOCA aux portes du Grand Sud et prêts pour une dernière bataille haletante jusqu’à Cape Town.

Cependant, le parcours est loin d’être simple. Les bateaux vont devoir naviguer très au Sud, dans l’océan Austral, pour contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène avant de remonter jusqu’à l’arrivée, où une zone de vents faibles devrait bloquer leur route vers Table Bay.

Avec encore 1800 milles à parcourir, Kevin Escoffier, skipper de Holcim-PRB, actuellement à seulement quatre milles du nouveau leader Team Malizia, déclare dans une interview à l’IMOCA que rien n’est joué et qu’un regroupement de la flotte est fort probable à l’arrivée.

« La dernière partie de cette étape ne sera pas facile », déclare le Malouin, positionné à peu près à équidistance entre Buenos Aires et Cape Town. « La nuit dernière, nous avons eu un front froid et nous allons en avoir un autre ce soir. Ce front – basse pression – nous amènera à la limite sud du parcours, à la limite des glaces, où nous ne pouvons pas aller plus au sud. »

« Ensuite, lorsque nous serons le long de la limite des glaces, nous attendrons une troisième dépression qui nous amènera vers le Nord-Est, vers Cape Town », ajoute-t-il. « Mais, mais, mais… ce n’est pas fini car, avant d’arriver à Cape Town, une bulle sans vent se formera. Cela signifie que la veille de l’arrivée, toute la flotte pourrait se rassembler pour vous offrir une superbe arrivée, enfin pas pour nous ! Nous n’aimons pas vraiment cela mais l’arrivée pourrait être serrée avec tous les bateaux réunis sous Table Mountain. »

Christian Dumard, consultant météo de la course, indique que la dorsale avant l’arrivée pourrait donner à l’équipage de Guyot Environnement-Team Europe une chance de se rattraper. L’équipe skippée sur cette étape par l’Allemand Robert Stanjek, est actuellement cinquième, à 245 milles de la tête de flotte. « Le vent va d’abord revenir par l’ouest, ce qui est une bonne chose pour Guyot environnement-Team Europe. Aussi, ils devraient pouvoir recoller aux premiers bateaux », résume-t-il.

Malgré ce qu’annonce Kevin, Christian Dumard n’est pas sûr qu’il sera nécessaire de descendre à 45S, à la limite nord de la zone d’exclusion des glaces. « Il est difficile de savoir ce que les équipes vont décider de faire car il y a aujourd’hui plusieurs routages, tous différents, qui les font arriver à Cape Town plus ou moins en même temps. » explique-t-il. « En effet, certains d’entre eux passent très près de la limite des glaces. Il se pourrait qu’un ou deux bateaux prennent le risque de s’y aventurer, mais il est difficile de savoir ce qu’ils vont faire. Si j’étais sur le bateau, je ne pense pas que je le ferai, mais certains essayeront peur-être ! »

Christian Dumard indique que, dans l’intervalle, les équipages continueront à naviguer vers le sud et l’est sur un flux de nord-ouest et d’ouest, mais les conditions de vent vont progressivement s’atténuer. « Le vent va diminuer. Aussi, ils ne vont pas aller à Cape Town à la vitesse actuelle (15-20 nœuds) – ils ralentiront probablement d’ici deux jours. Le front va devenir de moins en moins actif en se rapprochant de l’Afrique du Sud, avec de moins en moins de vent. Il va donc se déplacer vers l’est sur la flotte et il faudra attendre le suivant pour atteindre l’arrivée, qui sera probablement le 12. »

Cette étape fascinante, qui voit les IMOCA poussés à leurs limites en équipage, a connu deux évolutions majeures ces cinq derniers jours. Tout d’abord, la perte du leadership de Guyot environnement-Team Europe après ses gains spectaculaires à la sortie du Pot au Noir. L’ancien Hugo Boss, dont l’équipage comprend Sébastien Simon comme navigateur et tacticien, a payé le prix fort. En plus de s’être fait piéger par des vents irréguliers, le team a vu son spinnaker partir en lambeaux.

Néanmoins, Christian Dumard affirme qu’ils auraient pu gagner gros. « Ils sont restés dans l’est. Ils auraient probablement pu accepter de perdre une partie de leur avance et faire un peu plus d’ouest mais ils ont décidé de rester dans l’est », rapelle-t-il. « C’est facile à dire maintenant mais si vous revenez quatre ou cinq jours en arrière, il n’était pas si clair qu’il y allait avoir beaucoup plus de vent à l’ouest. »

L’autre fait marquant est la remontada de Team Malizia, skippé par Will Harris. Depuis le Cap-Vert, le bateau allemand navigue en arrière de la flotte, après avoir perdu du terrain dans des conditions légères en début de course. Le skipper ayant même déclaré que l’équipage avait du mal à trouver les bons réglages dans ces conditions. Pendant plusieurs jours, Will et ses coéquipiers, Yann Eliès, Rosalin Kuiper et Nicolas Lunven sont donc restés bloqués à l’extrémité ouest de la flotte, avant que le bateau ne fasse finalement ses preuves dans des conditions plus soutenues. Désormais revenu dans le même système météo que ses riveaux, le bateau tient la candence.

Revenons à bord d’Holcim-PRB où Kevin Escoffier confie apprécier chaque instant de cette toute nouvelle course du calendrier IMOCA (même s’il la connait bien après ses deux campagnes avec Dongfeng Race Team en VO65). « Je pense qu’il est très important d’apprécier ce que nous faisons », déclare-t-il. « Nous aimons la course au large et nous avons une belle flotte, nous avons un bel équipage et il n’y a donc aucune raison de ne pas en profiter. J’aime vraiment les courses en équipage, c’est moins stressant qu’en solitaire. C’est aussi génial du point de vue de la performance, mais aussi du point de vue humain. Donc oui, je suis très heureux d’où nous sommes et très heureux de la façon dont nous sommes arrivés ici et j’espère que cela continuera comme cela. »

Le skipper de Holcim-PRB affirme que son équipage, composé de Sam Goodchild, Susann Beucke, Tom Laperche et l’OBR Georgia Schofield, est prêt pour sa première expérience dans les mers du Sud. « Nous n’avons pas nos cirés lourds mais nous avons les sacs de couchage qu’il faut, les gants et les bonnets donc cela devrait aller. Puis, nous avions prévu beaucoup à manger, au cas où l’étape durerait plus longtemps que prévu », déclare-t-il.

« Tout est donc OK à bord », poursuit-il. « Il fera un peu plus froid que prévu, mais je pense que ce sera aussi un excellent entraînement avant la troisième et énorme étape de la course, entre l’Afrique du Sud et le Brésil. »

Classement de la deuxième étape à 11h00 – 7 février 2023

  1. 11th Hour Racing Team, distance à l’arrivée, 1718.4 milles
  2. Team Malizia, distance au premier, 1.1 milles
  3. Team Holcim-PRB, distance au premier, 5.0 milles
  4. Biotherm, distance au premier, 58.1 milles
  5. GUYOT environnement – Team Europe, distance au premier, 342.7 milles

Source

Articles connexes