Yoann Richomme salue les performances de Paul Meilhat
Cette semaine, l’actualité lorientaise a été marquée par l’arrivée du tout nouvel IMOCA Paprec Arkéa à sa base, avant sa mise à l’eau prévue le 22 février prochain. Il s’agit du premier IMOCA de Yoann Richomme, l’un des meilleurs skippers solitaires tricolores. Le double vainqueur du Figaro et de la Route du Rhum a été absorbé ces dernières semaines par la naissance de son très stylé plan Finot Conq-Antoine Koch, mais garde quand même un œil affuté sur le plan d’eau de The Ocean Race.
Le skipper du VO65 vainqueur de The Ocean Race Europe en 2021 (Mirpuri Foundation), est impressionné par l’actuel leader de la deuxième étape (Cap-Vert-Cape Town), Paul Meilhat et son équipe sur le nouveau Biotherm. Celui-ci sera d’ailleurs l’un des principaux rivaux de Yoann dans la préparation au prochain Vendée Globe.
Ce matin, Paul continuait de tenir tête à Charlie Enright (11th Hour Racing Team), avec une marge de seulement trois milles. En effet, Biotherm mène la course dans des légers alizés de nord-est, à environ 760 milles au sud de Mindelo (ville de départ de la manche).
Dans la bataille d’empannages au nord du Pot-au-Noir, Kevin Escoffier et son équipage sur Holcim-PRB, vainqueur de la première étape, sont à seulement 18 milles derrière en troisième position, tandis que Robert Stanjek (skipper remplaçant de Benjamin Dutreux sur cette étape) et son équipe Guyot Environnement-Team Europe sont quatrièmes à 26 milles du premier. Team Malizia (+74 milles) skippé par Will Harris (skipper remplaçant de Boris Herrmann) ferme la marche, suite à un problème d’enrouleur de voile bloqué, ce qui a nécessité de monter au mât.
« J’ai vu que Biotherm est assez agile dans ces conditions (légères) », commente Yoann Richomme, en pleine préparation de la mise à l’eau. « Cela peut être en partie dû au choix de voiles, et au fait qu’ils portent un spinnaker ou non. Mais vous pouvez voir qu’en quittant le Cap-Vert, certains d’entre eux n’ont pas été en mesure de naviguer aussi bas que Biotherm, donc je pense qu’il y a une certaine forme de spi ou une subtilité d’utilisation du bateau qui les rend meilleurs que les autres pour le moment. »
Yoann Richomme, 39 ans, est un fin stratège et un expert météo réputé. Il confirme que les deux premiers jours de cette étape n’ont pas été faciles, les équipages s’étant rapprochés très près des îles du sud de l’archipel. « C’était délicat parce que, d’une part, ils avaient des vents faibles et d’autre part le dévent de toutes les îles à contourner. Mais il semble qu’ils aient été bien dans le coup sur Biotherm », résume-t-il.
Nous lui avons demandé s’il était surpris de voir Paul imposer son rythme si tôt dans la course alors que son bateau neuf n’a que quelques mois. « Ce que fait Paul est excellent », confie-t-il. « Et ce qu’il a réalisé sur la Route du Rhum en novembre l’était aussi malgré la jeunesse de son IMOCA. Il a eu très peu de temps et ne dispose pas d’un gros budget. Il n’a pas la grande équipe dont il aurait besoin pour optimiser le bateau rapidement, mais il est très bon dans ce domaine : gérer un projet avec un budget serré et aller à l’essentiel. Le bateau est aussi une bonne base – c’est une évolution de LinkedOut, donc Paul sait où se trouve le point de départ et il a navigué aussi sur Apivia pendant une saison, donc il arrive avec un tas d’expérience déjà. »
Les performances de Kevin Escoffier sont similaires, affirme Yoann, qui souligne que cela pourrait devenir un bon casse-tête pour Charlie Enright, le grand favori de l’épreuve, car il affronte ici deux des meilleurs skippers IMOCA à l’heure actuelle.
« J’ai vu une interview de Charlie où il disait qu’il lui a fallu un certain temps pour s’habituer au style de navigation en IMOCA, qui est assez différent de ce qu’il a l’habitude de faire », détaille-t-il. « C’est là que Kevin et Paul ont probablement fait de gros progrès dès le début. Ils savaient exactement ce qu’ils voulaient faire et ont été très efficaces dans le choix de leurs bateaux. Ce sont deux personnes qui savent exactement ce qu’elles recherchent dans un bateau et qui sont très rapides à résoudre les problèmes. »
Dans la difficile première étape entre Alicante et le Cap-Vert, Yoann affirme que Kevin a fait preuve d’une réelle supériorité. « Ils ont vraiment été au sommet de leur art sur Holcim-PRB », dit-il et rappelle que Charlie Enright et son équipage ont aussi été gênés par une ou deux avaries et des voiles endommagées, mais ils ont également eu du mal à suivre le rythme de Kevin. « 11th Hour semblait ne pas pouvoir suivre les angles de navigation d’Holcim-PRB et était donc toujours perdant », explique-t-il. Selon lui, le Team Malizia sera solide dans la brise et devrait donc être compétitif dans les mers du Sud.
En ce qui concerne Robert Stanjeck et son équipe de Guyot environnement-Team Europe, Yoann estime qu’ils sont en difficulté pour le moment, mais il ne les exclut pas pour autant. « Le bateau est un peu lourd, nous le savons tous », rappelle-t-il. « Je ne suis pas sûr qu’ils aient pour l’instant les connaissances nécessaires pour naviguer aussi bien que les meilleurs. Je pense aussi que l’équipe est encore en pleine phase d’apprentissage de ce bateau, et tous les marins à bord n’ont pas l’expérience de l’IMOCA, donc il leur faudra du temps pour se mettre à niveau. Mais ils seront dans le jeu à un moment donné ».
Avec déjà une brillante carrière en solitaire derrière lui, Yoann a plus que mérité sa place dans les rangs de l’IMOCA. En tant qu’architecte naval et technicien réputé, il a beaucoup apprécié de travailler avec l’équipe de conception, puis de voir son nouveau bateau se construire chez Multiplast (Vannes).
« C’est un grand projet pour moi car j’ai pu en faire partie dès le début du processus de conception », déclare-t-il. « J’ai absolument adoré le travail avec Antoine Koch et l’équipe du Groupe Finot pendant la phase de conception. Et c’est vraiment le bateau que je veux. Nous avons décidé et validé tout ce qui se trouve sur le bateau aujourd’hui et je suis vraiment impatient de le tester. C’est un tout nouveau monde que je vais découvrir, mais c’est terriblement excitant. »
Yoann Richomme nous a aussi donné une idée de ce que pourraient être les gains de performance avec un bateau doté d’une étrave élancée, de foils entièrement rétractables et d’un cockpit complètement fermé.
« Les gains vont se faire au portant, je dirais », confie-t-il. « La coque est conçue pour aller vite dans la mer formée et j’espère que nous ne perdrons pas trop sur les remontées au vent et les choses de ce genre. Il y aura peut-être des gains dans le petit temps aussi, parce que nous avons une option pour que les foils ne touchent pas du tout l’eau. Nous avons une surface mouillée très réduite, donc probablement une faible traînée dans les petits airs, ce qui pourrait être très intéressant. Nous avons quelques modes de vol que nous voulons tester, mais tout cela n’est que dans l’ordinateur pour le moment. »
Le bateau comprend également un poste de veille avancé dans la coque, afin de permettre au skipper d’avoir une meilleure vue sur ses voiles d’avant depuis l’intérieur lors des réglages. « C’est un peu une évolution d’Hugo Boss, avec le poste de quart qui est plus en avant et avec plus de vision », explique-t-il.
Les objectifs de ce nouveau projet incluent les quatre transats avant le prochain Vendée Globe*, puis le Vendée Globe lui-même, où Yoann espère être en lice aux côtés des skippers les plus compétitifs de la Classe. « Vous savez, nous allons essayer de naviguer le plus possible », explique-t-il. « L’objectif est d’être dans les cinq ou six premiers bateaux de tête d’ici la fin de l’année et aussi de régler tous les problèmes techniques aussi vite que possible, pour pouvoir pousser fort d’ici la fin de la saison. »
Yoann indique que, jusqu’à présent, le calendrier du nouveau projet Paprec Arkéa n’est fixé que jusqu’à la fin de 2025, mais il n’exclut pas de prendre le départ de la prochaine édition de The Ocean Race. « Personnellement, je serais intéressé d’y participer », confie-t-il. « J’aime le format, surtout le nouveau format, avec un parcours plus direct autour du monde et ainsi de suite. Donc oui, peut-être que nous étudierons sans doute la question une fois que nous aurons un peu de temps. »
En attendant, tous les regards seront tournés vers cette combinaison très puissante de ce skipper avec ce nouveau bateau. Yoann devrait disputer sa première course dès le 7 mai prochain à Brest, à l’occasion de la Guyader Bermudes 1000 Race.