En 2022, ils étaient trois Class40 dits Vintage parmi les 55 au départ de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Vintage car d’ancienne génération, mais dont les performances restent d’actualité puisque les deux bateaux ayant traversé terminent dans les deux premiers tiers de la flotte. Alors pourquoi opter pour les vieux bateaux ? Leurs skippers nous en parlent.

Financières, sportives, environnementales, narratives… Les raisons de choisir un bateau d’ancienne génération sont nombreuses pour ceux qui se sont alignés au départ de la dernière Route du Rhum – Destination Guadeloupe à la barre de ces anciennes unités. En 2019, c’est avant tout ses contraintes de budget qui amènent Mathieu Claveau (Prendre la Mer, Agir pour la Forêt) à acquérir le numéro 89, mis à l’eau en 2009. Mais trois ans plus tard, lorsque l’occasion de courir à bord d’un Class40 plus récent se présente, le skipper de 34 ans décide de conserver son bateau. « Je me suis familiarisé avec, explique-t-il, j’ai donc préféré continuer à naviguer à bord d’un bateau que je connaissais bien, que j’avais déjà éprouvé et dont je pouvais améliorer encore les performances grâce à un gros « refit » ». Même écho du côte de Morgane Ursault Poupon (Médecins du Monde), skipper du mythique n°30 depuis 2018 : « Pour ma première Route du Rhum, j’avais privilégié le rapport qualité/prix et mon choix s’était ainsi porté sur ce bateau à l’historique incroyable, très bien entretenu et réputé pour sa fiabilité. Puisque je n’ai pas trouvé les fonds nécessaires afin d’acheter une unité plus récente pour l’édition 2022, il m’a semblé intéressant de voir mon évolution à bord du même bateau, avec la même confiance dans sa capacité à aller de l’autre côté. »

Robustesse contre vitesse

En plus d’un budget plus abordable, ancienneté serait donc gage de solidité. Un double avantage pour qui souhaiterait se lancer dans sa première traversée de l’Atlantique avec comme ambition principale de terminer. Mais pas que ! « Mon objectif de départ a été largement dépassé, s’enthousiasme Mathieu Claveau. J’imaginais terminer entre 35 et 45e, ce qui était déjà ambitieux avec un bateau destiné à finir dans les trois derniers ! Le fait de le connaître par coeur et de miser sur une préparation technique très rigoureuse m’ont permis de terminer toutes mes courses d’avant-saison et d’arriver en pleine confiance au départ du Rhum. Et avec les conditions météo que nous avons eues au départ, les bateaux vintage avaient clairement un coup à jouer pour bien figurer en milieu de tableau. »

Finalement 28e, le vainqueur du classement Vintage ne regrette donc rien : « Ce sont des bateaux très sûrs, solides. Ils ne peuvent pas gagner mais après cette belle bagarre avec Morgane, je vous assure que le défi sportif est bien là ! » Régater au coude-à-coude avec des voiliers plus récents et se « tirer la bourre » entre vieux bateaux représentent en effet un challenge de taille où, là encore, fiabilité et complémentarité du duo marin/bateau confèrent un atout non négligeable. « Lorsqu’au sud des Açores il a fallu choisir entre l’option Sud, plus conservatrice, et l’option Ouest, à la rencontre du front pour aller affronter jusqu’à 45 noeuds de vent dans une mer difficile, la confiance que je porte à mon bateau a clairement pesé dans la balance, raconte Morgane Ursault Poupon. Je savais qu’il tiendrait structurellement et c’est une des plus grandes qualités des bateaux d’ancienne génération : grâce à un échantillonage de coque plus important à l’époque et à une répartition des poids différente de celle d’aujourd’hui, ce sont des bateaux résistants. »

Vers une pratique plus durable

Cette préoccupation de prolonger le cycle de vie des bateaux de course, chacun des coureurs engagés en catégorie Vintage la partage. Bien qu’il n’a pu boucler sa première Route du Rhum suite à des problèmes de pilote automatique dès les premiers jours de course, Geoffrey Mataczynski (Fortissimo) persiste et signe sur son choix de courir sur le n°97, un bateau datant de 2010. « En 2021, j’ai lancé un projet un peu différent, avec l’objectif de construire un bateau éco-responsable à Saint-Malo, raconte-t-il. Quand le COVID a contrarié mes plans, j’ai aimé l’idée de recycler un ancien voilier afin de le réintégrer sur le circuit. Ma course s’est malheureusement arrêtée plus vite que prévu car certaines pièces électroniques de l’époque ne se font plus aujourd’hui, mais une fois que nous aurons ré-installé un système neuf, nous serons de nouveau d’attaque pour la saison 2023. »

Convaincu qu’une utilisation plus durable des bateaux est possible, en leur permettant de continuer à participer aux plus grands événements de course au large plutôt que de les « jeter au rebut sans savoir quoi en faire derrière », le Malouin n’est pas le seul à promouvoir cette nouvelle pratique de la discipline. « Nous avons prouvé que nos anciens bateaux marchent encore bien, confirme Mathieu Claveau. Symboliquement c’est un message fort, cela veut dire que compétition et temps long ne sont pas incompatibles. »

« Une vraie sensibilité environnementale »

Souhaitant désormais se consacrer à la construction d’un nouveau Class40 innovant, « en bois », l’ingénieur en aéronautique rappelle également que naviguer à bord de voiliers robustes et moins onéreux permet d’ouvrir les portes du milieu à de nouveau projets : « Nos bateaux peuvent faire moins envie qu’un bateau récent mais ils nous ont permis de participer à de grandes courses, à moindre frais. Nous nous sommes créé notre propre chance, afin de nous faire connaître, pour la suite de nos projets. Pour des jeunes qui veulent se lancer, c’est le choix parfait. » « Il est essentiel que la classe conserve son esprit pro-amateur et la reconnaissance des Class40 vintage va en ce sens », abonde Morgane Ursault Poupon.

Les « vieux » bateaux semblent donc avoir encore de beaux jours devant l’étrave, aux mains de leurs skippers actuels ou permettant à de nouveaux de miser sur leur avenir. Avec, aussi, un rôle à jouer sur celui de la classe ? « Il y a une vraie sensibilité environnementale au sein de l’association, il y a donc un vrai potentiel et l’énergie nécessaire pour être moteur dans de nouvelles façons de pratiquer notre sport » confie Geoffrey Mataczynski, qui ne manque pas d’idées. Comptons sur les coureurs pour perpétuer l’état d’esprit de la classe et continuer à écrire les plus belles histoires de la course au large.

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