Mike Golding, le skipper de 62 ans, référence britannique de la course au large, a prêté main forte aux américains Alex Mehran et Greg Leonard. Il porte un regard plein d’admiration sur la classe et son dynamisme actuel.

Il est un des skippers les plus talentueux de sa génération. Un marin d’expérience, rompu aux circonvolutions et aux affres des océans. Mike Golding a participé à quatre reprises au Vendée Globe mais sa carrière ne peut se résumer à l’IMOCA. Il compte également deux tours du monde en équipage, aux côtés de marins amateurs qu’il s’est évertué à former. Ces années d’entraînements et de formations assidues ont contribués à former des marins à résister à tout quand il n’y a plus que la mer comme horizon. Plus récemment, Mike Golding a découvert l’univers des Class40 en conseillant et encourageant deux skippers américains, Greg Leonard (Kite 144, plan Manuard Mach40.3) et Alex Mehran (Polka Dot, un plan Lombard Lift40) qui ont tous deux participé à la Route du Rhum. Mike a ainsi navigué avec Mehran lors du Fastnet 2021 et a accompagné Greg lors de la préparation à Saint-Malo. Son analyse sur la Classe est une bouffée d’air frais chargée d’enseignements.

Quel regard portez-vous sur ce qu’Alex et Greg voulaient accomplir au cours de ces deux dernières années ?

Mike Golding : « Ce sont deux skippers particulièrement ouverts d’esprit, qui suivent l’actualité de la course au large et qui s’en sont inspirés en découvrant le circuit européen du Class40. Tous les deux sont très actifs aux États-Unis sur des supports et des courses différentes, ils avaient cette motivation de bien faire. Pour eux, le circuit européen était le summum de la course au large, avec une qualité de course bien supérieure à celle en cours aux États-Unis. »

Quand leur apprentissage en Class40 a été le plus fructueux ?

« Ils ont tous assuré que le niveau était déjà supérieur lors de la Normandy Channel Race. Ça s’est fait dans un laps de temps très court : lorsque nous avions fait la Fastnet 2021, à bord de l’Akilaria RC3 d’Alex, les écarts étaient déjà faibles. Mais à la Normandy Channel Race 2022, avec son plan Lombard – un I54, le bateau de Yoann Richomme à la Route du Rhum 2018 – la compétition a été particulièrement serrée tout du long. La moindre petite erreur faisait reculer et c’était la même chose pour toute la flotte, très groupée. Alex assurait alors qu’en Class40, tout le monde était très compétitif, avec un très haut niveau, quel que soit leur bateau et leur ancienneté. Greg a aussi réalisé sur cette course qu’il pouvait avoir un bateau compétitif et être dans le même tempo que les scows. L’attrait de cette classe, c’est justement d’avoir maintenu des règles de développement qui ne sont pas allés trop loin. Si les scows sont plus rapides au reaching, ce n’est pas le cas dans toutes les allures. Et on sent que tout le monde en est conscient et s’attache à s’améliorer. »

Quelle est justement votre impression générale du Class40 en ce moment ?

« Il y a un tel niveau de compétitivité que tout le monde peut se fixer des objectifs réalistes et faire de belles courses. On peut être déçu seulement en perdant une place au milieu de la flotte. Alex et Greg ne sont pas des marins professionnels mais des skippers occasionnels qui rentrent chez eux entre les courses quand beaucoup de projets français sont à plein temps. Pour eux, il faut gérer les projets à distance et pouvoir faire appel à de bons techniciens pour les épauler. La classe doit encourager l’émergence de préparateurs de haut niveau au-delà des bases traditionnelles. Ces bateaux sont comme les IMOCA de 1ère ou 2e génération, ils sont puissants, sont composés de beaucoup de systèmes mais nécessite un savoir-faire pour les entretenir et les faire évoluer. »

D’après votre expertise, quelles sont les clés afin de performer pour les skippers qui débutent dans la classe ?

« Comme pour toute la course au large, le temps passé sur l’eau est essentiel, surtout en compétition. Vous apprenez non seulement pendant les courses mais pendant leur préparation en se confrontant avec le reste de la flotte, en s’imprégnant de la façon dont chaque s’attache au développement de son bateau. Pour le solo, la Normandy Channel Race semble être un excellent tremplin. Ça permet aussi de connaitre davantage ceux qui gravitent autour des projets, les fournisseurs, des entreprises spécialisées. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a beaucoup d’options possibles et que ça reste à des prix raisonnables. »

En quoi c’est bénéfique de faire appel à un coach ou un mentor comme vous ?

« Il ne faut pas essayer de faire un « clone » de soi-même. En revanche, cela peut aider à repousser ses limites dans le temps et le budget imparti. C’est une histoire de confiance, surtout quand on connaît l’immensité de la tâche pour un skipper en solitaire. Il convient de réussir à diviser la course en une somme de détails qui permettent d’être performant. Je me souviens d’un skipper très doué sur le plan technique qui s’était plongé dans le recâblage d’ordinateur parce qu’il voulait avoir cette compétence en plus. Ce qui est essentiel également, c’est le VMC (la vitesse de progression), la capacité à être constamment à la recherche de la performance et aller plus rapidement à la marque déterminée que les autres. »

Quelles sont les impressions que vous gardez des Class40 sur lesquels vous avez navigué ?

« Ce que j’aime à bord des Class40, c’est qu’ils sont à la fois compliqués et simples, même si cela parait contradictoire. Le marin a beaucoup d’éléments pour jouer avec, les bateaux ne dépendent pas totalement des systèmes. En somme, ils ne sont pas tous de haut niveau technique mais ce sont de bons voiliers purs. Pour moi, la classe va dans une très bonne direction et elle doit rester dans cette philosophie et ne pas se faire happer par d’autres technologies comme les foils. Les Class40, ce sont de bons bateaux, des budgets raisonnables et, si elle parvient à maintenir cette dynamique, une bonne opportunité pour des marins comme Alex et Greg de s’y impliquer. En plus, les bateaux ont une longue durée de vie et semblent être performants sur la durée. »

Allez-vous être impliqué à l’avenir en Class40 ?

« J’adorerai prendre part à d’autres projets. J’ai beaucoup apprécié ces deux expériences. Quand on m’a dit la première fois : « tu vas naviguer avec un Américain qui n’a presque pas navigué sur son bateau et faire la Fastnet, j’avais quelques doutes mais nous nous sommes tellement amusés ! J’ai été chanceux de travailler avec Alex. Et j’ai aussi pris beaucoup de plaisir avec Greg. Son fils, Hannes, est d’ailleurs un vrai talent d’avenir, même s’il n’a que 19 ans ! »

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