La catégorie Rhum, l’essence de La Route du Rhum
Ouverte à tous les bateaux sans limitation de taille lors de sa création en 1978, la plus mythique des transatlantiques conserve toujours son esprit originel à travers la catégorie Rhum. Le 6 novembre prochain, 17 concurrents prendront le départ en Rhum Multi, 12 en Rhum Mono. Un plateau éclectique en multicoque et monocoque, composé de marins et de bateaux aux profils très différents qui ont tant contribué à forger la légende de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe.
Si au fil des éditions et de l’évolution des bateaux, la flotte de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe a été scindée en plusieurs classes – Ultim 32/23, IMOCA, Class40, Ocean Fifty – la catégorie Rhum fait perdurer l’esprit de liberté insufflé par Michel Etevenon il y a 44 ans. « La Route du Rhum – Destination Guadeloupe a été pensée comme la transat de la liberté. C’est la seule sur laquelle skippers amateurs et professionnels s’alignent sur la même ligne de départ à Saint-Malo et partent en destination de la Guadeloupe sur un tracé inchangé depuis la création de la course », rappelle Joseph Bizard, directeur général d’OC Sport Pen Duick. Pour lui, les catégories Rhum Mono et Rhum Multi « incarnent la genèse du projet. Ce sont des bateaux historiques, qui sont pour la plupart pilotés par des amateurs, et qui nous rappellent l’ADN de cette grande course. Outre l’aspect historique, nous avons veillé à ce que le sport soit au cœur des projets de chacun. Il va y avoir de la bagarre dans cette catégorie iconique, qui incarne l’histoire et le mythe de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe ».
Contrairement aux quatre Classes en lice sur La Route du Rhum – Destination Guadeloupe, la catégorie Rhum est très éclectique : bateaux de série et prototypes côtoient ainsi des voiliers de légende. Côté multicoques, on retrouve des bateaux iconiques dont le trimaran doré Flo, l’ex-Pierre 1er. C’est à son bord que Florence Arthaud est entrée dans la légende de la discipline en 1990 en devenant la première femme à s’imposer sur une course au large en solitaire.
Philippe Poupon, qui en prendra la barre, partagera la ligne de départ avec d’autres golden oldies dont les plans Walter Green Happy et Acapella, sisterships de l’Olympus Photo de Mike Birch, premier vainqueur de la course. Skipper d’Acapella – La Chaîne de l’Espoir, Charlie Capelle dispute La Route du Rhum – Destination Guadeloupe pour la 7ème fois. « Je n’ai jamais imaginé faire la course avec un autre bateau. Je fais corps avec lui ». Et le skipper d’ajouter : « J’ai passé toute ma vie à développer Acapella et je l’ai reconstruit plusieurs fois. C’est un bateau merveilleux construit dans le Maine en 1980 au chantier de Walter Green où j’étais apprenti. J’aime naviguer, régater et prendre part aux compétitions. »
Une impressionnante variété de bateaux
Charlie Capelle apprécie également le plateau des engagés. « Je suis très content que Laurent Etheimer (Happy) et Christophe Bogrand (Château du Launay) dont les bateaux ont été construits à la même époque, soient là aussi. Il va y avoir une course dans la course, ça va être sympa ! J’ai déjà battu le record de Mike Birch qui nous a quitté mercredi dernier. Je vais faire la course pour lui cette année. Je vais essayer de friser les 20 jours, ça serait merveilleux ».
On retrouve aussi des prototypes et des bateaux de séries tels que des Open 50, Cigale 16, ORC 50, Pogo 12.50 que l’on a l’habitude de voir sur les courses IRC. Ou encore des bateaux sortis de leur classe d’origine pour des questions d’homogénéité de flotte, à l’instar des quatre ex-Multi50 en lice cette année : Rayon Vert d’Oren Nataf, Ille-et-Vilaine – Cap vers l’inclusion de Fabrice Payen, Interaction d’Erwan Thiboumery et Trilogik – Dys de Cœur du Guadeloupéen David Ducosson. Ancien préparateur de plusieurs skippers guadeloupéens dont Claude Thellier et Philippe Fiston, David a décidé de se jeter à l’eau en 2018.
Après son abandon lors de la dernière édition, il est de retour à bord d’un plan Lombart/Joubert-Nivelt de 50 pieds pour une 2ème participation. « Je ne mets pas de pression sur le plan sportif, même si je ne laisserai pas les copains s’en aller sans me bagarrer. J’ai envie de terminer l’aventure et d’arriver à Pointe-à-Pitre après avoir fait une belle course », confie celui qui a découvert le milieu de la course sur le tard grâce à Anne Caseneuve et Christophe Houdet, qu’il a rencontrés en passant son diplôme de skipper professionnel en 1998. « C’est un projet personnel. J’ai fait l’acquisition du bateau et créé une société pour pouvoir l’exploiter ensuite en Guadeloupe. L’idée est de faire découvrir les joies de la navigation en bateau de course à ceux qui le souhaitent », poursuit-il.
Arnaud Pennarun : « Faire aussi bien que Poupon »
Côté Rhum Mono, on citera la présence dans les bassins malouins du « Cigare Rouge » de Catherine Chabaud (Formatives ESI Business School pour Ocean As Common), à bord duquel elle fit son premier Vendée Globe en 1996, ou encore le Cap au Cap Location de Wilfrid Clerton, ex-Kriter VIII de Michel Malinovsky. Le plan Mauric prendra son 6ème départ de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Sans oublier l’ex-Pen Duick III d’Éric Tabarly. Désormais skippé par le Finistérien Arnaud Pennarun, Pen Duick III pour les enfants de Robert Debré connaît bien la route lui aussi.
« Le bateau a été conçu pour neuf personnes mais est menable en solitaire et il a terminé 7ème de la première édition de la course avec Philippe Poupon en 1978. Je suis heureux de participer à la course. Ça va permettre de rendre hommage à celles et ceux qui ont fait que le bateau est toujours là aujourd’hui, dont Jacqueline Tabarly qui a sauvé le bateau », raconte Arnaud Pennarun, à la tête de deux chantiers navals en Bretagne. « On a profité de la course pour démonter le bateau et le remettre en configuration course au large après 20 ans de cabotage. On a décidé de le remettre dans sa configuration d’origine l’hiver dernier. Le bateau, construit en 1967, est le seul à ne pas avoir d’enrouleur. Avec Jacqueline Tabarly, nous avons l’intention de faire classer la flotte des Pen Duick ». S’il sera impossible pour lui d’aller chercher un podium, il espère faire aussi bien que Philippe Poupon en 1978, et donner le meilleur de lui-même pour les enfants de l’association Robert Debré, une cause qui lui tient particulièrement à cœur.
L’innovation au cœur de la course
Des prototypes innovants côtoient ces voiliers légendaires, dont We Explore de Roland Jourdain ou le Metarom MG5 de Marc Guillemot. Deux figures emblématiques de la course au large qui ont fait le pari de la sobriété en misant sur des matériaux biosourcés telles que la fibre de lin pour le premier, ou une grand-voile solaire pour le second. Et qui reviennent sur la course avec des objectifs différents d’avant, mais toujours avec le même plaisir.
« J’ai participé cinq fois à La Route du Rhum, dont deux en ORMA et deux en IMOCA. Je reviens avec un projet différent, avec un bateau éco-conçu que l’on va exploiter commercialement en dehors des courses. Je n’imaginais pas partir en catégorie Rhum avec autant d’excitation et de plaisir. C’est monté au fur et à mesure des mois, avec l’inscription de Gwen Chapalain (Guyader – Savéol), Loïc Escoffier (Lodigroup), Roland Jourdain ou Brieuc Maisonneuve (CMA Île-de-France – 60 000 rebonds). Ce sont des bateaux un peu similaires au mien avec de vrais objectifs sportifs. Je ne suis pas le seul à viser la victoire, c’est ce qui fait tout l’intérêt de la course », avance Marc Guillemot. « On retrouve dans cette catégorie l’esprit qui a animé La Route du Rhum à ses débuts, une variété de coureurs d’horizons très différents ».
Paroles du jour : Anatole Facon-Kito de Pavant, destins croisés
Le premier a 22 ans et navigue en Class40 depuis le début de l’année. Le second a 61 ans et s’élance pour sa 4ème Route du Rhum. Le jeune Anatole Facon (Naviguons contre le diabète) et l’expérimenté Kito de Pavant (HBF – Reforest’Action) ont échangé longuement sur leurs engagements. « Je n’ai jamais pris autant de plaisir qu’en naviguant seul, souligne le jeune marin. C’est la quintessence même de la navigation d’être seul sur nos beaux bateaux à tout gérer et à faire corps entre le bateau, la mer et là où on va ». « Le bateau, c’est une drogue dure, j’aurais du mal à m’en passer », ajoute Kito de Pavant. Sur l’eau, même s’il s’agit d’un monde difficile et cruel parfois, on prend toujours beaucoup de plaisir. »
La vie du village : les 138 marins présentés au public
Le moment fort de cette sixième journée d’ouverture du village de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe est la présentation des 138 skippers engagés (de 17h à 19h). Tour à tour, les marins déambulent dans les rues de Saint-Malo avant de monter sur la grande scène, face au public. De quoi mieux appréhender les forces en présence et faire monter la pression à une semaine du départ de cette 12ème édition. Demain lundi, la journée sera une nouvelle fois très animée avec de nombreux temps forts sportifs et musicaux. Au programme également, une conférence « l’heure durable » avec Roland Jourdain (à 16h) et une rencontre avec des skippers malouins participant à la course (à 17h).