Dalin, Mettraux et Harayda, trois skippers IMOCA bizuths
Difficile à croire mais Charlie Dalin n’a encore jamais participé à la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. Le skipper d’APIVIA, Champion IMOCA 2021 et vainqueur de toutes les courses cette année, prendra pour la première fois le départ de la célèbre transat entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre (dimanche 6 novembre).
Néanmoins, le skipper havrais en sait probablement presque autant sur ce sprint de 3 500 milles que ceux qui y ont déjà participé. En effet, en 2010, il travaillait avec le navigateur britannique Nick Bubb en Class40, puis faisait partie de l’équipe d’Armel Le Cléac’h en 2014 et a participé aux campagnes de Yann Eliès en 2014 et en 2018.
Âgé de 38 ans, l’actuel leader des IMOCA GLOBE SERIES 2022, connaît donc très bien le parcours et sait ce qu’il doit travailler pour l’emporter. Il signerait alors le Grand Chelem de l’année après ses victoires consécutives sur la Guyader Bermudes 1000 Race (mai), la Vendée Arctique (juin) et les 48h du Défi Azimut (septembre).
Selon lui, le premier enjeu est de savoir gérer la frénésie du pré-départ afin d’avoir l’esprit le plus reposé possible le jour J. « Je connais la course et l’atmosphère à Saint-Malo, la foule et les médias », confie-t-il. « Il y a tellement de choses qui se passent pendant les dix jours. Il y a les sponsors, la presse, la famille, l’équipe – tout. C’est l’une des parties délicates de la Route du Rhum. »
Puis, il faut se préparer à naviguer à 100% dès les premiers instants de la course et avoir une stratégie toute tracée avant-même de prendre le large. « À partir du moment où vous vous retrouvez seul sur le bateau, votre plan de bataille doit être clair », explique Charlie, qui a toujours su s’installer rapidement en tête de flotte. « Vous devez trouver le temps de bien travailler la météo », ajoute-t-il. “Puis, il faut naviguer tout de suite à un rythme assez intense. Si vous regardez l’histoire de la Route du Rhum, les vainqueurs ont toujours poussé très fort leur bateau sur les premiers jours de course, dans n’importe quelle catégorie. »
La ville de départ est aussi un élément important car les grandes décisions stratégiques doivent être prises encore plus tôt que sur une Transat Jacques Vabre qui part du Havre par exemple. « Nous partons plus à l’ouest de la Manche. Aussi, dès le premier soir, vous devez potentiellement prendre une décision cruciale qui peut avoir une grande influence sur votre réussite sur la course », explique-t-il.
Le skipper d’APIVIA souligne aussi que l’arrivée est autre un élément important à prendre en compte. En effet, la fin du parcours fait faire aux coureurs le tour de la Guadeloupe par la côte ouest, avant de franchir la ligne d’arrivée à Pointe-à-Pitre. C’est durant cette phase, que le Britannique Alex Thomson, leader de l’édition 2018, avait touché la côte après s’être endormi à quelques heures de l’arrivée.
C’est une section difficile qui demande à chacun de rester concentré. « Parfois, cela peut être assez long, jusqu’à 20 heures », souligne Charlie. « Aussi, cela représente presque 10% du temps de course. Lorsque vous voyez la Guadeloupe, cela ne signifie pas que la course est terminée. »
Il s’agira de la dernière course de Charlie à bord de ce bateau qu’il appelle désormais APIVIA 1. En effet, un nouveau plan Guillaume Verdier, actuellement entre les mains de CDK Technologies et MerConcept, prendra bientôt la place de l’actuel IMOCA qui lui a apporté d’immenses succès, dont les honneurs de la ligne du Vendée Globe et des médailles à la pelle.
Sera-t-il ému au moment de le remettre au team Banque Populaire ? « Je ne sais vraiment pas comment je vais réagir lorsque je descendrai du bateau en Guadeloupe », confie-t-il. « Mais je suis heureux de découvrir un nouveau bateau basé sur les points forts d’APIVIA 1. C’est un changement pour quelque chose de mieux. »
Justine Mettraux, bizuth de haut niveau
Quatre femmes skippers prendront le départ de la Route du Rhum en IMOCA. Parmi elles, la Suisse, Justine Mettraux, elle aussi bizuth de la légendaire transatlantique. Ce sera sa deuxième course à bord de son Teamwork, ex-Charal 1, et une étape importante dans sa préparation du Vendée Globe 2024.
Sur les 48H Azimut, sa première course en solitaire en IMOCA, Justine a terminé sixième et elle a hâte de s’attaquer à sa première transat. « Je me sens très bien avec le bateau mais je sais qu’il y a certaines situations – certaines forces et angles de vent – que je n’ai pas encore expérimentés, donc je vais encore découvrir et apprendre », explique-t-elle.
Justine, 36 ans, a grandi en naviguant sur le lac Léman, avant d’engranger une expérience impressionnante au large. Elle s’attend à un début de course éprouvant dans l’Atlantique Nord. « Quitter la Bretagne en novembre n’est jamais agréable », avoue-t-elle. « Le plan est de faire du mieux que je peux sur ces premiers jours. Nous savons tous qu’il faut être dans le paquet de tête sur cette première section du parcours car les conditions n’iront qu’en s’améliorant ensuite. Il s’agira donc de bien rentrer dans la course, de trouver un bon rythme et ne rien casser. Je suppose que c’est une histoire de compromis. »
Pour Justine, il est particulièrement important de terminer cette course car l’année prochaine, elle sera fortement impliquée sur The Ocean Race avec l’équipage de 11th Hour Racing Team et n’aura donc que très peu de temps à accorder au solitaire. « J’espère vraiment finir la Route du Rhum », résume-t-elle. « Mon objectif est de terminer la course, de gagner en expérience sur mon bateau et d’être fière de la façon dont j’aurais navigué. »
En Suisse, l’intérêt pour sa campagne Vendée Globe commence à croître et on ne peut que lui souhaiter d’être la première helvétique à boucler le Vendée Globe. « La Route du Rhum est le début de notre projet et un premier gros coup de projecteur », explique-t-elle. « J’espère qu’il séduira la communauté là-bas car je pense que les gens sont heureux de voir enfin un projet de voile suisse féminine sur le Vendée Globe. et je ressens toujours ce besoin de créer de nouvelles opportunités car cela n’a jamais été fait auparavant », ajoute-t-elle.
James Harayda a de l’ambition
Notre troisième bizuth de la Route du Rhum est le jeune (24 ans seulement) Anglais, James Harayda, qui courra à la barre de Gentoo Sailing Team, un plan Finot-Conq de 2007, ex-Hugo Boss et ex-Time For Oceans.
Pour James Harayda, il s’agit vraiment d’un pas dans l’inconnu, puisqu’il ne s’est encore jamais engagé sur une transatlantique, et encore moins en solitaire et sur un puissant IMOCA. Son adversaire sera son ami Oliver Heer, sur Oliver Heer Ocean Racing, et il a choisi aussi Tanguy Le Turquais sur Lazare, « super bateau à côté duquel être », bien que son premier objectif sera évidemment d’arriver au bout.
« Avec toute l’équipe, nous nous concentrons surtout sur ce qu’il faut faire pour franchir la ligne d’arrivée. » explique-t-il. « Les résultats passent au second plan pour le moment. Plus nous nous rapprocherons du Vendée Globe, plus notre attention pourra se porter sur le classement, surtout quand nous aurons trouvé des partenaires. »
Ce jeune homme ambitieux avait pu se confronter pour la première fois à la flotte IMOCA en septembre dernier sur le Défi Azimut où il avait terminé 19ème. Aujourd’hui, il aspire à terminer le Vendée Globe en 2024, puis à revenir en 2028 avec un projet plus compétitif et un bateau plus récent.
« La Route du Rhum est une course de légende qui est différente des autres et je pense que la quantité d’efforts à fournir avant le départ est énorme. », rappelle-t-il entre Gosport, son port d’attache, et Saint-Malo à quelques jours de l’ouverture du village.
« En tant qu’équipe, nous considérons également la Route du Rhum comme un événement très différent du Défi Azimut », poursuit-il. « Cette transat est qualificative pour le Vendée Globe. Aussi, nous avons besoin de franchir la ligne d’arrivée au bateau et d’accumuler les milles en course. »
James Harayda, qui a couru en double avec la recordwoman britannique du tour du monde Dee Caffari, espère faire face à la première semaine et bien se placer pour le reste de la course. « Cette première semaine est critique », déclare-t-il. « Nous voulons tous être le mieux placé possible lorsque nous toucherons les alizés parce qu’ensuite, cela devient souvent une course de vitesse et je suis assez à l’aise dans ces conditions avec le bateau.»