Les quatre fantastiques !
138 marins prendront le départ de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe le 6 novembre prochain. Quatre d’entre eux ont remporté l’édition 2018 de la course et remettent leur titre en jeu, sans changement de catégorie : Francis Joyon en Ultim 32/23 (IDEC Sport), Yoann Richomme en Class40 (Paprec-Arkea), Paul Meilhat (Biotherm) en IMOCA et Armel Tripon (Les P’tits Doudous) en Ocean Fifty. A dix jours du départ, ils expliquent leurs motivations et estiment leurs chances de doublé.
Depuis la création de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe, seulement trois marins ont réalisé le doublé dans la même classe : Laurent Bourgnon en trimaran ORMA (en 1994 et 1998), Roland Jourdain en IMOCA (en 2006 et 2010) et Franck-Yves Escoffier en multicoque de 50 pieds (en 2002 et 2006). Deux autres skippers ont gagné deux fois de suite, mais dans des classes différentes : Ellen MacArthur (en monocoque de 50 pieds en 1998 puis en IMOCA en 2002) et Lionel Lemonchois (en ORMA en 2006 puis en Multi 50 en 2010). Pour cette 12e édition, quatre navigateurs viennent défendre leur titre acquis en 2018. Du jamais vu !
Ultim 32/23. Francis Joyon : « Je vais jouer ma carte à fond »
Francis Joyon, tenant du titre de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe en Ultim 32/23, s’engage pour la huitième fois sur l’épreuve, 32 ans après sa première participation. Le skipper de 66 ans est toujours aussi passionné, toujours aussi curieux, avec une soif intacte d’inconnu. « On me demande souvent pourquoi je repars sur une Route du Rhum. C’est une question que je ne me suis pas posée, car cela relève d’une certaine évidence pour moi, explique-t-il. Cette course continue de me faire rêver, de me donner envie. J’adore ce parcours, avec sa première phase musclée, l’incertitude des choix de route pour traverser, la prise de risque météo. Aucune Route du Rhum ne ressemble à une autre. » Joyon sait que réitérer son exploit de 2018 sera difficile mais pas impossible. « Mon bateau est quelque peu dépassé par les Ultim 32/23 dernier cri. C’était déjà le cas il y a quatre ans. J’ai donc une véritable curiosité de savoir à quelle sauce je serai mangé… ou pas ! Je me donne un peu moins de 10 % de chance de gagner. Mais c’est déjà beaucoup et je vais jouer ma carte à fond. J’ai encore envie de me battre, de me donner à fond, de servir mon bateau du mieux que je le peux. Il est exigeant mais il ne me dépasse pas encore. Je le connais bien. Il est fiable, solide, sain. J’en tirerai le maximum. Sera-ce suffisant ? C’est la météo qui décidera… »
Class40. Yoann Richomme : « Je ne veux pas imaginer autre chose que de me bagarrer en tête de course »
En attendant la mise à l’eau de son futur IMOCA Paprec-Arkea (prévue début 2023), Yoann Richomme a l’occasion de défendre son titre sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en Class40, là encore avec un bateau neuf. Le skipper garde un souvenir fort de sa victoire acquise en 2018. « Cette course a été le détonateur à plus d’un titre : elle m’a permis de gérer un projet, de développer un prototype et elle a contribué à me faire “sortir” du circuit Figaro. Cela a été une aventure très forte », explique-t-il. Malgré une concurrence très rude, Richomme a clairement les moyens de gagner une deuxième fois en Guadeloupe. « Je suis remonté comme une pendule, j’ai envie de bien faire, dit-il. Nous mettons tout en œuvre avec l’équipe depuis la mise à l’eau du bateau afin de répondre présent et de viser au moins une place sur le podium. Nous avons mis beaucoup de temps et d’énergie afin que le bateau soit prêt et qu’on puisse batailler devant. Je ne veux pas imaginer autre chose que de me bagarrer en tête de course. » Comment Yoann Richomme gère-t-il la pression du tenant du titre ? « C’est surtout mon bateau qui met la pression car je sais qu’il a la capacité de faire un bon résultat, répond le skipper. En plus de la concurrence, ce sera intéressant de se jauger avec Corentin Douguet qui a le même bateau que moi. Il faudra être à la hauteur mais je n’ai pas le choix si je veux monter sur le podium ! »
IMOCA. Paul Meilhat : « L’objectif n’a jamais été de défendre mon titre »
En 2018, Paul Meilhat avait remporté La Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 12 jours et 11 heures, à bord d’un IMOCA équipé de dérives droites. Il revient à bord de Biotherm, un foiler flambant neuf mis à l’eau le 31 août dernier et à bord duquel il n’a navigué que 15 jours avant de se présenter à Saint-Malo. Compte tenu de ce timing très serré, et du fait qu’il n’a pas disputé de course en solitaire depuis quatre ans, Paul Meilhat ne se considère absolument pas comme un favori. « Je ne pense pas du tout au statut de tenant du titre, je ne me mets aucune pression par rapport à ça. L’objectif n’a jamais été de défendre mon titre, il ne faut pas se tromper de combat. Je dois avoir une gestion de mon bateau plus raisonnable. L’attaque, ce sera pour plus tard, souligne Meilhat. Aujourd’hui, je suis encore dans une phase de fiabilisation et de prise en main de mon IMOCA, et c’est normal. Mon objectif premier est bien sûr de finir mais je veux aussi me confronter aux concurrents pour mieux appréhender le potentiel de Biotherm. » Même s’il ne peut pas se fixer de très hautes ambitions sportives, le marin savoure sa présence à Saint-Malo. « C’est un grand motif de satisfaction de pouvoir être au départ de cette édition. On voit bien que l’épreuve prend une nouvelle dimension. Je profite de cette émotion et je vais chercher dans ce village l’énergie nécessaire pour la course. »
Ocean Fifty. Armel Tripon : « Je suis l’ancien vainqueur mais pas le favori ! »
L’état d’esprit d’Armel Tripon est assez similaire à celui de Paul Meilhat. « J’étais un peu l’outsider il y a quatre ans. Je reviens avec l’expérience d’une Route du Rhum mais paradoxalement avec beaucoup moins de métier sur ce bateau. J’ai chaviré au mois d’avril et je suis en manque de navigation, de connaissance de l’engin, ce qui est très important, notamment en multicoque, rappelle le skipper de l’Ocean Fifty Les P’tits Doudous. Je suis l’ancien vainqueur mais pas le favori ! Mon bateau engage fort et vite. Il a quand même chaviré trois fois dans sa carrière (il s’agit de l’ancien Arkema de Lalou Roucayrol, NDLR). » Malgré ces aléas, Armel Tripon a tout de même de bons arguments pour aborder la course de manière performante. « L’expérience de la précédente édition est essentielle. Je sais où je vais. Je connais le niveau de stress et d’engagement que représente une transatlantique en solitaire en Ocean Fifty, jusqu’à la fin car les alizés sont très usants sur ces bateaux qu’il faut surveiller en permanence au portant. Savoir dormir quand le bateau cavale à 25 nœuds, c’est un plus ! Ça va rééquilibrer mes petits manques de repère en performances pures. Ce sera de toute façon une superbe Route du Rhum – Destination Guadeloupe, le plateau n’a jamais été aussi fourni et homogène et le jeu est très ouvert. »
Six autres anciens vainqueurs au départ
En plus des quatre tenants du titre évoqués précédemment, six autres marins engagés cette année sont des anciens vainqueurs de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Il s’agit de Philippe Poupon (en 1986 au “scratch”), Thomas Coville (en 1998 en IMOCA), Roland Jourdain, Thomas Ruyant (en 2010 en Class40), Erwan Le Roux (en 2014 en Multi 50) et François Gabart (en 2014 en IMOCA).
Surfrider Foundation Europe : un vendredi inscrit sous le signe de l’Océan Engagé
OC Sport Pen Duick et Surfrider Foundation Europe, ONG Partenaire de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe, organisent le vendredi 28 octobre une journée de conférences et de débats « Océan Engagé ». Les tables rondes, qui se dérouleront au Palais du Grand Large de Saint-Malo de 9h30 à 17h30, sont accessibles gratuitement sur inscription.
Plus d’informations : https://www.routedurhum.com/fr/actualite/135
Erwan Le Roux/Quentin Vlamynck : Bords rapprochants
Le premier a gagné La Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 2014 et fait figure de référence dans la classe Ocean Fifty qu’il préside depuis 2016. Le second est bizuth de la transat mais a remporté le Pro Sailing Tour 2022, le championnat annuel des trimarans de 50 pieds. Concurrents mais partenaires d’entrainements, les deux skippers se sont prêtés au jeu d’une petite interview croisée. Morceaux choisis.