Adieu et merci Mike Birch
Mike Birch a tiré son dernier bord dans la nuit de mardi à mercredi et c’est toute la Route du Rhum – Destination Guadeloupe qui est en deuil. Le Canadien, par qui tout a commencé lorsqu’en 1978, son petit trimaran jaune s’adjugea la victoire de 98 secondes devant le monocoque de Michel Malinovsky, est indissociable de l’histoire du multicoque et de son avènement dans la course au large. Une minute de silence sera respectée sur le village de la course en son hommage à 17h, au moment de l’inauguration. La photo du marin sera projetée sur les remparts de Saint-Malo, ce soir et jusqu’au départ des skippers dimanche 6 novembre.
Quiconque a un jour rêvé de multicoque garde en tête l’image de Mike Birch. Celle de son Olympus Photo d’abord, cinglant l’alizé dans le canal des Saintes pour ravir à un monocoque de deux fois sa taille la victoire dans la première édition de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. « 98 secondes pour l’éternité » clamaient les journaux à l’époque, « Seule la victoire est jolie » titrait sobrement Michel Malinovsky dans son livre et ils avaient raison. La révolution était en marche et le plan Walter Greene en bois moulé du canadien en fut le détonateur.
Celle de l’homme ensuite. Ce regard doux éclairant un visage émacié, un physique de danseur qui composait avec la mer plus qu’il ne l’affrontait, cherchant d’abord dans ses chorégraphies l’harmonie avec l’océan. Une façon de naviguer bien à lui, qui a montré la voie à de multiples marins dont il a été le mentor. Parmi eux, Charlie Capelle qui prendra le départ le 6 novembre de sa 7ème Route du Rhum – Destination Guadeloupe sur A Capella – La Chaîne de l’Espoir, sistership d’Olympus Photo à qui il voue un culte, a rencontré Birch dans les années 1980, dans le Maine aux Etats-Unis. « J’ai eu la chance de faire mon apprentissage chez Walter Greene, dans un chantier où il construisait un bateau avec sa famille. ll débutait sa carrière après sa victoire sur le Rhum. J’ai participé à la construction de ce bateau avec d’autres camarades et si je n’avais pas rencontré Mike, je n’aurais probablement jamais fait de course au large. C’était un ami, un mentor, mon héros à moi. J’avais une profonde admiration pour ce monsieur qui était très accessible, très calme, très gentil, qui n’était pas dans le star-system. C’était quelqu’un de très discret et de très fiable. Quand il disait quelque chose, il le faisait ».
Un personnage à la Jack London
Avant la course au large, Mike Birch avait convoyé des bateaux, apprenant un métier de marin qui était loin d’être sa première vocation. Né à Vancouver, il fût tour à tour mineur, ouvrier dans le pétrole, cow-boy, avant de poser un autre regard sur l’horizon. « Un personnage de roman » résumait ce matin Thomas Coville qui avait tiré des bords avec lui sur le trimaran ORMA Fujicolor dans les années 1990. « J’ai découvert très tard qu’il avait eu cette vie avant et chevauché les grands espaces. J’ai lu son livre, un des rares livres de marins que j’ai lu jusqu’au bout, comme si j’avais lu un récit de Jack London. Ce monsieur a toujours été jeune ».
C’est pourtant à 44 ans que Mike Birch s’aligne au départ de sa première transat, la redoutable édition 1976 de l’OSTAR entre Plymouth et Newport. Il enchaîne sur sa victoire dans la Route du Rhum 1978 et construit ensuite plusieurs multicoques sur plans Nigel Irens. Le petit 50 pieds Vital d’abord puis Formule Tag, grand catamaran de 26 mètres qui lui offrit la victoire dans Monaco New-York en 1985. Vinrent ensuite les années ORMA, ces trimarans de 18,28 m sur lesquels Mike s’est adjugé par deux fois la troisième place sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe.
La reine des transats était bel et bien indissociable de la vie du marin, lui qui s’aligna sept fois au départ. « Le décès de Mike Birch est un évènement qui nous marque, au sein de l’organisation de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe disait ce matin Joseph Bizard, Directeur Général d’OC Sport Pen Duick. « Dans l’histoire de ce grand marin, on retrouve la magie, le mythe, l’aventure, tout ce qui a fait que la course rencontre un vrai succès populaire et sportif. Il y a dans son histoire l’aventure humaine du marin, l’aventure sportive, l’aventure technologique car sa victoire a marqué l’avènement des multicoques. Son arrivée avec 98 secondes d’avance sur Malinovsky a posé la pierre angulaire de ce qui est l’ADN de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, le marqueur qui a fait la magie de la course. Il a marqué l’histoire de la voile et celle de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe ».