L’heure du grand défi approche. Dans moins d’un mois, le 6 novembre prochain, Isabelle Joschke et les 137 navigateurs engagés sur la Route du Rhum-Destination Guadeloupe s’élanceront de Saint-Malo en plein cœur de l’automne pour rallier la Guadeloupe portés par les alizés. Derrière l’image de carte postale, cette chevauchée de 3 542 milles (6562 km) s’annonce incroyablement éprouvante tant elle cumule un niveau de difficultés très élevé en termes de rythme, d’intensité, d’attention permanente et de conditions de navigation souvent brutales et changeantes à cette saison dans le golfe de Gascogne. Pour espérer voir Pointe-à-Pitre et se donner les moyens de bien figurer à bord de son IMOCA, la skipper de MACSF a suivi une préparation « musclée » qui ne laisse pas de place à l’improvisation.

Un travail spécifique et poussé sur les manœuvres

Avec son format et son degré d’exigence, la Route du Rhum se rapproche d’une course de demi-fond qui oblige ses athlètes à savoir courir vite et longtemps tout en étant capable de repousser le seuil de fatigue. Sur la plus célèbre des transats, le skipper doit posséder une technique très au point s’il veut pouvoir encaisser et renouveler des efforts assez violents durant une dizaine de jours. Dans ce but, depuis plusieurs semaines, Isabelle Joschke et son team ont mis l’accent sur l’exécution des manœuvres à bord.
« Lors des entraînements, on a, entre autres, travaillé sur leur durée et le timing. Je dois savoir avec précision combien de temps me prendra une manœuvre pour décider ensuite à quel moment la déclencher avant d’arriver à un point donné. En enchaînant les exercices, l’objectif est clairement de gagner en efficacité, d’essayer d’aller le plus vite possible tout en tenant compte de mes limites physiques. Je ne suis pas le gabarit le plus costaud de la flotte. Durant les navigations, je ne suis jamais seule à bord mais j’exécute la majorité des manœuvres comme si je l’étais. L’enchaînement de ces manœuvres laisse des traces puisqu’on navigue dans des conditions humides avec un bateau qui bouge et qui tape. Pour moi, la vraie difficulté se situe dans la répétition des efforts à des moments de la journée où l’on peut être épuisé. Personnellement j’ai souvent moins de force pour manœuvrer en fin de nuit. En multipliant les navigations et en répétant les exercices, je cherche à me mettre dans le rouge en habituant mon corps à supporter une grosse débauche d’énergie ».

Anticiper le manque de sommeil à bord

A chaque sortie en mer de 24 heures, l’objectif est toujours le même pour Isabelle Joschke et son équipe : trouver du vent fort afin de retrouver à l’entraînement des conditions identiques à celles qui l’attendent sur la 12e édition de la Route du Rhum-Destination Guadeloupe. A bord de l’IMOCA MACSF, les premiers jours de course seront particulièrement rudes.
« Lors les premières 24 heures il y aura très peu ou pas de possibilité de se reposer. Je naviguerai dans la Manche avec du monde autour de moi, des cargos, des bateaux de pêche, les courants… Il y aura énormément de choses à gérer en même temps. Les jours suivants cela restera compliqué. Quand on sort de La Manche et qu’on dégolfe, on se retrouve dans des conditions météo qui changent très vite, une mer difficile. C’est une phase où l’on est tout le temps mouillé et maltraité ».

Pour encaisser cette grosse fatigue et s’y préparer sur le plan physique et mental, Isabelle Joschke compte sur l’expérience et les milles accumulés ces dernières années. « Ce sont des situations que j’ai déjà vécues de nombreuses fois. A côté des navigations par gros temps qui sont déjà une préparation en soi, je vais m’appuyer là-dessus. Je sais très bien que cela sera dur mais, derrière, les conditions devraient s’améliorer, il y aura la possibilité de récupérer ».

Pour arriver au top de sa forme sur la ligne de départ à Saint-Malo, la navigatrice alterne les navigations et les phases de repos à terre. « Entre deux entraînements je veux pouvoir bien récupérer pour avoir suffisamment de jus en prévision de la prochaine sortie et de la course ». Quotidiennement, elle s’attache à développer sa condition physique grâce à la pratique de la course à pied, de la natation et du Pilates. « Les bienfaits du Pilates sont nombreux. Il permet un renforcement musculaire profond. Les mouvements réalisés sur le bateau me coûtent ainsi moins d’énergie. Le Pilates a aussi l’avantage de prévenir les blessures liées à l’usure de type inflammatoire comme la tendinite ».

Mettre le bateau à l’épreuve

Le développement du foiler est entré dans sa phase de finalisation. L’heure est aux ultimes réglages pour le team MACSF. La dernière sortie en mer de 24 heures a permis à l’équipe de peaufiner les ajustements pour la navigation au près et par vent arrière. Dans le même temps, l’ensemble des pièces neuves du bateau ont été testées et éprouvées.
« C’est aussi l’intérêt de naviguer dans du vent fort. On sollicite tout ce qui est neuf à bord pour voir si cela tient. Cette année on a changé le système des jockey pool. Ce sont des tubes en carbone situés à l’arrière du bateau où passent les écoutes de spi et du gennaker. Le système avait été modifié. Il y avait des endroits qui structurellement pouvaient s’abîmer. On devait contrôler leur fiabilité », indique Isabelle qui peut s’appuyer sur les outils informatiques mis au point par Fabien Delahaye, responsable de la cellule performance, pour continuer à accroître sa connaissance du bateau. « Il nous reste encore deux petites semaines de travail pour être au point avant le convoyage prévu fin octobre. On a programmé cinq ou six sorties avec si c’est possible deux navigations de 24 heures si les prévisions météo le permettent. »

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