Des milliers de mètres carrés de voiles ont été affalés dans un joyeux vacarme ce samedi soir au terme d’une journée de clôture époustouflante pour la première partie des Voiles de Saint-Tropez 2022. Les conditions particulièrement viriles de cette ultimes journée avaient amené le comité et les équipes de la Société Nautique de Saint-Tropez à chambouler le programme dès potron minet pour profiter d’une fenêtre musclée, mais plus maniable, en début de matinée. Les quelques milliers d’équipiers engagés sur les bateaux modernes de moins de 60 pieds et l’incroyable flotte des voiliers de tradition qui se sont mesurés sur l’eau une dernière fois n’en regretteront rien. Ils ont, à l’évidence, fait le plein de souvenirs pour recharger cette envie poignante de – toujours – revenir aux Voiles !

Les classiques, c’est chic !
Pour cette ultime journée, le golfe s’était paré de ses plus beaux atours, d’une mer calme à agitée, d’un vent d’Ouest modéré à fort, pour favoriser de somptueux départs sous spi, bâbord amure dans toutes les classes, préludes à des joutes souvent décisives en tête de chacun des groupes. Entre le Mistral du début de semaine et la journée des Défis le jeudi, les yachts Classiques ont validé deux courses, chacune disputée dans des contextes très différents : vent modéré hier, et Mistral fraichissant aujourd’hui. Les marins ont ainsi pu solliciter leurs vénérables montures de manières très différentes sur un plan d’eau extrêmement changeant, et contraignant à multiplier les lourdes manœuvres, de changements de voiles d’avant notamment. Portant sous spi, vent de travers sous génois, puis retour au près vers le fond du golfe et le Portalet sous foc et génois ont redessiné le beau spectacle des Voiles, spectacle fantastique autant sur l’eau que des jetées. On notait d’emblée la volonté des trois 12 m JI, Il Moro di Venezia, France et Ikra d’en découdre en un run de vitesse des plus spectaculaire. D’un souffle, pour quelque secondes, France prenait le meilleur sur Ikra, mais pas avec suffisamment d’avance pour devancer Eugenia V (Rhodes 1968) en temps compensé. Même scénario dans le Groupe des Epoque Aurique que Spartan, le véloce New York 50 signé Herreshoff dominait sur la ligne, mais qui ne pouvait refaire son handicap de jauge face au redoutable Scud (Herreshoff 1903) de Torben Grael, de nouveau vainqueur à Saint-Tropez.
Shenandoah of Sark, l’impressionnante goélette à trois mâts (Ferris 1902) était l’épouvantail du groupe support du Trophée Rolex. Battue en course 1 par l’étonnant plan Paine Viveka, elle s’est magnifiquement reprise dans la brise, remportant la manche du jour et du même coup, le prestigieux Trophée Rolex.

8 autres Trophées ont été décernés ce soir, récompensant les vainqueurs d’autant de groupes de Tradition. On citera les vainqueurs suivants : Trophée Torpez (Classique Marconi A), Eugenia V (Rhodes 1968), Trophée Turquoise (Classique Marconi B), Espar II (Sangermani 1968). Trophée Mercantour (Epoque Aurique A), à Scud (Herreshoff 1903) Trophée Byblos (Epoque Aurique B), à Lulu (Rabot 1897), Trophée Marshall (Epoque Marconi A) Skylark 1937 (Olin Stephens 1937), le Trophée SNSM (Epoque Marconi B) à Bona (Baglietto 1934), Trophée Besserat de Bellefon (Grand Tradition) à Sumurun (Fife 1914) et le Trophée Pierre Basset, remporté par Jap (Fife 1897) couronnant le meilleur yacht du groupe « Invités ».

Modernes, au plaisir de la glisse

Journée résolument placée sous le signe de la glisse pour les 132 voiliers du volet « Moderne » des Voiles. Un plan d’eau parfaitement lisse sur la ligne de départ, dans un vent orienté dans l’axe de sortie du golfe, incitait marins et tacticiens à envoyer toute la toile en direction de Cavalaire. Comme prévu, le Mistral prenait ses aises au cours de la journée, et c’est dans un bon flux de 25 noeuds, rafales à 30, avec un fort clapot, que se jugeaient les arrivées.
Le Trophée BMW sacre chez les IRC C un incontestable vainqueur, grand habitué des podiums tropéziens et d’ailleurs, le TP52 Nanoq au Prince du Danemark. Le sociétaire du Yacht Club de Hong Kong Karl Kwok, (Beau Geste) auteur d’un début de semaine tonitruant, a baissé de pied dans la étole de vendredi. Il prend une méritoire deuxième place, loin devant un autre TP52, Jolt 3 de Peter Harrison.
Le Trophée North Sails, IRC B, a lui aussi servi de cadre à d’épiques joutes tout au long de la semaine. Laurent Courbin (First 53 Yaziga), sort vainqueur du bras de fer qui l’opposait à Linda Goddard (Swan 53 Bedouin), et au Solaris 50 Nergy (Jean François Guillon).
Peter Dubens (North Star II Cape 31) se voit décerné le Trophée Suzuki, pour sa victoire en IRC D. Il devance Marc Pajot (Cape 31 Dopamine) là encore à l’issue d’un terrible mano a mano. Jolt 4, le troisième Cape 31 de Tilly Harrison complète le podium. Les Trophée Marine de Cogolin, IRC E et Trophée Bernard Optique (IRC F) sont respectivement décernés à King Of Blue, Pascal Fran, et Pippa, le Tofinou 9,5 de Bernard Giroux.

Remise des Prix

C’est au Village des Voiles que s’est tenue, dans une chaleureuse ambiance, la remise des Prix de ces 24ème Voiles de Saint-Tropez, sous la Présidence de Pierre Roinson, et en présence de Sylvie Siri, Maire de Saint-Tropez, Eric Colombin, Directeur Général de Rolex France, et Patrice de Colmont, initiateur de la Nioulargue. Demain dimanche la journée » charnière du nouveau format des Voiles : les uns partent, les autres arrivent. Les yachts Classiques vont dès demain voguer vers de nouvelles aventures, chantier d’hiver bien mérité pour les uns, transhumance vers les Antilles pour les autres. Ils laisse la place à d’autres « bêtes de course », plus futuristes celles-là, les Maxi yachts de plus de 60 pieds qui vont animer au sens le plus sportif du terme, la seconde semaine des Voiles. 50 de ces unités sont attendues cette semaine

Ils ont dit :

Georges Korhel, Principal Race Officer

« Une belle semaine des Voiles. On regrette bien entendu l’absence de régates pour les Traditions en début de semaine pour cause de Mistral. On s’adapte, en réveillant par exemple aujourd’hui tout le monde un peu plus tôt, afin d’éviter le plus fort du vent dans l’après-midi. Les départs du jour ont été absolument superbes. On a choisi des parcours à la côte toute la semaine, pour éviter la grosse mer. La journée des Défis a de nouveau été un succès. Une belle Club 55 Cup avec un parcours là aussi adapté pour éviter la mer à la Nioulargue. Après 24 ans, on continue de trouver des solutions pour bien naviguer. La programmation des Maxis en deuxième semaine permet d’avoir des parcours plus courts bien adaptés à la flotte. Les bouées géopositionnées ont bien fonctionnées et c’est un plus. Notre application informatique permet d’éviter l’utilisation du papier. »

Serge Guilhaumou, capitaine de Shenandoah de 1993 à 2002, équipier de la manche du jour

« Nous sommes partis dans de bonnes conditions, au portant, dans un vent variable. A partir de la marque de la Sèche, ça a commencé à forcir avec un vent venant de terre, et il nous a fallu adapter le plan de voilure que nous devions porter aux conditions, c’est à dire sans renvoyer les voiles de flèches ni toutes les voiles d’avant. Il y avait alors 25 nœuds. On revenait sur Naema dans des rafales à plus de 32 noeuds. C’était magnifique, à fond! On a tout fait sur un bord, il y a eu de grosses rafales et il fallait choquer en grand pour ne pas casser. On marchait à plus de 12 nœuds. Naema a dû tirer un contre-bord juste avant la ligne d’arrivée, et on en a profité pour les passer et remporter la régate. Nous étions 21 personnes à bord, mais on peut monter jusqu’à 30. Le bateau a été totalement refait en Nouvelle Zélande, durant 2 ans, en 1996. On a fait quasiment deux fois le tour du monde depuis le refit. »

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