Ca se passe comme ça, à Saint-Tropez…
C’est au son des canons à main des grandes goélettes, des chants des marins de la goélette Naema, et des accents de la cornemuse juchée dans le dernier étage de barre de flèche de la goélette aurique Elena, que les 3 000 régatiers des Voiles ont ce soir regagné le port, ravis de leur journée de joutes à couteaux tirés dans un vent capricieux à souhait. Les grandes goélettes du Trophée Rolex, et les 8 autres groupes classiques en lice, ont validé une belle manche, de petit temps certes, mais tactique en diable, tandis que les Modernes s’expliquaient pour la troisième fois cette semaine sur un parcours côtier en bordure du golfe.
Les Modernes enchainent mais changent de registre
Du vent fort en début de semaine, faible à médium aujourd’hui, les 5 Groupes de voiliers Modernes ont gouté à tous les types de navigation. Les vainqueurs demain soir ne souffriront d’aucune contestation, tant il aura fallu cette année aux Voiles faire preuve de constance, quelles que soient les météos proposées. Avec moins de 5 noeuds sur la ligne de départ, la quête du vent frais était plus que de jamais l’obsession du jour, et certaines séries ont ainsi subi deux rappels généraux. Le parcours côtier proposé vers Pampelonne voyait heureusement le vent prendre un peu plus de souffle avec l’avancée de l’après-midi, et les volatiles racers pouvaient valider une nouvelle manche. Moins de pression, moins de houle, et bouleversement dans les classements du jour. La superbe des TP52 en IRC C (Trophée BMW) se trouve ce soir contestée par la belle victoire du Grand Soleil 44 Es Entia de Robert Gwozdz. L’équipage de Nanoq non seulement en deuxième place de la manche du jour, mais en capacité de disputer demain la victoire finale, puisqu’il faut ce soir chercher du côté de la 6ème position l’autre TP 52 dominateur depuis lundi, Beau Geste de Karl Kwok. Situation similaire en IRC B (Trophée North Sails), avec le First 53 Yaziga pointé 6ème de la manche remportée par l’autre First 53, Ritual de Patrick Schmidt, devant le Solaris 50 Nergy, qui permet à Music, le Baltik 50 d’Albert Batzill de rêver de podium demain samedi pour la dernière journée de courses.
Trophée Rolex, Viveka tient tête à Elena
L’immense goélette Elena of London a dominé les débats en temps réel dans les petits airs du golfe en tête du Trophée Rolex qui réunit cette année les grandes goélettes. Mais son handicap lui fait perdre, pour quelques minutes seulement, son leadership au profit de la Goélette Viveka (Pine 1929). La goélette Danoise Orianda Complète le podium. Belle bagarre avec d’infimes écarts chez les Grand Tradition, Trophée Besserat de Bellefon, entre Halloween (Fife 1926), vainqueur du jour, Tuiga (Five 1909) et Sumurun (Fife 1914). Belle empoignade aussi chez les magnifiques cotres auriques qui rassemblent notamment trois P Class. Le 10 m J Marga (Liljegren 1910) s’impose devant Gaudeamus (Barg 1914) et le vénérable Kismet (Fife 1896). A noter chez les Epoque Marconi, Trophée Byblos, la défaite (relative) de Blitzen (Sparksman&Stephens 1938) devancé par le plan Olin Stephens Skylark of 1937.
Lionel Péan offre une nouvelle jeunesse à Hermitage
Hermitage (Ricardo Levi 1965) est un yawl bermudien qui navigue aux Voiles dans le groupe des Classique Marconi A. « J’ai découvert Hermitage il y a 5 ans, lorsque son propriétaire Jean Luc Fournier l’avait proposé à la Société Nautique de Saint-Tropez pour courir le Trophée du Bailli. J’ai alors monté un équipage féminin pour la Coupe des Dames. On a ainsi découvert le bateau, que j’ai tout de suite aimé et que j’ai affrété pour disputer le Bailli de Suffren en 2018. Puis je l’ai à nouveau loué durant trois ans pour disputer les Voiles. Jean Luc Fournier a décidé de le vendre. J’ai monté un projet financier avec des amis partenaires et nous avons acquis Hermitage. L’objectif est à la fois de bien régater, de le remettre en état avec ses aménagements d’origine. C’est un joli Classique de 22 mètres, simple en gréement yawl marconi. Son histoire est intéressante. Il a été construit par Tecnica à Anzio en Italie, co signé par trois architectes, Renato Levi, Ellingworth et Primrose. Il a été livré en 1965 pour un éditeur Milanais et qui voulait régater. Hermitage fait la course en tête de la Giraglia en 1967. Il a eu un deuxième propriétaire, Américain, dans les années 70, et a fait du cabotage aux Antilles sous le nom de Zora. Il a connu quelques années difficiles ensuite, avec notamment un incendie à bord. Un chantier de Nantucket l’a reconstruit, avec ce joli roof américain très élégant. Un nouveau propriétaire américain le rachète et le nomme Kathleen. Ce riche yankee était ami des Clinton et l’ex Président américain y a séjourné quelques étés. C’est en 2011 qu’il est revenu à un industriel Français que le rebaptise Valtim. Jean Luc Fournier s’y intéresse et se porte acquéreur en 2014. Après une belle restauration coque bôme et mât, Hermitage a navigué en Méditerranée. On va refaire les vernis et travailler sur un aménagement intérieur qui soit confortable à la mer. Objectif, être optimisé en 2023. On va rivaliser avec Lys ou Eugenia IV… »
A noter…
Les 7 goélettes du Trophée Rolex font depuis le début de la semaine le spectacle dans le golfe de Saint-Tropez. Toutes ont une histoire singulière, et des spécificités témoins de l’imagination de plus d’un siècle de génie architectural. En voici les grandes lignes…
Aschanti IV of Vegesack (Gruber 1954). Goélette marconi. Précédents noms : Marie Pierre – Afaneti – Aschanti of Saba
34,80 m, coque acier. Vegesack est un charmant petit port de pêche à la baleine situé au nord de Brême, à l’intérieur des terres, sur la rivière Wesel
Elena of London (Herreshoff 2009) Goélette aurique. Construite en 2009, Elena est une reconstitution méticuleuse du recordman de la course transatlantique de 1928 qui porte le même nom. 55 m. coque acier.
Naema (Mylne 2013) goélette aurique, 41 m, coque acier. Précedent nom : Noelani
Orianda Goélette (Dahlstrom 1937). 26 m. Construite au Danemark pour la famille royale danoise. Construction en chêne.
Puritan Goélette aurique (Alden 1930) 36 m. Coque acier, a servi de patrouilleur pour les gardes cotes US durant la guerre
Shenandoah of Sark Goélette. Goélette aurique à trois mâts (Ferris 1902). 54 m. Coque acier Poids : 300 tonnes!
Viveka (Payne 1929) Goélette marconi à voiles d’étai. 25 m. Il s’agit d’une goélette sans bôme ni voile d’avant à corne et dont l’espace entre le mât avant et le mât principal est rempli par des voiles d’étai de formes diverses. Coque cèdre et d’acajou sur cadre en chêne.
Zoom sur :
Coral Gardeners
Enfant des lagons polynésiens, Titouan Bernicot a un rêve devenu un engagement : sauver les récifs coralliens. En créant Coral Gardeners, ce jeune homme a imaginé une action collaborative pour restaurer les récifs de Moorea, en Polynésie française, et au-delà. Invité du Président Roinson en 2019, il est de retour cette année aux Voiles, plus déterminé que jamais à porter la bonne parole, mais aussi à présenter un premeier bilan de son action, qui a vu le plantion de 25 000 coraux à Mo’Orea, avec une ambition d’1 millions de coraux dans le monde d’ici 2025. « C’est un plaisir de participer à un tel événement comme Les Voiles. Je suis ambassadeur de North Sails et il est important de continuer à sensibiliser le monde de la voile et les amoureux de ces beaux bateaux. Il faut qu’ils prennent conscience de ce qui se passe sous la surface des eaux. Les récifs coralliens sont les poumons de nos océans. Ils disparaissent à vitesse grand V. Notre mission est e les sauver, en repartant du corail et en sensibilisant les nouvelles générations, toute en développant les innovations de demain. »
Ils ont dit :
Georges Korhel, Principal Race Officer
« Nous avons exceptionnellement inversé les départs du jour, les Traditions étant invités à partir dès 11 heures, avant les Moderne programmés eux pour partir à 12 heures 30. La raison est simple, donner aux Classiques plus de chance de faire les parcours dans les conditions de vent faible du jour. Scénario similaire demain ; afin de profiter du meilleur du coup de Mistral attendu, les Classiques débuteront à 10 heures, suivis à 11 heures des Modernes.»
Gilbert Pasqui est aux Voiles….
En visiteur plus qu’éclairé, le fondateur du célèbre chantier naval éponyme, basé dans la darse de Villefranche sur Mer, arpente les quais Tropéziens. Pas un voilier qui n’échappe à son oeil avisé, repérant ici un mât réalisé par ses soins, ici une rénovation effectuée en son chantier, là un espar réparé. « J’ai dû construire l’équivalent de 2 000 mètres de mât en quasiment 60 ans de carrière » murmure-t ‘il. « Et près de 80 bateaux construits, tous en bois bien naturellement. » A 73 ans, Gilbert demeure avant tout un passionné, de mer, de bateaux, de beaux matériaux, et du travail bien fait. Le Chantier Naval Gilbert Pasqui est labellisé « Entreprise du Patrimoine Vivant », et son fondateur est Maitre Artisan en Métiers d’Arts et Chevalier des Arts et des lettres.
Loïck Peyron
Son palmarès est long comme une régate sans vent, avec des victoires tonitruantes sur un nombre invraisemblable de supports différents, en régates ou courses au large. Si la Transat Anglaise en solitaire lui a souri à trois reprises, il lui aura fallu 7 tentatives sur la Route du Rhum pour enfin, en 2014, et après trois abandons, décrocher la timbale Guadeloupéenne. Loïck Peyron se raconte dans « Mes Routes du Rhum », éditions Solar. « Je fais ma première Route du Rhum à 24 ans, avec le plus petit trimaran de la flotte. Ma victoire de 2014 arrive alors qu’elle ne devait plus arriver! Je remplace Armel Le Cléac’h au pied levé, mais j’avais tourné la page de ces grands bateaux en solo. Je doutais de mes réflexes de solitaire, qui m’avaient gardé en vie durant toute ma carrière, depuis ma rencontre avec Mike Birch au début des années 80. Car c’est la conscience du danger qui fait que l’on survie. Le livre raconte toute cette époque, mes premiers bateaux, mes premières transats, Twostar, Québec Saint Malo. Les Routes du Rhum ont marqué toutes sortes de révélations, apparitions de Florence, disparition de Colas, développement des bateaux… Ses scénarios étaient à chaque fois inimaginables. »