Le golfe couleur Mistral !
Comme dans un film en technicolor, les Voiles de Saint-Tropez assemblent tous les ingrédients du bonheur : la mer, le soleil, les sublimes bateaux, et le vent. C’est cette dernière composante qui, pour une fois, versait ce mardi matin un tantinet dans l’excès, contraignant la Direction de Course à garder dans le port de Saint-Tropez l’une des plus belle flotte au monde. 30 noeuds de vent établi dans le golfe, avec des rafales à 50 en bordure… c’est sans hésitation que les 132 voiliers Modernes et les 85 Yachts Classiques sont sagement demeurés à quai, permettant à un public toujours aussi nombreux et curieux, d’admirer au port les sublimes coques des grands et petits yachts classiques. Georges Korhel, et toutes les équipes de la Société Nautique de Saint-Tropez gardent le regard rivé sur les fichiers météos, dans l’attente de l’affaiblissement du Mistral permettant la reprise du grand spectacle des Voiles.
« Shenandoah, J’ai hâte de te voir… »
Le voilier de 54,35 mètres Shenandoah of Sark est incontestablement l’une des stars des Voiles et de la 17ème édition du prestigieux Trophée Rolex. Commandité à l’origine pour le riche banquier américain Charles Fanhestock à l’architecte Theodore Ferris, qui s’est inspiré des lignes de Meteor III, le yacht de l’empereur allemand et roi de Prusse, Wilhelm II, le fabuleux trois mâts construit par le chantier naval Townsend & Downey à New York fut lancé en 1902.
Sauvé de l’abandon par le baron Marcel Bich, il retrouva grâce à lui les eaux de Newport pour les premières campagnes françaises de la Coupe de l’America. Suite à une restauration complète, il porte à peu près sa surface de voile d’origine, soit 2 000 m2 au portant, mais la différence est qu’aujourd’hui certains espars et les têtes de mâts sont renforcées.
Pour fêter son centenaire, son propriétaire de l’époque lui a offert un tour du monde et le bateau est notamment allé saluer le Cap Horn par près de 50 nœuds de vent, au cours d’une extraordinaire croisière dans les canaux de Patagonie.
L’origine de son nom est également savoureuse. Le mot Shenandoah vient de l’amérindien et signifie « La Belle Fille des Étoiles », nom porté par une vallée dans la région dans l’ouest de la Virginie qui fut le théâtre de terribles batailles durant la guerre de sécession américaine. Mais c’est aussi une chanson iconique du répertoire folk Américain. « Shenandoah » était en effet une « sea shanty » de cabestan, une chanson de travail qui accompagnait la besogne des marins, générant un rythme approprié lors des lourdes manœuvres, notamment de cabestan. La chanson Shenandoah apparait sur des recueils dès 1850, mais elle remonterait à l’époque où les trappeurs canadiens français descendaient des grands lacs le long du Missouri au XVIème siècle.
Madcap, l’amusante et sympathique incongruité des Voiles
Les Voiles rassemblent, on le sait, les plus beaux yachts du monde, voiliers témoins d’une plaisance reine, où élégance est performance s’alliaient dans la quête de l’absolue perfection marine. L’édition 2022 du grand rassemblement Tropézien accueille cependant avec grand plaisir une incongruité, une entorse au casting, avec la présence d’un bateau de travail, certes plus que centenaire, certes doté d’un gréement aurique qui rappelle celui des plus fins limiers classiques, mais néanmoins un bateau dont la fonction première n’était ni la régate, ni le plaisir, mais bien le labeur au service des ports. Madcap, c’est son nom, est le plus ancien cotre Pilote encore en état de naviguer. Témoin d’une époque (la marine à voile) et d’un métier (le Pilotage), il ne reste que 18 cotres Pilote au monde. Lancé en 1874 à Cardiff, il passe le plus clair de son existence au large de Bristol, avant d’être rénové et classé Monument Historique, et désormais amarré à La Rochelle. Du vent est annoncé aux Voiles ; qu’à cela ne tienne, lesté de béton et fort de ses 24 tonnes sur la balance, Madcap ne craint ni Eole ni Neptune.
Ketch, cotre, yawl ou goélette
Pour bien « lire » les Voiles, il convient de mémoriser quelques fondamentaux, et distinguer les différents types de gréement qui caractérisent un voilier. Ainsi, on nommera sloop (sloop), un voilier équipé d’un grand mât supportant une grand-voile avec sa bôme et un foc à l’avant. Le cotre (cutter en anglais) dispose lui aussi d’un grand mât, mais de plusieurs voiles d’avant souvent hissées simultanément. Le ketch possède deux mâts, dont un petit positionné à l’arrière, l’artimon. A ne pas confondre avec le yawl, qui dispose lui aussi d’un artimon, mais implanté à l’arrière de l’axe du gouvernail. Une goélette (schooner) porte elle aussi deux mâts, mais le plus petit se trouve à l’avant, le mât de misaine. Une goélette peut aussi porter deux mâts de taille égale. Reste à bien identifier les types de voilure. On dénommera « Marconi », des voiles triangulaires, et « auriques », des voiles trapézoïdales, souvent surmontées d’une plus petite voile, le flèche, que l’on dénomme aussi « corne » dans certaines catégories de voiliers (P Class par exemple).
En Bref :
Report de la Sardinade
Temps fort très attendu, à terre, de tous les marins participants, la Sardinade des Voiles initialement programmée pour ce soir, est reportée à Jeudi 20 heures, Môle Jean Réveille.
« Faut pas rêver » en tournage aux Voiles
La célèbre émission « Faut pas rêver » de France Télévision est en tournage dans le Var, pour une émission spéciale de 110 minutes qui fera naturellement la part belle à Saint-Tropez, sa légende et ses Voiles. La présentatrice Carolina De Salvo et son équipe, parmi lesquels Laurent Desvaux (réalisateur) et Etienne Chopin (Caméraman), vivent l’événement de l’intérieur. Elle sera à bord du cotre classique Khayyam lors des défis de jeudi et narrera par le menu la magie des Voiles de Saint-Tropez. Diffusion en fin d’année, ou début 2023.
NRJ en visio
La radio NRJ Saint-Tropez, et son directeur d’antenne, Patrick Ploix, diffuse sur ses ondes depuis plus de 30 ans la vie de la Nioulargue et des Voiles, dans son émission phare, « Le carré des Voiles », animée par Rémi Pelletier, chaque soir entre 18 et 19 heures durant la quinzaine de l’événement. Grande nouveauté cette année, les fidèles auditeurs pourront désormais voir l’émission en direct puis en différé sur la chaine Youtube NRJ Saint-Tropez. Le studio positionné au coeur du village des Voiles est en effet doté de 5 caméras et d’une régie, pour vivre encore plus intensément les Voiles de l’intérieur.
Ils ont dit :
Georges Korhel, Principal Race Officer
« La décision d’annuler les régates du jour s’est imposée naturellement et avec l’agrément de tous les acteurs. Le Bulletin Météo Spécial en cours résume bien cette situation classique d’un épisode Mistraleux qui balaie le golfe à plus de 30 noeuds. Les bateaux demeurent donc au port aujourd’hui. On attend un sensible affaiblissement du vent demain mercredi pour la reprise des courses. »
Renaud Godard, Président de la commission de jauge du Comité International de la Méditerranée.
Les régates Classique des Voiles se courent sous l’égide et la jauge définie par le Comité International de la Méditerranée (CIM). Depuis 1926, le CIM organise, régule et harmonise les régates de haute mer dans en Méditerranée, mais aussi en Angleterre, avec des projets en Atlantique. « Le CIM s’est doté en 2022 d’une nouvelle direction, et s’est plus que jamais engagé à promouvoir les yachts classiques, à soutenir les courses et les projets de rénovation. Nos règles sont intangibles et définies dans l’esprit affirmé de protéger ces merveilles du patrimoine maritime de toute déviation susceptible de les dénaturer. Ainsi, le carbone est-il proscrit, notamment dans les gréements, ainsi que le plastique dans les coques. Nous intervenons fermement mais aussi dans un esprit de tolérance. Nous comprenons que des bateaux comme Elena sont plus des reconstructions que des rénovations. Nous sommes régulièrement informés par les Associations comme l’AFYT des projets en cours. Nous sommes récemment intervenus sur des bateaux comme Madcap, cotre pilote de 1874 ou Viveka, goélette de 1929 présente aux Voiles. »