Incontestables vainqueurs chacun dans leur catégorie, Charlie Dalin et Charlie Enright ont marqué de leur empreinte les 48 heures Azimut. Suffisamment ventés pour être représentatifs mais pas trop tapageurs à six semaines du départ de la Route du Rhum, ces quelques 500 milles sont pleins d’enseignements.

Apivia et 11th Hour Racing Team au dessus du lot

Et de une, et de deux … et de trois ! Après la Guyader Bermudes 1000 Race et la Vendée Arctique, Charlie Dalin n’a une fois encore, pas fait de détails sur ces 48 heures menées de bout en bout. Toujours intouchable au près, mais plus rapide au portant, le skipper d’Apivia impressionne. Et ses concurrents étaient ce matin unanimes sur sa performance, à l’image de Thomas Ruyant (LinkedOut) et Jérémie Beyou (Charal) qui complètent le podium. L’impression de facilité qui se dégage de sa trace est néanmoins trompeuse, comme l’expliquait le vainqueur en posant le pied sur le ponton au lever du jour : « Je voulais mettre beaucoup de rythme et naviguer comme pour les premières 48 heures d’une Route du Rhum. J’ai multiplié les changements de voile et n’ai quasiment pas dormi ». Engagé, Charlie, et presque trop gourmand lorsqu’au waypoint Azimut 2, le Havrais se retrouve surtoilé dans le vent rendu capricieux par la proximité des monts cantabriques. « Une risée est rentrée, j’ai trop abattu pour rouler le J0 (grand génois NDLR) et fait un beau vrac, quille à contre et safran sorti ! … » Rien de cassé, juste une « erreur » à méditer en vue de courses plus longues…

Trois heures plus tard, l’heure était encore au champagne à Lorient La Base, lorsque 11th Hour Racing Team s’amarrait au ponton. Vainqueur de l’autre classement de ces 48 heures, l’équipage de Charlie Enright a fait encore moins de détail avec plus de trois heures d’avance sur le deuxième Guyot Environnement-Team Europe (Benjamin Dutreux) qui doublait dans la matinée Malizia – Seaexplorer (Boris Herrmann).

Une belle démonstration à moins de quatre mois du départ de The Ocean Race, pas surprenante tant le niveau de préparation d’11th Hour Racing Team est supérieur à ses trois concurrents. Parmi eux, Biotherm jetait malheureusement l’éponge ce matin et rentrait directement à son port d’attache pour réparer un support de winch cassé…

Des bateaux neufs au rendez-vous

C’était la grande inconnue de ce 12e Défi Azimut – Lorient Agglomération. Les six bateaux neufs allaient-ils tenir la cadence ? Si les conditions toniques mais clémentes de ces 48 heures étaient idéales pour une première, force est de reconnaître que la nouvelle génération a impressionné. Trois des cinq nouveaux IMOCA menés en solitaire terminent dans le « top 5 », Initiatives Cœur de Samantha Davies n’étant jamais très loin (7è).
Troisième, Jérémie Beyou se déclarait « heureux d’avoir pu se mêler à la bagarre sans véritable pépin technique » sur Charal. Au tout début de sa courbe de développement, le plan Manuard en a visiblement sous la pédale, « mais se révèle très exigeant en réglage » selon son skipper. Même son de cloche chez Maxime Sorel (V and B – Monbana – Mayenne) toujours dans le coup et Kevin Escoffier (Holcim – PRB), auteur d’une superbe remontée.
Enfin sur Malizia – Seaexplorer, le design atypique voulu par Boris Herrmann a montré qu’il n’était pas handicapant, notamment dans le premier bord de portant où le plan VPLP est longtemps resté au contact du leader 11th Hour Racing Team.

Des bizuths au top !

Pour beaucoup des 28 concurrents, ces 48 heures étaient une première. Certains étaient bizuths de l’IMOCA, comme Tanguy Le Turquais (Lazare) qui réalise une superbe course sur son plan Finot Conq, premier bateau à dérives et 9e au général.

D’autres étrennaient leur bateau en solitaire à l’image de Justine Mettraux (TeamWork). Loin d’être une novice de l’IMOCA puis qu’elle a navigué une saison complète en course avec l’équipe 11th Hour Racing Team, la Suissesse a montré encore une fois sa détermination et sa capacité à performer. Elle termine sixième sur l’ex-Charal, en repassant devant Samantha Davies (Initiatives Cœur) à quelques encablures de la ligne d’arrivée. A l’heure de boucler ces lignes, quatre concurrents étaient encore en mer, prisonniers d’un vent faiblissant, mais témoins aussi de l’écart qui se creuse entre nouvelle et ancienne génération.

Classement des 48h Azimut solo

1. APIVIA (Charlie Dalin) à 6h 48min 50s
2. LinkedOut (Thomas Ruyant) +48min 36s (écart au premier)
3. Charal (Jérémie Beyou) +57min 32s
4. V and B – Monbana – Mayenne (Maxime Sorel) +1h 31min 15s
5. Holcim-PRB (Kevin Escoffier) +1h 44min 23s
6. TeamWork (Justine Mettraux) +2h 19min 38s
7. Initiatives Coeur (Samantha Davies) +2h 21min 22s
8. Fortinet – Best Western (Romain Attanasio) +3h 11min 20s
9. Lazare (Tanguy Le Turquais) +4h 37min 18s
10. Prysmian Group (Giancarlo Pedote) +4h 49min 55s
11. Monnoyeur – Duo for a Job (Benjamin Ferré) +4h 51min 41s
12. Groupe APICIL (Damien Seguin) +4h 57min 25s
13. Hublot (Alan Roura) +4h 58min 21s
14. MACSF (Isabelle Joschke) +4h 59min 20s
15. Fives – Lantana Environnement (Louis Duc) +5h 40min 40s
16. COMMEUNSEULHOMME Powered by ALTAVIA (Eric Bellion) +6h 5min 48s
17. Nexans – Art&Fenêtres (Fabrice Amedeo) +6h 13min 14s
18. Imagine (Conrad Colman) +6h 14min 19s
19. Gentoo Sailing Team (James Harayda) +7h 42min 59s
DMG MORI-Global One (Kojiro Shiraishi) – abandon

Encore en course à 17h30

20. Freelance.com (Guirec Soudée) à 4.4nm de l’arrivée
21. Ollie Heer Ocean Racing (Ollie Heer) +2.3 nm
22. Groupe SÉTIN (Manuel Cousin) +4.9 nm
24. Szabi Racing (Szabolcs Weöres) +22.8 nm

Classement des 48h Azimut The Ocean Race

1. 11th Hour Racing Team (Charlie Enright) à 9h 34min 58s
2. Guyot environnement – Team Europe (Benjamin Dutreux) +3h 10min 2s
2. Malizia – Seaexplorer (Boris Herrmann) +3h 28min 7s
Biotherm (Paul Meilhat) – abandon

Ils ont dit à l’arrivée

Thomas Ruyant (LinkedOut), 2è

« C’était encore une belle manche et une belle bataille sur l’eau avec Charlie et Jérémie. Sur la deuxième partie on a vu APIVIA s’envoler. Mais je suis content, c’est ma première 2e place en IMOCA en solitaire, ça sonne comme une victoire ! Il reste une marge de progression et l’année n’est pas finie…Le bateau marche très bien au portant, c’est l’allure où il y a le moins d’écart. En vitesse pure, on était assez proches tous les trois, mais j’ai pas mal perdu à l’occasion des changements de voile. Ensuite, Charlie va très vite sur les allures de reaching rapide, reaching au près. J’ai essayé des petits décalages qui ont plutôt bien fonctionné sauf face à APIVIA qui est insolent à cette allure (rires). J’ai très peu dormi, 1 heure sur les 48Heures de ce beau parcours. Mais j’adore cet état un peu satellisé de retour de course ! (…) Le bateau est hyper abouti, on peut difficilement faire plus, j’ai une belle machine et une belle équipe, tout ce qu’il faut pour être prêt pour le départ du 6 novembre. J’ai hâte ! »

Jérémie Beyou (Charal), 3è

« L’objectif c’était de finir le parcours sans trop de pépins. J’ai eu quelques mésaventures à bord mais globalement je suis très satisfait, j’espérais me mêler à la bagarre et c’est chose faite. Pour espérer battre Thomas et surtout Charlie il faut être irréprochable, ce n’était pas encore pour aujourd’hui, mais je compte bien rester sur les podiums des prochaines courses. C’était une première course avec ce bateau, il a eu un bon comportement, mais il très sensible aux moindres réglages. J’étais plutôt à l’aise sur certaines allures et je cherchais un peu mes marques sur d’autres. »

Justine Mettraux (TeamWork), 6è

« Ça s’est plutôt bien passé même s’il y a encore beaucoup de choses à revoir et à apprendre. Une très belle bataille ce matin avec Sam, c’était super. Je la voyais revenir petit à petit, elle allait toujours plus vite. J’ai pu m’engager à l’intérieur et j’ai été un peu plus à l’aise au près dans le petit temps, ça m’a permis de garder l’avantage jusqu’à la fin (…) Pendant ces 48h, je n’ai pas fait énormément de changements de voile, c’était important de s’économiser. Moi j’ai choisi un entre-deux, un compromis sur les manœuvres qui coutent souvent très cher. J’étais dans le bon paquet mais je ne rivalise pas encore avec les meilleurs. Le plus important pour moi était de naviguer proprement, de ne pas avoir de soucis avec le bateau et de faire au mieux ce que je maîtrise déjà. »

Tanguy Le Turquais (Lazare), 9e, 1er bizuth, 1er bateau à dérives

« Je venais sans trop d’ambitions pour ma première course en IMOCA et c’était exceptionnel, je me suis régalé. J’ai pris beaucoup de plaisir et j’ai réalisé que l’on pouvait vraiment régater en IMOCA. Il y avait un super match entre les bateaux, foilers et à dérives, que du bonheur ! (…) Il ne s’est pas passé une demi-heure sans que je touche à un bout pour essayer de le faire aller plus vite. J’ai l’impression que je m’en sors avec une compréhension plus fine de ce qu’il peut donner et c’est très satisfaisant.
Je suis un peu ruiné aujourd’hui et je me demande comment je vais faire pour passer trois mois dessus pendant le Vendée Globe ! En tout cas c’est une très bonne étape en amont du Rhum et je sais que je vais pouvoir y faire quelque chose d’intéressant. »
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Benjamin Dutreux (GUYOT environnement-Team Europe), 2è équipage classement The Ocean Race

« On a fait pas mal d’erreurs au début, mais on s’est bien battu pour aller chercher cette 2e place. On a progressé petit à petit, et c’est plutôt agréable. On s’est mis dans le rythme. On apprend à se connaître, on apprend le bateau aussi. En équipage, ce n’est pas forcément plus facile, on peut aussi être à contretemps sur les réglages, mais on s’est bien amélioré. Et dès que le vent est monté, le bateau va bien, on est super content de ça. La petite bataille à la fin avec Malizia, c’était bien sympa aussi.
Ce n’est pas si simple de prendre ses marques, surtout pour moi qui ai plus l’habitude de tout faire tout seul en solitaire. J’essaye d’être partout mais en même temps nulle part à la fois, parce qu’il y a plein de monde sur mon passage. Chacun a besoin de trouver sa place à bord. Cette course m’a permis de faire un apprentissage accéléré de plein de choses, en mettant quelqu’un à la barre. On a notamment essayé beaucoup de réglages avec le pilote, qu’on a nommé Rosy ! Et c’est quelque chose qui va beaucoup me servir en solo. Et tout ce qu’on a dégrossi sur ces 48 heures sera précieux pour The Ocean Race, même s’il nous reste du boulot pour arriver au niveau de 11th Hour Racing Team. »

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