François Gabart, le retour du solitaire
À un peu moins de deux mois du départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe (dimanche 6 novembre), François Gabart poursuit sa préparation à bord du trimaran SVR-Lazartigue. Le skipper retrouve les sensations de la navigation en solitaire, quatre ans après sa dernière course en solo, cette fameuse Route du Rhum 2018 et son épilogue légendaire.
Le cap est fixé sur la Route du Rhum. Dimanche 6 novembre, à Saint-Mâlo, François Gabart sera à la barre du Trimaran SVR-Lazartigue avec le regard déjà tourné vers Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, pour la 12e édition de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Sorti des ateliers de Mer Concept le 5 septembre après une période de chantier d’été entamée le 21 juillet, le Trimaran a retrouvé sa place sur la mer et les océans. Pour le plus grand bonheur de son skipper. « Nous naviguons à nouveau depuis une grosse semaine, confirme François Gabart. Après les périodes de chantier, c’est toujours un plaisir de revenir sur l’eau et de reprendre cette casquette de marin. Le chantier d’été reste un petit chantier même s’il y a eu pas mal d’améliorations par rapport à la première partie de la saison au printemps. Nous avons notamment finalisé toute la partie ergonomique de façon à répondre à toutes les problématiques de la navigation en solitaire. Nous avons aussi remis le bateau à l’eau avec sa nouvelle dérive. C’est un chantier qui avait été lancé l’hiver dernier. Depuis la mise à l’eau il y a un peu plus d’un an (22 juillet 2021), c’est la plus grosse modification sur le bateau avec ce nouvel appendice. Nous allons pouvoir le tester. »
Entraînement avec l’équipe d’Actual
Depuis plusieurs jours, François Gabart a ainsi réalisé des navigations en « faux solitaire ». À bord, deux personnes de l’équipe technique et deux personnes pour réaliser une banque d’images, mais toutes les manœuvres, les réglages et la conduite du bateau furent réalisées par le skipper, en solitaire. Une règle qui sera bien évidemment respectée jusqu’au départ.
La suite du programme est en effet assez simple. « Naviguer au maximum ! Cette semaine, nous allons nous entraîner avec l’équipe d’Actual et Yves Le Blevec. Nous allons ensuite enchaîner des navigations. Tout ce qu’on arrive à faire le plus tôt possible est toujours bon à prendre. On ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi car il reste moins de deux mois avant le départ, mais si des choses doivent casser, mieux vaut que ce soit maintenant que pendant la course ! On essaie donc de solliciter le plus possible le bateau… mais aussi le bonhomme. Ça fait aussi partie de l’entraînement en se mettant dans des situations difficiles pour être capable d’être performant et de bien réagir quand je serai dans la course. »
Encore beaucoup à apprendre du bateau
Même si le Trimaran SVR-Lazartigue a déjà montré son gros potentiel avec sa deuxième place dans la Transat Jacques-Vabre fin 2021 ou encore par le record de la Méditerranée en équipage (13h55’37’’, le 29 mai dernier entre Marseille et Carthage, en Tunisie), beaucoup de travail reste encore au programme. « Nous avons énormément progressé mais nous sommes toujours dans une phase d’apprentissage, confie François. Nous sommes encore loin d’en avoir fait le tour. Nous avons encore plein de choses à apprendre. Ce serait faux de dire que nous avons terminé la phase de fiabilisation du bateau. Nous sommes encore dans la découverte tant dans la connaissance du bateau que dans celui de la performance. Nous allons continuer à progresser dans les jours et les mois qui viennent. Ces phases demandent beaucoup d’énergie mais sont aussi très excitantes car aucune journée ne se ressemble. » Celles qui se profilent s’annoncent particulièrement chargées.
La Route du Rhum : un monument de la course au large
Lancée pour la première fois en 1978, la Route du Rhum relie Saint-Malo à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. La distance de cette transatlantique organisée seulement tous les quatre ans est de 3542 milles (environ 5700 km). Le record est détenu par Francis Joyon (IDEC Sport) en 7 jours 14 heures 21 minutes et 47 secondes, depuis l’édition 2018 remportée avec 7’08’’ d’avance sur François Gabart, alors sur son trimaran MACIF.
Pour cette édition 2022, 138 solitaires prendront le départ dans six catégories : Class 40, Imoca, Ocean Fifty, Rhum Mono, Rhum Multi, Ultim.
Tom Laperche dans la cellule de routage et skipper remplaçant
Récent vainqueur de la Solitaire du Figaro à l’issue d’une dernière étape d’anthologie à bord de Région Bretagne-CMB Performance, Tom Laperche, co-skipper du trimaran SVR-Lazartigue lors de la Transat Jacques-Vabre de l’automne dernier (2e place pour la première compétition du bateau), sera pleinement concerné par la Route du Rhum. Installé le temps de l’épreuve à Concarneau, dans les locaux de MerConcept, le jeune (25 ans) mais déjà expérimenté marin intégrera la cellule de routage au côté de Jean-Yves Bernot, l’habituel météorologue de François Gabart. En cas de problème de santé du skipper, il sera également appelé à prendre le départ.
« Cette année, l’objectif principal de François et du Trimaran SVR-Lazartigue est en solitaire avec la Route du Rhum. Pour moi, c’est génial de découvrir cette facette du routage au côté de Jean-Yves qui est un des meilleurs dans ce domaine et de pouvoir router un des bateaux les plus rapides de la planète. Dans le routage, Jean-Yves a beaucoup d’expérience, je vais beaucoup apprendre et apporter tout ce que je peux avec ma jeunesse et ma connaissance du trimaran car je suis dans ceux qui ont le plus navigué sur le bateau avec François et un ou deux autres de l’équipe. Tout se passe à merveille pour le moment mais ça demande d’être bien concentré, de tout préparer. Il n’y a pas trop le droit à l’erreur avec des projets d’une telle envergure.
La priorité pour le moment c’est de naviguer et de continuer à progresser. Dans mon rôle de skipper remplaçant, voir faire François permet de beaucoup apprendre. C’est un échange. Jusqu’à présent, je n’ai jamais vraiment fait une navigation simplement en observant. En juin et juillet, François ou moi faisions les manœuvres chacun notre tour avec des enchaînements pendant plusieurs heures sur des parcours. L’autre analysait, chronométrait etc. Ensuite on changeait de rôle. J’ai appris plein de choses. Cela m’a aussi permis de me rendre compte que c’était possible de gérer un bateau comme ça tout seul. C’est impressionnant. Il y a deux ans, j’en rêvais encore. C’était difficile de se rendre compte en quoi ça consistait et tout l’engagement physique et psychologique que cela nécessitait. Ces derniers mois ont permis de prendre conscience qu’on en est capable. Ça ne veut pas dire que c’est facile mais il y a un peu moins d’appréhension même s’il y en aura toujours. Car ça reste toujours du domaine de l’extraordinaire de naviguer en solitaire sur des bateaux comme ça. »
« Naviguer en solitaire est un cadeau »
« Ma dernière course en solitaire remonte à la Route du Rhum 2018. J’ai eu en revanche la chance de pas mal naviguer en solitaire les années précédentes avec le cycle Transat Anglaise en 2016 (vainqueur avec MACIF), Tour du monde en 2017 (record en 42 jours 16h40’35’’) et donc Route du Rhum en 2018 (2e). Je suis donc probablement un de ceux qui a le plus navigué en solitaire ces dernières années. Même si c’est notre métier et presque notre spécialité, les occasions sont rares. Malgré cette expérience et ces nombreux milles en Ultim, ça reste un exercice hyper sollicitant. Ça ne sera jamais acquis. On a toujours à progresser. C’est un challenge, extrêmement difficile. Mais c’est passionnant. C’est un challenge à la fois physique et mental. Je ne peux dissocier les deux. C’est ma vision de la recherche de l’excellence et de la performance. Nous avons d’énormes contraintes physiques avec des manœuvres qui nécessitent parfois de tourner les manivelles de longues minutes et parfois même des heures. Nous sommes également privés de sommeil. Nous avons mentalement de grosses responsabilités avec une nécessité d’être concentrés et de gérer des bateaux très complexes et de nombreux paramètres à collecter avec des décisions à prendre en permanence. Mais c’est ça qui est passionnant dans ce métier et que j’adore. Ça reste un privilège extraordinaire de naviguer en solitaire sur ces bateaux. Il faut donc prendre chaque navigation en solitaire comme un cadeau et profiter de pouvoir réaliser un rêve d’enfant. »