Il y a un an, jour pour jour, Quentin Delapierre laissait les JO de Tokyo derrière lui (8e avec Manon Audinet en Nacra17) et se trouvait à Saint-Tropez, presque en spectateur. Aujourd’hui, l’athlète de 30 ans est aux commandes du F50 tricolore au milieu d’une horde de stars de la voile internationale. Un grand saut de 12 mois dans une nouvelle dimension. Et une belle progression sur l’eau qui permet d’espérer de jolies choses ce week-end devant le public français. Interview

Quentin Delapierre, quel regard sur le chemin parcouru entre Saint-Tropez 2021 et Saint-Tropez 2022 ?

« Il y a un an j’étais ici à Saint-Tropez pour accueillir les jeunes du programme Inspire. Aujourd’hui, j’ai des responsabilités au sein du team français. Et je ne boude pas mon plaisir ! En un an, j’ai grandi. J’ai pas mal travaillé pour savoir de quoi j’étais fait en tant qu’athlète et pour remettre des mots sur ce qui fait mes forces : le fait d’être sensible à l’équilibre d’un bateau, de savoir le faire aller vite, aimer jouer avec le vent, ma capacité d’adaptation. Ce sont des notions toutes simples, mais je pense que je les avais un peu oubliées ».

Toutes les équipes ont peu de temps de navigation à bord des F50. Comment fait-on pour progresser dans ce contexte ?

« Tu n’as pas d’autre choix que de trouver des solutions. Sur ce circuit, tu n’as pas d’excuse, ça ne sert à rien de se dire « j’ai moins d’expérience que les autres », car tu ne peux pas naviguer plus pour les rattraper. Les solutions, tu les trouves en réfléchissant, en créant des groupes de travail entre les Sail Grand Prix. Nous avons accès à toutes les données de nos concurrents. On essaye d’être critique envers nos performances, nos trajectoires, la façon dont on travaille sur le bateau et de comparer cela avec ce que font les meilleurs. Tu arrives ainsi à rattraper des mecs qui ont une expérience énorme. Je trouve ça très intéressant, cela permet de voir les choses différemment. Par le passé, j’étais dans la logique « si j’en fais plus que les autres, je serai meilleur » et finalement, parfois, en faisant mieux, on est devant ».

Y a t-il eu une évolution dans ta manière d’aborder la compétition ?

« L’olympisme m’a appris qu’on n’est jamais arrivé. Si j’ai quelques convictions, je me bats tous les jours pour ne pas avoir de certitudes, ce qui n’est pas évident parce que les certitudes, ça rassure. Le fait de rester dans cette ouverture d’esprit, ça me challenge, ça me met par moment en difficulté, mais j’accepte cela et j’ai l’impression de progresser ».

Quel est le paramètre le plus marquant sur les régates de SailGP ?

« C’est qu’il n’y a pas de mauvais ! Sur SailGP, quand tu es dernier, et bien l’avant dernier est vraiment très difficile à doubler. Cela rend les départs déterminants. Or, c’est certainement la phase où il y a le plus de tension. Tu gères un compte à rebours tout en passant du mode archimédien à une phase où le bateau vole sur ses foils, dans une accélération brutale à plus 40 nœuds, avec huit mecs autour morts de faim. Mais il faut en passer par là car concrètement, si tu ne prends pas de risque, tu ne fais pas de belles manches. »

Qu’est-ce qui est le plus grisant ?

« La vitesse au contact. La vitesse, finalement, le corps s’y habitue assez vite. Si tu fais une semaine ventée où tu navigues à 40, 50 nœuds, à la fin de la semaine, tu as apprivoisé la vitesse. Mais 40/50 nœuds avec des mecs autour, ça te met de gros coups d’adrénaline. Nerveusement, ça bouffe énormément d’énergie. Le soir, quand tu rentres, tu es cuit. Il faut faire redescendre la tension nerveuse pour arriver à dormir. Par moment, tu as du mal à redescendre tellement c’est intense ».

A quoi doit-on s’attendre ici à Saint-Tropez ?

« Ça m’a toujours stimulé de régater à domicile ! C’est super d’être ici. On croise des amis, la famille, on est dans notre élément. Comme nous sommes chez nous, tout le monde a envie que nous allions chercher une belle performance, voire une victoire. Le fait qu’on ait envie de gagner n’est même pas une question ! On veut tous gagner. Tout le jeu consiste à savoir comment faire. Il y a de la qualité dans cette équipe. Nous en sommes conscients et nous sommes en train de trouver notre mode de fonctionnement. Nous sommes capables de bien faire, mais nous pouvons encore trébucher. Tout est possible. »

Jeudi : des entraînements dans le vent

Le violent orage qui s’est abattu brièvement la nuit dernière sur la Côte d’Azur a cédé la place à un joli flux d’ouest-nord-ouest. À l’entraînement ce jeudi après-midi, les neuf équipages se sont chauffés sur des essais libres, des départs et de petits parcours dans un vent de 15 à 20 nœuds. Les Français qui ont réalisé quelques belles pointes de vitesse, dont une au-dessus de la barre des 50 nœuds (92 km/h), rentrent satisfaits de leur navigation. Les conditions devraient être similaires demain vendredi pour les régates officielles d’entraînement.

SailGP : un circuit et des exemples inspirants

Ce matin, les “strategist” du bateau français Amélie Riou et Manon Audinet ont échangé avec un groupe de jeunes sportives sélectionnées pour participer au programme Inspire de Saint-Tropez, soit des régates en Waszp et en RS Feva. C’est la vertu de ce dispositif original destiné au jeune public : permettre à des champions en herbe de découvrir l’univers d’un circuit professionnel de très haut niveau, échanger avec les protagonistes de SailGP, s’inspirer de l’exemplarité de leur parcours, récolter des informations utiles pour mener à bien leur carrière sportive débutante. Amélie et Manon ont répondu aux nombreuses questions portant sur leurs préparations olympiques, leurs choix de vie, leur rôle au sein de SailGP, l’organisation de leur planning, le financement de leur saison…

Range Rover France Sail Grand Prix Saint-Tropez, carrefour de personnalités

Max Verstappen et Sergio Pérez ont navigué en début de semaine à bord du F50 américain en compagnie de James Spithill. Les deux pilotes de F1 de l’écurie Oracle Red Bull Racing (également partenaire de Spithill) ont pris la barre du grand catamaran volant et ont fait le plein de sensations fortes.
Cette semaine, la base française est également le lieu de rendez-vous pour des personnalités du monde sportif. Après Florent Manaudou mercredi, l’équipe de France de Kitefoil olympique aujourd’hui, le champion d’apnée Arthur Guérin Boeri et l’ancien international de rugby à XV Cédric Heymans seront en visite demain.

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