Les anciens vainqueurs déclarent leur flamme
Dans 6 mois et un jour précisément, 138 marins s’aligneront au départ de la douzième Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Si cette édition 2022 affole d’ores et déjà les statistiques par le plus grand nombre de solitaires jamais réunis en course, elle va naturellement continuer à offrir à celles et ceux qui la courtisent un feu d’artifice émotionnel. De la communion avec Saint-Malo à compter de l’ouverture du village et jusqu’au départ, à l’explosion festive à l’arrivée en Guadeloupe, en passant par l’exigence d’une traversée de l’Atlantique en solitaire, le « Rhum » va une fois encore distiller sa magie. A 6 mois des retrouvailles entre les navigateurs et leur course, 7 de ses anciens vainqueurs donc 5 tenants du titre décrivent le bonheur d’avoir inscrit leur nom au palmarès.
A l’échelle d’une Route du Rhum – Destination Guadeloupe, ces 6 mois sont teintés de contraste. D’un côté, l’impatience de retrouver Saint-Malo, la Guadeloupe et la ferveur unique et propre à cette course domine. De l’autre, ce cap marque le lancement d’un compte à rebours qui va rappeler à chaque concurrent, à chaque équipe, chaque jour, que le temps de préparation s’amenuise. Si tous, en fonction de leur organisation, de leurs moyens et de la nature de leur projet, ne le vivront pas de la même manière, tous auront un objectif commun : réussir leur Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022 !
Une participation à l’épreuve, à plus forte raison la première, bouleverse inévitablement la vie d’un marin. Une victoire change sa carrière. Cette année, un chiffre va s’imposer, celui des 138 marins au départ qui font battre un premier record à la course. Mais au milieu de cet incroyable collectif, 7 solitaires se distinguent particulièrement pour avoir déjà écrit leur nom au palmarès de la plus célèbre des transatlantiques en solitaire. Tenants du titre comme Francis Joyon (IDEC Sport) en Ultim 32/23, Paul Meilhat (Biotherm) en Imoca, Armel Tripon (Les P’tits Doudous) en Ocean Fifty ou Yoann Richomme (Paprec Arkea) en Class40, ou restés fidèles à la course comme Erwan Le Roux (Koesio) vainqueur en 2014 en Ocean Fifty, Roland Jourdain (We Explore) vainqueur en 2006 et en 2010 en Imoca et Philippe Poupon (Flo) vainqueur en 1986, ils seront sur la ligne de départ le dimanche 6 novembre 2022.
Joyon, Meilhat, Tripon, Richomme, Poupon, Jourdain et Gavignet « accros » au Rhum !
Qu’ils l’aient déjà remporté une, plus rarement deux fois, tous les vainqueurs ont une histoire particulière avec le « Rhum ». A 6 mois du départ de l’édition 2022, 7 anciens vainqueurs décrivent ce qui rend cette course unique et si désirable…
Francis Joyon (IDEC Sport), vainqueur en Ultim 32/23 en 2018 remet cette année son titre en jeu à la barre du même bateau qu’il y a 4 ans ; un maxi-trimaran qui a la particularité d’avoir déjà remporté 3 éditions de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe (2010 – 2014 – 2018) :
« La Route du Rhum est la plus belle des transats, un rêve pour tout navigateur en multicoque. Aucune édition ne se ressemble. On part toujours dans l’inconnu, et cette dimension d’incertitude me plait. J’ai conscience qu’il devient de plus en plus difficile de gagner. La voile, dans toutes ses classes, s’est professionnalisée. Je préserve, avec ma petite équipe, un côté amateur, et le Rhum permet aussi de côtoyer quelques marins atypiques, en Classe Rhum notamment. Cette course comporte suffisamment d’aspects mystérieux pour préserver son côté aventurier. En multicoques, toutes les courses sont dangereuses et cette dimension préserve à mon sens encore un peu le suspens. La Route du Rhum est unique dans sa dureté, ses dépressions automnales capables de lever de fortes mers, et cette voie vers les alizés toujours jouissive en multicoques. Je ne suis pas rassasié. J’ai intact le goût du jeu merveilleux. Je me sens bien, j’ai toujours envie et je crois en ma chance. »
Paul Meilhat (Biotherm), vainqueur de l’édition 2018 en Imoca au terme d’un finish incroyable, revient cette année avec un bateau flambant neuf et toujours autant d’envie de retrouver cette épreuve qui l’a bercé :
« La Route du Rhum a une place dans mes souvenirs d’enfant et particulièrement les victoires de Philippe Poupon et de Laurent Bourgnon. Puis il y a eu le doublé de Bilou en Imoca, un peu plus tard, à l’âge où je commençais la compétition en dériveur. Personnellement, j’ai une relation particulière avec La Route du Rhum car j’ai vu partir l’Imoca « Macif » avant la victoire de François Gabart dans cette classe en 2014. Je savais alors que je récupérerai ce bateau à l’arrivée pour 4 années qui m’ont conduites jusqu’à la victoire en 2018. Depuis, j’ai cherché des partenaires pendant 4 ans et l’histoire redémarre à nouveau avec cette course.
J’adore l’aspect aventure de cette Transat avec le départ chez les corsaires et l’arrivée la plus chaleureuse de toutes les courses au large. D’un point de vue sportif, c’est un format hyper exigeant. Il faut être à fond dès le début et jusqu’à la fin. C’est finalement assez court. »Armel Tripon (Le P’tits Doudous), tenant du titre en Ocean Fifty est de retour cette année pour défendre son titre après une victoire inoubliable en 2018, au sein d’une des classes les plus homogènes du plateau de cette édition 2022 :
« Gagner le Rhum est avant tout le succès d’une équipe, d’un sponsor qui a cru en vous. Lors de ma victoire en 2018, c’était magique de voir l’énergie positive que cela a engendré. J’ai eu le sentiment d’avoir pu mener à bien cette course grâce à une préparation sereine et bien gérée. Je me souviendrais longtemps de ce tour de l’Ile et de l’arrivée complètement dingue. C’était ma première grande victoire !
Alors oui j’aimerais le gagner une nouvelle fois, mais c’est toujours plus dur de gagner à nouveau. C’est ce qui rend les challenges excitants, ce qui fait que l’on se surpasse et que l’alchimie opère ».Yoann Richomme, vainqueur de l’édition 2018 en Class40 est en lice cette année dans cette même catégorie bord de « Paprec Arkea » avant de prendre la barre d’un Imoca construit pour lui, la saison prochaine :
« Au-delà de l’évènement mythique que tout le monde connait, La Route du Rhum – Destination Guadeloupe est une course qui m’a motivé à aller voir ailleurs, vers d’autres circuits que La Solitaire du Figaro. C’est également une épreuve qui a changé ma carrière de marin en la remportant il y a 4 ans. Ça a donné une tournure différente à mon projet sportif. C’est un évènement exceptionnel, un de ceux qui me font rêver. J’ai vraiment hâte d’y retourner. C’était inenvisageable pour moi de ne pas participer à cette édition 2022. Je suis ravi de défendre mon titre ».
Philippe Poupon (Flo) est de ces marins qui ont marqué l’histoire de la course et ouvert la voie à plusieurs générations de coureurs au large. Pour cette édition 2022, celui qui s’est imposé en 1986 revient avec un bateau de légende, en catégorie Rhum Multi : le Pierre 1er de Florence Arthaud dont les images de la victoire en 1990 sont gravées à jamais dans les esprits :
« Remporter La Route du Rhum, c’est un grand moment, une consécration. Une course qui n’a lieu que tous les quatre ans donne encore plus d’importance à la victoire. Après 4 participations, une victoire et une place de second, je reviens, 32 ans plus tard. Cette fois-ci, c’est une circonstance ; la réalisation d’un film sur Florence Arthaud par mon épouse Géraldine Danon et le rachat du bateau Pierre 1er. Une occasion de rendre hommage à Florence ».
Roland Jourdain (We Explore) est l’un des très rares double vainqueurs de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Sacré en Imoca en 2006 et en 2010, « Bilou » revient sur cette course dont il a de belles pages, en cette année 2022. Le 6 novembre prochain, c’est à la barre d’un catamaran construit en fibres de lin et inscrit en Rhum Multi, qu’il prendra le départ :
« Ma première victoire était un véritable tourbillon émotionnel, d’une part parce que c’était un rêve qui devenait réalité, mais aussi parce que cette première place était d’autant plus belle qu’elle posait le point final d’une très belle bagarre avec mes concurrents. J’avais perdu ma quille quelques mois plus tôt sur le Vendée Globe et cette arrivée en Guadeloupe, en vainqueur, était une belle manière de conjurer le sort. Pour ma deuxième victoire, la course avait également été très intense. J’ai le souvenir d’un état de grâce complet, ce qui arrive très rarement. Tout s’est déroulé comme si j’étais en lévitation.
J’avais 14 ans l’année de la première Route du Rhum. L’arrivée de Mike Birch était un moment très fort, une image qui me reste encore. Cette course est une carte postale de l’évolution des bateaux à travers le temps et c’est pour ça que j’avais vraiment envie de revenir cette année, avec mon bateau en lin ! ».Sidney Gavignet s’était adjugé la victoire en Rhum Mono à bord de « Café Joyeux » en 2018. Absent de la liste des inscrits cette année, le navigateur devenu coach sera pourtant bien présent à Saint-Malo, aux côtés d’Alberto Bona (Ibsa), dont il sera le skipper remplaçant, et d’Oren Nataf (Rayon Vert) qu’il accompagne tous les deux dans leur préparation :
« Pour un marin, gagner la Route du Rhum – Destination Guadeloupe est une grande chance… au même titre que de passer le Cap Horn pour la première fois ! Je suis empreint d’une grande reconnaissance à l’égard de l’évènement lui-même. Ce que j’aime le plus dans cette course, ce sont les dix jours avant le départ. Je crois que je pourrais la refaire uniquement pour ça ! Il y a dans cette période quelque chose d’unique ; une pression qui s’empare de tout le monde à commencer par vos proches, vos partenaires et votre équipe. Si on arrive à la maîtriser, à faire ce travail sur soi qui permet de la vivre sans la subir, en restant « spectateur », c’est un délice ».
Rendez-vous dans 6 mois… et quelques jours, pour connaître le nom des marins qui, eux aussi, marqueront de leur victoire l’histoire de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe !