Clap de fin pour le Gitana Team
Le 23 novembre dernier, Franck Cammas et Charles Caudrelier remportaient avec panache la Transat Jacques Vabre dans la catégorie Ultime, ajoutant ainsi une nouvelle victoire au palmarès du Maxi Edmond de Rothschild. Et c’est finalement sur ce sacre martiniquais que s’achève la très belle saison sportive 2021 du Gitana Team. L’écurie fondée par Ariane et Benjamin de Rothschild devait en effet enchaîner avec une nouvelle tentative sur le Trophée Jules Verne, mais un choc avec un OFNI survenu lors du convoyage retour vers l’Europe oblige l’équipe à revoir ses ambitions. Ce record autour du monde, avec la volonté de passer sous la barre mythique des 40 jours, reste un objectif majeur du Team aux cinq flèches, qui fera tout son possible pour l’inclure dans le programme – déjà chargé – des prochaines années.
Pas de Trophée Jules Verne cet hiver
Les chocs avec les OFNI (objets flottants non identifiés) font désormais partie du quotidien des équipes de course au large. C’est un fait ! L’année 2021 des hommes du Maxi Edmond de Rothschild a été jalonnée par ces rencontres fortuites, mettant à mal le programme sportif et pouvant réduire en quelques instants les espoirs des marins comme de leur équipe technique. Courant juillet, tandis que Franck Cammas, Charles Caudrelier et leur équipage du Trophée Jules Verne s’entraînaient sur un grand parcours dans l’Atlantique Nord, un choc avec un OFNI avait fortement endommagé le safran central du trimaran volant. Heureusement un nouvel appendice était alors en fabrication et le Maxi Edmond de Rothschild avait pu rapidement reprendre la mer pour s’imposer début août sur la Rolex Fastnet Race. Fin septembre, nouveau choc et cette fois-ci une avarie sur l’un des foils qui avait fortement contrarié le plan d’entraînement et de préparation des skippers Gitana quelques semaines seulement avant la Transat Jacques Vabre. Une fois encore la mobilisation des techniciens et le savoir-faire du team avait permis au duo d’Edmond de Rothschild de se présenter au Havre avec un bateau au potentiel pleinement retrouvé.
La semaine dernière, après une traversée retour express des Antilles et seulement quelques heures avant de rejoindre les côtes bretonnes, une nouvelle collision est survenue comme nous le racontait Charles Caudrelier : « C’était 36 heures avant l’arrivée, dans le Nord des Açores. J’étais à l’intérieur à la bannette et j’ai entendu un choc avec un bruit assez sec. Mais ce n’était pas monstrueux comme choc et David et Yann sur le pont n’ont d’ailleurs pas vraiment ressenti de ralentissement du bateau. Mais suite à ce choc il y avait un bruit inhabituel au niveau de la dérive qui nous a poussé à contrôler l’appendice. Au début, j’ai pensé que quelque chose s’était coincé au niveau de la dérive et nous avons fait une marche arrière pour le dégager. C’est là que l’on s’est aperçu que nous n’avions plus d’élévateur (aile de raie) au bout de la dérive… et que celle-ci était endommagée. À bord nous disposons pourtant de tous les systèmes existants à ce jour pour prévenir ces chocs… mais ce n’est pas si simple. »
De retour à Lorient vendredi dernier, la dérive a été inspectée et malgré la grande motivation de tous de voir le grand trimaran bleu reprendre le chemin du large pour une nouvelle tentative de record autour du monde, il a fallu se rendre à l’évidence.
« Dans le choc, nous avons perdu l’aile de raie. Nous disposons d’une pièce de spare. Mais en expertisant la dérive en début de semaine nous avons constaté que les dégâts étaient trop importants sur cet appendice avec notamment le barreau structurel touché (structure interne de la dérive en composite) et des semaines de travaux incompressibles pour retrouver une pièce à 100 %, sachant que nous ne disposons pas de dérive de rechange. Avec Pierre Tissier et Sébastien Sainson, nous avons cherché des solutions mais la dérive et son élévateur sont un élément central du Maxi Edmond de Rothschild, là où repose une grande partie des charges sur les phases de vol à hautes vitesses. Il n’est pas sérieux de s’engager dans des travaux approximatifs sur cette zone avec comme ambition un tour du monde à suivre. Nous n’avons pas d’autre choix que d’ajourner notre programme initial même si c’est très frustrant pour toute l’équipe », déclarait Cyril Dardashti, le directeur général de Gitana.
Un transat retour tournée vers le Rhum et un nouveau record au-delà des 50 nœuds !
« C’est une grande déception pour toute l’équipe de ne pas pouvoir tenter à nouveau l’aventure du Trophée Jules Verne cet hiver ! Ce record nous tient vraiment à cœur, d’autant que nous savons qu’aujourd’hui nous avons les cartes en main, avec le bateau et l’équipage, pour aller chercher le temps mythique des 40 jours. Mais ce changement de programme ne doit pas nous faire oublier l’année magnifique que nous venons de vivre avec le Gitana Team et ce bateau. Personnellement, j’ai aussi pu réaliser une transat retour assez exceptionnelle et prendre la dimension du Maxi en solitaire, et me projeter encore un peu plus vers la Route du Rhum », rappelait Charles Caudrelier.
Samedi 27 novembre, cinq jours après leur arrivée victorieuse à Fort-de-France, Charles Caudrelier larguait les amarres pour un convoyage retour aux allures d’entraînement en faux-solo. Pour la première fois, il prenait la mesure du géant sans Franck Cammas à ses côtés ; une expérience très enrichissante : « Les occasions de faire des milles en faux-solo sur le Maxi ne sont pas énormes et cette transat retour a été très vite une évidence. En passant du double au faux-solo tu changes vraiment de dimension, surtout quand ton double s’appelle Franck Cammas ! À bord il apporte tellement… Je n’avais pas vraiment fait de solitaire depuis 2008, 2009 et je voulais voir le rythme que j’étais capable de tenir seul. Les conditions musclées étaient idéales pour l’exercice. Nous avons quand même eu de la mer qui nous a obligé à lever le pied, ce qui démontre que le bateau a encore du potentiel… Il est sain et après ces jours en mer je pense que je serai capable de tenir des moyennes similaires à celle du double dans les longs bords. Pour les manœuvres, c’est autre chose mais c’est de l’entraînement. »
Durant ce retour, le marin s’est même offert deux nouveaux records personnels, à commencer par celui du bateau. La barre des 50 nœuds a en effet été franchie et le Maxi Edmond de Rothschild a été flashé à 50,7 nœuds ! Le deuxième, bien qu’il soit non officiel car non homologué par manque de matériel adéquat embarqué à bord, n’en reste pas moins impressionnant avec 880 milles parcourus en 24h à la vitesse de 36,6 nœuds. Pour mémoire le record officiel détenu par François Gabart depuis 2017 lors de son tour du monde en solitaire est de 850 milles.
« En début d’année certains ont pensé notre programme trop « ambitieux » mais il était clairement réalisable. Maintenant il faut accepter ce coup du sort qui fait partie des aléas que peut comporter notre sport mécanique. Nous avons vécu une très grande année 2021 avec deux magnifiques victoires. Un doublé sur la Rolex Fastnet Race et une démonstration de Franck et Charles sur la Transat Jacques Vabre qui viennent récompenser le travail énorme réalisé par toute l’équipe depuis des années. Ce changement de programme va nous permettre de préparer le Maxi plus tôt que prévu pour la Route du Rhum ce qui ouvrira d’autres possibilités en avant-saison. Et surtout, il est d’ores et déjà acté que le Trophée Jules Verne sera au programme du bateau en fin d’année 2022. La quête de ce record, voler autour du monde, est l’ambition de ce projet depuis son lancement et cela ne change pas ! », concluait Cyril Dardashti.
Dès demain, au petit matin, le Maxi Edmond de Rothschild sera sorti de l’eau pour rejoindre la base technique du Gitana Team à Lorient. Débutera ainsi le chantier d’hiver du maxi-trimaran volant avec dans l’esprit de tous le grand rendez-vous 2022, la légendaire Route du Rhum !