Ce vendredi 12 novembre à 14h02, Pierre Le Roy a franchi la ligne d’arrivée de la seconde manche de la 23e Mini Transat EuroChef (2 700 milles entre Santa Cruz de La Palma et Saint-François en Guadeloupe) avec une grosse dizaine d’heures d’avance sur son poursuivant le plus proche. Troisième à l’issue de premier acte à seulement 1h09 du leader Tanguy Bouroullec, le skipper de TeamWork a fait preuve de panache et de détermination lors de ce deuxième acte en optant pour une trajectoire extrême au sud. Un choix stratégique à la fois audacieux et engagé qui lui a permis aujourd’hui de décrocher une belle victoire d’étape mais aussi la première place au classement général (avant jury). Un succès qu’il dédie à son père. Ses déclarations à chaud.

Vous réalisez le doublé étape – épreuve. Il y a-t-il des moments où vous avez douté ?
« J’ai stressé pendant quatre jours. J’étais convaincu de mon option au sud. J’étais convaincu, et à juste titre, que mes adversaires étaient au nord. J’imaginais que j’allais les aligner tous au fur et à mesure derrière moi mais tant qu’ils ne se recalaient pas, je ne pouvais pas savoir dans quelle mesure ils restaient dangereux. Jusqu’au bout j’ai craint de voir le spi rouge de Fabio (Muzzolini) apparaître au dernier moment, comme lors de la première étape. Je ne voulais pas que ça se reproduise. Je me suis donné comme un fou jusqu’au bout. Même la dernière nuit, j’ai tartiné tout ce que je pouvais. Il n’y avait pas de doute ! Je voulais gagner ! »

En quittant les Canaries, vous étiez trois quasiment à égalité. On savait que cette deuxième étape serait déterminante…

« On avait beaucoup parlé du match en Proto. Il était très attendu. Je suis content parce que ça ne s’est pas joué sur des questions de vitesse. Ça s’est joué sur des choix météo. J’avais mon plan bien en tête. Je me suis basé là-dessus. Je me suis fait confiance. Au départ de La Palma, je m’étais dit que soit je gagnais la course avec panache, soit je cherchais à faire « safe » en m’alignant derrière les trois autres, ce qui n’aurait servi à rien. »

Descendre jusqu’à 12° Nord a considérablement rallongé votre route. C’était un choix hardi mais aussi très engageant. Ça n’a pas dû être si simple à assumer ?

« Je me suis dit que je ne pouvais pas naviguer en jouant la carte de la sécurité. Je ne voulais pas arriver en Guadeloupe en me disant qu’en fait je savais ce qu’il fallait faire et que ne l’avais pas fait. Je ne savais pas où étaient les autres mais j’ai poussé fort au sud. J’ai vraiment attaqué. Ça n’a effectivement pas été si facile, physiquement et psychologiquement. En étant très bas en latitude, j’ai pris plus de sargasses que les autres. J’ai passé 48 heures à me battre contre ces algues. Je n’ai pas dormi pour les enlever, un coup des safrans, un coup de la quille. Je n’ai fait que ça. Je me suis mis dans un état… En bateau je ne m’étais jamais fait mal comme ça. Je me suis fait mal comme jamais. »

Au départ des Sables d’Olonne vous aviez indiqué espérer devenir un meilleur marin en faisait cette Mini Transat. Est-ce le cas ?

« Je ne sais pas mais je suis satisfait de ce que j’ai fait. Je vais parler d’un truc personnel. Je ne le fais jamais d’habitude mais là ça me tient à cœur. Il y deux ans, lors de ma première participation à la course (il avait terminé 5e en Série, ndlr), il y avait mon père à l’arrivée. L’année dernière je lui ai dit que lorsqu’il serait remis de sa maladie, on irait ensemble faire un tour sur le bateau. Il est parti la semaine où j’ai eu la coque. J’ai pensé à lui tout le long, comme jamais avant. Cette victoire, elle est pour lui. Les ressources que j’ai eues sont venues de là. Tout ce que j’ai donné c’était pour lui rendre hommage. »

On imagine que c’est d’autant plus de fierté pour vous…

« C’est en tous les cas comme ça que je voulais que ça se passe. En étant solide sur l’aspect météo et en ne lâchant jamais rien. Je me suis fait mal mais c’est comme ça que je voulais gagner. Je suis content de la manière dont j’ai navigué. Être en mer, j’adore ça. Je ne fais que ça depuis deux ans et j’adore ça. J’espère vraiment continuer à naviguer par la suite. Je suis dingue de la course au large. »

Justement, quelles sont vos envies à présent ?

« J’aimerais bien faire du bateau plus gros avec des ordinateurs à bord pour pouvoir affiner les routages. Ce que l’on fait sur les Mini est un peu artisanal, même si c’est très bien pour apprendre. J’ai plein d’envies. La Route du Rhum, ce serait incroyable, le Vendée Globe plus encore même si c’est une grande marche à franchir. Ce sont des sujets dont je vais discuter avec mes partenaires. J’en profite pour les remercier de m’avoir suivi, d’avoir cru en moi. Je vais essayer de goupiller ça l’année prochaine pour essayer de continuer à naviguer. Je suis tellement bien en mer ! »

Un mot sur votre bateau ?

« Il est incroyable. David Raison a créé un truc remarquable. Le bateau plane en permanence. Dans 15-16 nœuds de vent, il ne fait que voler. Je veux vraiment rendre hommage à son architecte mais aussi à tous les gens qui ont participé à son assemblage. Je pense à ces artisans qui ont des savoir-faire incroyables mais aussi à Cédric Faron qui m’a aidé à tout fusionner. TeamWork n’a été mis à l’eau qu’en février dernier et je m’y suis hyper attaché. C’est une belle histoire écrite ensemble »

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