Ce vendredi 29 octobre à 16 heures (heure de Paris), les 87 concurrents toujours en lice dans la 23e édition de la Mini Transat EuroChef prendront le départ de la deuxième étape de l’épreuve. Ils quitteront alors Santa Cruz de La Palma pour rallier Saint-François, en Guadeloupe, avec un total de 2 700 milles à parcourir. Tous se préparent ainsi à attaquer la traversée de l’Atlantique à proprement parlé, avec pour seules consignes de laisser l’île El Hierro à tribord ainsi qu’un way-point situé par 25° Nord et 30° Ouest et une marque spéciale à Terre de Bas. Côté météo, le scénario se confirme : les conditions vont les contraindre à descendre très sud pour aller chercher des alizés consistants. Elles vont aussi leur imposer des choix stratégiques importants d’entrée de jeu pour s’extraire de l’archipel Canarien. Dans ce contexte, quelques surprises ne sont pas à exclure mais tous les solitaires sont fin prêts pour le grand saut !

Si la première étape entre Les Sables d’Olonne et Santa Cruz de La Palma (1 350 milles) leur a donné un avant-goût de l’exercice, le deuxième tronçon entre l’île canarienne et Saint-François (2 700 milles) va véritablement les mettre dans le bain du grand large. Et pour cause, une fois qu’ils auront laissé derrière eux l’archipel espagnol, les prochaines côtes qu’ils verront seront celles de la Guadeloupe, à moins que les conditions ne les poussent à plonger jusqu’au Cap Vert, ce qui n’est pas à exclure. De fait, non seulement l’anticyclone des Açores a tendance à descendre mais en plus une grosse dépression va circuler à la latitude de Madère en tout début de semaine prochaine et ainsi venir casser les alizés. Pour avoir de la pression, les Ministes n’auront donc d’autres choix que de descendre très bas en latitude avant de voir ces fameux vents de nord-est se reconstruire doucement à partir du mercredi 3 novembre. « Ça va non seulement être un peu plus long que prévu mais aussi et surtout un peu plus stratégique que ce qu’on pouvait imaginer. Ce ne sera clairement pas du tout droit avec quelques empannages ici et là. Dans un premier temps, il va notamment falloir réussir à se sortir au plus vite des Canaries et filer au sud pour avoir de l’air », explique Louis Mayaud (916 – Youkounkoun) qui ne cache pas éprouver quelques appréhensions à la veille du départ de ce deuxième acte. « Je suis plus anxieux avant cette seconde étape qu’au départ de la première. Je pense que c’est lié au fait de partir au grand large, un peu dans l’inconnu. Il faut mentaliser la course sur 20 jours, ce qui n’est pas rien », détaille le Lillois.

L’inconnu devant les étraves

« Je n’arrive pas trop à me rendre compte de ce que l’on va faire. Lors de la première étape, on est resté assez proche des côtes, dans des zones que l’on connait plus ou moins surtout lorsque, comme moi, on a déjà eu l’opportunité de participer à la Les Sables – Les Açores – Les Sables. Là, on part sur un truc totalement inconnu. Dans la tête, les sentiments sont un peu mélangés », confirme Julien Hatin (869 – Les Entreprises du Paysage – Normandie), pas trop sûr de pouvoir mettre les bons mots sur ses émotions. « Je ne sais pas trop ce que je ressens. Il y a forcément beaucoup de stress d’autant que, naturellement, je suis déjà quelqu’un d’un peu angoissé avant un départ de course. Il n’en reste pas moins que j’aime bien la découverte et que ça, ça me stimule. Je sais que je vais voir plein de nouvelles choses, que je vais devoir m’acclimater au large », souligne le Calvadosien dont l’objectif avoué, après une première étape mouvementée en raison de problèmes de batteries, est clairement de prendre un maximum de plaisir sur l’eau. « Si cette fois je pouvais arriver à vivre des moments où le temps s’arrête, où on peut profiter de l’instant simplement, ce serait bien. J’aurais alors réussi mon aventure », ajoute Julien. Réussir à aller au bout et savourer, tel est le pari de la majorité des solitaires de cette 23e Mini Transat EuroChef, même si une poignée d’entre eux affiche avant tout des ambitions sportives fortes ou comptent prendre leur revanche après un premier round pour le moins épique.

Vers des premiers milles délicats

Les uns comme les autres ont toutefois un objectif commun : s’extraire au plus vite des Canaries. La tâche ne s’annonce cependant pas si simple, la faute à de petits airs sur zone (le départ devrait être donné dans un flux de secteur nord-est soufflant entre 5 et 10 nœuds), mais aussi et surtout d’importants dévents, notamment ceux générés par l’île de Tenerife et son fameux Teide culminant à 3 715 mètres d’altitude. « Ces derniers peuvent s’étendre sur plus de 60 milles. Il va donc y avoir de vrais choix stratégiques à opérer dès le début de la course », note Christian Dumard, le consultant météo de l’épreuve. Raser la Gomera ? Contourner largement El Hierro ? Difficile, en l’état, de définir les meilleures trajectoires. Les solitaires devront trancher demain avant de voir le champ des possibles s’ouvrir en encore plus grand ensuite puisque la Direction de course ne leur impose qu’un way-point au milieu de l’Atlantique afin de fermer des routes trop nord en raison du risque accru de dépressions tropicales, puis une marque spéciale à Terre de Bas pour leur éviter de se rapprocher trop près de la pointe des Châteaux particulièrement mal pavée.

Ils ont dit :

Victor Eonnet (525 – Fondation Arthritis – Amiens Naturellement) :

« J’appréhende cette deuxième étape de manière un peu plus apaisée que la première parce que je pense que l’on part dans des conditions météo qui sont beaucoup plus simples. Il va falloir faire preuve d’un peu plus de patience. Pour ma part, j’y vais pour prendre un maximum de plaisir. Je me bats avec les bateaux pointus mais je n’ai pas un objectif de résultat incroyable donc je suis là avant tout pour m’amuser. Evidemment, si je peux faire quelque-chose d’intéressant au niveau de la régate, ça me va bien mais je pars sans pression. On a regardé la météo hier avec Hervé, notre entraîneur du pôle de La Turballe. On sait qu’il va y avoir pas mal de petits coups à faire au début pour choper les bons flux. Il va falloir être bien au taquet lors des 48-72 premières heures de course car si la météo reste comme elle est aujourd’hui, on sait que ça va être compliqué de revenir ensuite. Il va falloir tout donner au début. »

Gaël Ledoux (886 – Haltoflame – Ilots.site) :

« On sait que les Canaries sont des îles très hautes. Qu’il y a des dévents et des effets de site. Il va donc falloir être vif. On sait que les alizés sont au sud. Du coup, le premier qui va arriver au sud va s’échapper. Il va y avoir un petit contest à faire lors des deux-trois premières nuits pour être dans le bon paquet. Le dévent d’une île, c’est à peu près 100 fois sa hauteur. On va être embêté pendant plus de 24 heures, c’est sûr. Il va y avoir une période un peu délicate. Il va y avoir pas mal de trucs à gagner et ça me va bien. J’ai clairement la sensation de ne pas être à ma place parce que j’ai raté la deuxième partie de la première étape. Quand il y a de la régate et du jeu, j’aime bien, quoi qu’il arrive. C’est sûr que si on partait sur un grand bord de reaching où il ne fallait que régler, ce serait moins excitant. Là, il va y avoir plein de trucs à penser. »

François Champion (950 – Porsche Taycan) :

« On part pour traverser, pour faire le grand saut, C’est cool. On va faire un tout droit et essayer d’arriver de l’autre côté le plus rapidement possible. Ça va être un peu mou au début. Il va falloir réussir à se dégager au plus vite de la molle. Ensuite ça va glisser. Lors de ma première participation, lors de la deuxième étape entre Madère et le Brésil, j’étais parti au près jusqu’aux Canaries. Les situations merdiques, je connais donc déjà ! (Rires) En tous les cas, je pars sans appréhension. C’est même bizarre parce que j’ai plus l’impression de partir pour deux ou trois jours de mer plutôt que pour deux semaines. Je pense que ça va bien se passer dans tous les cas surtout qu’après mon résultat sur la première étape, il n’y a plus de pression. Il n’y a plus d’objectifs mais si je peux aller chatouiller un peu les quatre premiers ça peut être pas mal. Malgré tout, je ne me fais plus de plan sur la comète. Je vais m’atteler à naviguer propre et à faire marcher le bateau. Ça va être mes derniers moments avec lui donc j’ai envie d’en profiter au max. Si c’est long, ce n’est pas grave, bien au contraire ! ».

Antoine Bos (825 – Rhino) :

« Avec cette deuxième étape, ça devient sérieux. On s’est préparé pour ça et j’ai hâte de me retrouver en mer. Les conditions ne sont jamais celles que l’on veut ou celles que l’on attend mais c’est le jeu, c’est toujours comme ça en bateau. Il va vraiment falloir être très concentré et vraiment dessus les trois-quatre premiers jours pour ne pas se laisser distancer et essayer d’attraper le vent le plus tôt possible. Après, une fois que l’on aura retrouvé un flux plus établit ça devrait être plutôt calme une petite semaine. Je pars dans l’optique de vraiment me faire plaisir. Le but, à l’arrivée, c’est que je sois content de ma traversée, classement ou pas classement. Je compte garder un peu l’esprit de compétition pour me motiver mais pas pour que ça me gâche le plaisir d’être sur l’eau. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre et j’avoue que je ne me suis pas trop imaginé le truc comme ça je suis sûr de ne pas être déçu. Si l’arrivée en Guadeloupe est encore plus dingue que celle qu’on a eue ici alors ce sera génial. Pour le reste, on aura ce qu’on aura. C’est l’aventure quoi ! »

Sophie Monnier (942 – Gustave Roussy) :

« Sur la première étape on avait toujours la côte pas trop loin. Là, sur la seconde, on ne va plus rien avoir. Je pars malgré tout assez sereine. On part, pour beaucoup, dans l’inconnu. On va donc découvrir au fur et à mesure. Le temps le plus long que j’ai passé en mer aujourd’hui reste ma qualif’. C’était 7 jours et là je me prépare à ce que ça dure autour de 20 jours. Ça va donc être complètement différent. Pour le moment, je n’ai pas encore fait trop de portant avec plein de vent. J’ai hâte mais je vais devoir patienter un peu. Je sais qu’on aura ce qu’il faut. Dans un premier temps, il va falloir faire des choix stratégiques. Des choix qui ne seront pas faciles à faire tout seul. Ce sera marrant de voir ce que ça donne aux premiers classements, enfin si je les écoute car sur la première étape, il est arrivé que ça me mine un peu le moral de les entendre (rires) ! »

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