Premiers milles, déjà l’heure des choix
Les 34 concurrents de La Solitaire du Figaro viennent de s’élancer ce dimanche, pour la quatrième et ultime étape de la course : 685 milles entre la Baie de Morlaix et Saint-Nazaire avec comme seule marque de passage le fameux phare du Fastnet, au sud de l’Irlande.
Météo encore une fois incertaine, parcours totalement ouvert, flotte homogène, options à prendre dès ce soir, la plus longue épreuve de cette 52e édition, celle qui sacrera le vainqueur, est l’étape de tous les possibles.
Les concurrents, qui ont déjà parcouru plus 1700 milles de navigation (soit 2.550 km) depuis le début de l’épreuve, s’attaquent aujourd’hui au dernier tronçon et non des moindres. Cette nouvelle manche de 685 milles entre la Baie de Morlaix et Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, est la plus longue des étapes disputées jusqu’ici ! La plus longue pour le nombre de milles parcourus mais aussi, probablement, la plus longue en nombre de jours de navigation attendus.
La météo est encore incertaine, les fichiers ont du mal à s’accorder : il va falloir prendre des décisions stratégiques et, ce, dès ce soir : « Dès la cardinale Astan, à la fin du parcours côtier, il faudra faire un choix par rapport au passage des îles Scilly, qu’on pourra passer selon la météo au nord ou au sud » détaille Damien Cloarec (Saferail). « Après, la montée vers le Fastnet se fera au portant. C’est cool mais, suivant le timing d’arrivée au Fastnet mardi matin, on peut se faire rattraper par une dorsale anticyclonique. Si on est lent et qu’on se retrouve dedans, là vous allez devoir nous attendre à Saint-Nazaire ! Une chose est sûre : sur cette étape, il va y avoir du jeu ! »
Jeanne Grégoire, directrice de Finistère Pôle course au large confirme : « Les marins sont déjà bien fatigués par cette Solitaire qui est juste extraordinaire parce que le parcours sportif est superbe. En même temps, cette dernière étape est pleine d’incertitudes. C’est forcément excitant pour ceux qui sont derrière, parce qu’on se dit qu’il y a des choses à faire, et un peu stressant pour ceux qui sont devant. »
Stratégies et projections
Oui cette étape est celle de tous les possibles. Les leaders vont devoir se positionner : naviguer propre tout en gardant à l’œil leurs plus proches adversaires ou essayer d’accentuer leur avance ; de son côté, la jeune génération, enthousiaste, va tout tenter.
Xavier Macaire (Groupe SNEF), second au classement général provisoire, souhaite défendre sa place : « Mon objectif est de maintenir ce classement. Je ne veux pas redescendre de ce podium. Je me laisse évidemment l’opportunité d’aller chercher la première place si l’occasion se présente ; si j’ai un feeling sur une option, un coup à jouer, je le tenterai bien sûr. Mais ma philosophie pour cette quatrième étape n’est pas de prendre des risques, de tenter des coups du diable pour gagner à tout prix. »
Le leader Pierre Quiroga (Skipper Macif 2019) sait que ce peut être, pour lui, l’étape de tous les dangers, lui qui a tout à perdre et aussi, surtout, tout à gagner. Une position de chassé qui peut finalement être inconfortable pour le sudiste qui s’avouait, ce matin, un peu stressé : « Ce qui est dingue c’est que la victoire sur cette Solitaire – qui est hyper longue et hyper dure – sacrera un magnifique vainqueur, que ce soit moi ou pas. Aujourd’hui, chacun a ses doutes, ses convictions quant aux écarts en temps au classement général provisoire. Chacun joue avec ses cartes, il faudra trouver un atout. Je ne suis pas le seul à stresser et à douter. Il faut être humble sur cette étape dans ce genre de conditions, où il y aura peu de vent, du courant, des systèmes météo à traverser. Je pense que la clé, c’est de s’amuser, et depuis le début, je me suis éclaté sur cette Solitaire. »
La jeune génération, elle, est prête à tout donner : « Je suis très contente de pouvoir prendre le départ de cette quatrième étape », explique Charlotte Yven (Team Vendée Formation). « Ce n’est que du bonus ! Je vais me faire plaisir, je vais attaquer, je n’ai pas dit mon dernier mot. Je ne vais pas me laisser faire. Je prends de l’expérience, j’ai envie de me faire plaisir, de tout donner, de faire une belle course, de naviguer proprement et, pourquoi pas, refaire une belle manche. Mais je ne me mets pas trop de pression. »
Pep Costa (Cybèle vacances – Team to play B) du haut de ses 22 ans est, lui aussi « à fond ! C’est la première fois que je participe à La Solitaire du Figaro mais ça ne va pas m’empêcher d’attaquer ».
Enfin, pour certains, l’étape a déjà une saveur particulière à l’instar de Tanguy Le Turquais (Quéguiner – Innovéo) qui quittera le circuit Figaro Bénéteau après cette ultime manche : »Je sais que c’est ma dernière. J’ai envie d’aller prendre du plaisir, oublier tout ce qui s’est passé avant et la vivre comme une seule et unique étape. De toute façon, elle va être longue et très ouverte, il faudra trouver vite du plaisir pour être bien en mer jusqu’à la fin. Je vais essayer de plus profiter du moment mais le plaisir, pour nous tous, vient par la performance. Il faudra essayer d’être bon, c’est ça qui va procurer du plaisir. »
Bon départ en Baie de Morlaix
Le départ a donc été donné cet après-midi entre Trégor et Léon, en Baie de Morlaix, pour un parcours d’environ 8 milles disputé dans des conditions idéales vent de nord/est d’une dizaine de nœuds.
Corentin Horeau (Mutuelle Bleue pour l’Institut Curie) prend le meilleur départ, premier à la bouée de dégagement puis à la bouée de la Baie de Morlaix située au pied de la Chapelle Sainte-Barbe. Pierre Leboucher (GUYOT Environnement – Ruban Rose) et Charlotte Yven (Team Vendée Formation) lui emboîtent le pas, pressés par une flotte compacte…
Les 34 solitaires viennent donc de s’élancer pour un long parcours, sur lequel on pourra peut-être voir se dessiner les premières options stratégiques demain, dans la matinée, au passage des îles Scilly.