Le goût du risque
En fin de matinée, ce lundi, la flotte naviguait de manière très compacte le long des côtes anglaises avant que ne se pose le drastique questionnement du contournement du DST* Les Casquets : Garder un cap Nord, en longeant les côtes anglaises et tenter de tirer partie du courant mais naviguer dans des vents plus faibles
Ou contourner le DST par le Sud en allongeant la route mais en tablant sur un courant favorable et surtout un vent plus soutenu.
Sept marins ont fait le choix de l’audace. Francesca Clapcich (State Street Marathon Sailing), la skipper italo-américaine est la première à déclencher les hostilités, bientôt suivie par Tanguy Le Turquais (Quéguiner-Innoveo), Pep Costa (Cybele Vacances – Team Play To B), Charlotte Yven (Team Vendée Formation), Arthur Hubert (MonAtoutEnergie.fr), Marc Mallaret (CTB – Contrôles Techniques Bateaux) et Alexis Thomas (La Charente Maritime).
Un choix assumé par Arthur Hubert (MonAtoutEnergie.fr) qui déclarait ce matin « la nuit dernière c’était dur mentalement. Les autres sont allés vite et ils sont passés devant. On va se refaire, c’est sûr. Je vais suivre le routage pour me mettre en confiance. Je vais vers la presqu’île du Cotentin, profiter du courant et d’un vent plus fort. »
Effectivement en choisissant cette route, les 7 mercenaires étaient sûrs de toucher plus de pression : jusqu’à 2 nœuds de vent en plus. Plus de vent et aussi moins de manœuvres en perspective : un seul empannage pour les sudistes versus une bonne dizaine pour les nordistes. De quoi rester un peu plus frais pour la suite de la course.
Pourtant il leur a aussi fallu « rester dessus » comme on dit, pour essayer de compenser la distance supplémentaire qu’impliquait ce choix : pas moins de 14 milles, un monde quand on parle de Figaro !
Les leaders du classement général, eux, ont tous choisi de rester au nord du DST des Casquets. Un choix parfois drastique pour les marins comme l’expliquait Pierre Leboucher (GUYOT Environnement – Ruban Rose) : « Je voulais passer au Sud du DST mais je n’avais pas envie d’y aller tout seul. Corentin (Horeau) et Eric (Peron) semblaient vouloir y aller aussi, mais finalement ils ont choisi les côtes anglaises ». Pierre s’est rangé à leur choix ce qui lui a plutôt réussi puisqu’il pointe actuellement à la deuxième place du classement, juste derrière Xavier Macaire (Groupe SNEF).
Fin du suspens en soirée
Il importe maintenant de savoir qui a fait le meilleur choix ! La réponse ne saurait tarder puisque les routes des deux groupes devraient converger en tout début de soirée. Les nordistes pourraient bénéficier d’un infime avantage, mais à l’heure où nous publions la messe n’est pas encore dite.
Les 34 concurrents vont pouvoir alors pointer leurs étraves vers Land’s End la pointe occidentale des Cornouailles et la marque Carn Base qu’ils devraient franchir demain matin. Le vent va rester établi entre 9 et 12 nœuds de secteur est/nord-est, se renforçant progressivement dans la nuit jusqu’à une vingtaine de nœuds au passage de la marque, indiquait la direction de course, tout à l’heure : la promesse de longs bords de spis pour la nuit à venir. Il leur faudra aussi rester attentifs au trafic maritime, toujours dense dans ce secteur.
Mal récompensée de sa bravoure tactique, Francesca Clapcich a dû plonger en fin d’après-midi pour dégager un filet coincé dans sa quille qu’elle trainait depuis 4 à 5 heures. Le bateau est complètement libéré et Francesca a pu reprendre sa course. « Tout va bien à bord », nous confirmait la direction de course il y a quelques minutes.
*DST : dispositif de séparation du trafic. Ces zones matérialisées en rouge sur la cartographie, sont interdites à la navigation pour les skippers.
Il a dit :
Tom Laperche (Bretagne – CMB Performance) :
« Ça se passe bien, les conditions sont hyper agréables, la mer est plate. Depuis le début de La Solitaire, nous n’avons pas eu un temps calme comme ça. Il commence à faire bien chaud, ça me fait penser aux Antilles le mois de mai dernier ! Je suis quasiment le plus sud le long du DST des Casquets. Pour l’instant, c’est pas mal. C’était un choix pris en amont car on sait que le long des côtes anglaises en ce moment, il y a des effets thermiques et des effets de chaleur qui font faiblir le vent, donc plus on est au milieu de la Manche, mieux c’est. Il reste encore 120 milles jusqu’à Land’s End, la route est longue. Normalement le vent doit rentrer, on va pouvoir faire de la route sous spi. Les conditions sont assez stables au niveau des réglages et je suis satisfait. J’avais pas mal regardé l’AIS ce matin et là j’ai fait mon bord tout seul et c’est pas mal. Je suis en forme, j’ai dormi un peu cette nuit. Donc tout va bien ! «