Leyton épate, Primonial démâte
Chose promise, chose due. En dépit du démâtage de Primonial qui a jeté un froid à l’entame de cette journée de régates, le programme déroulé par le Pro Sailing Tour a tenu toutes ses promesses en rade de Brest tout au long des cinq manches disputées ce samedi. Dans un vent d’ouest, sud-ouest fraichissant légèrement au fil des heures pour souffler jusqu’à 18-20 nœuds dans l’après-midi sur une mer plate, il n’en fallait pas plus pour que les cinq Ocean Fifty réunis sur ce stade nautique fassent une belle démonstration de leur potentiel spectaculaire. En termes de résultats, les honneurs du jour reviennent de droit à Leyton mené par Sam Goodchild et ses quatre équipiers qui ont fait une belle démonstration de l’art de jouer des risées. Vainqueur de quatre manches sur les cinq disputées, il prend les devants dans le classement de ce premier épisode.
Tout est bien parti ce samedi matin sur la rade de Brest qu’a rejoint dès le début de la matinée la flotte des six Ocean Fifty sur les rangs du Pro Sailing Tour. Sur zone, un vent de 15 nœuds donne le tempo. À 9h45, au plus près des côtes devant Plougastel-Daoulas, le top départ est donné à cette flotte pressée d’en découdre, au point que Leyton (Sam Goodchild) trop prompt à s’élancer coupe la ligne prématurément et doit réparer dans la foulée. La compétition prend d’entrée de jeu tous ses droits, mais c’est sans compter avec le démâtage qui survient comme un coup de théâtre à bord de Primonial (Sébastien Rogues).
Coup de théâtre au coup d’envoi
Le coup est dur, mais plus de peur que de mal pour Sébastien Rogues et ses quatre équipiers qui ont vu l’espar de plus de 20 mètres de haut se casser 1,50 mètre au dessus de son pied dans ces conditions plutôt clémentes, marquées néanmoins par des bonnes claques à 25 nœuds. Aucun blessé n’est à déplorer dans cette fortune de mer. « On a eu une avarie majeure, le mât s’est cassé en deux parties. On a sécurisé l’ensemble du bateau. On tient à tous vous rassurer. On ne déplore que des dommages matériels, rien d’humain », déclare Sébastien Rogues depuis le cockpit de son trimaran blessé qui reconnaît aussi qu’il est encore trop tôt pour déterminer les raisons de la casse de ce nouveau mât.
Pour les autres la course est bien lancée. Arkema 4 (Quentin Vlamynck) mène le bal tout au long de ce côtier d’ouverture. Il est suivi par Solidaires En Peloton-ARSEP (Thibaut Vauchel-Camus) dans le coup d’entrée de jeu, visiblement animé par l’envie de vite effacer le souvenir d’un Défi « Tout commence en Finistère » sous le signe des déconvenues. « On a pris un départ assez moyen mais on a pu jouer un placement sur un virement qui s’est bien concrétisé. Mais pour moi, le plus marquant sur cette manche, c’est le démâtage de Primonial. On était à peine 100 mètres de lui. Quand on voit son copain-concurrent la tête dans les mains, on n’a plus trop l’esprit à la compétition. On a néanmoins réussi à se replonger dans la course et c’est une bonne chose de marquer quelques points sur la première régate de cette longue journée », confie le skipper du bateau aux couleurs de la lutte contre la sclérose en plaques.
Leyton fait son festival, Coville se régale
Sur le plan d’eau, le ton est donné avec des croisements aux bouées très animés. Ça régate à tous les étages, et les Ocean Fifty qui n’ont pas besoin de beaucoup de vent pour faire le show sur un flotteur déjaugent à la moindre risée. Moins de deux heures après le premier départ, c’est reparti pour un tour, ou plutôt une succession de tours sur une série de parcours construits entre quatre bouées dont les départs, comme promis, se succèdent à un rythme soutenu en rade de Brest. Ce format court et intense sourit à l’équipage de Sam Goodchild sur Leyton. À bord, le plus français des skippers britanniques est bien entouré par la jeune Suissesse Laurane Mettraux et Thomas Coville, dont la réputation n’est plus à faire dans le petit monde du multicoque océanique. Cette grande figure du large qui découvre le support du Pro Sailing Tour apprécie à sa juste valeur le niveau sportif réuni sur ce nouveau circuit. « Je n’avais jamais navigué en compétition en Ocean Fifty. Cette rade de Brest est tellement belle dans les conditions qu’on a eues aujourd’hui. La flotte est très homogène. On sent que chaque bateau s’inscrit dans une logique de progression pour tirer son épingle du jeu. De notre côté, on a misé sur la simplicité et l’efficacité. Ce circuit, c’est la bonne alchimie entre une jauge bien encadrée autour de bateaux à taille humaine, qui laisse la place à des jeunes skippers, comme Sam, qui peuvent vite prendre leurs marques à bord de bateaux polyvalents. J’aurais trente ans aujourd’hui, je ferais de l’Ocean Fifty ! » lâche ce skipper, qui ne cache pas s’être régalé tout au long de cette journée dans son nouveau rôle d’équipier.
Petite frayeur à bord de GCA-1001 sourires
Aujourd’hui, au-delà du festival Leyton, impérial sur les parcours construits du jour, la bonne surprise vient de GCA-1001 sourires de Gilles Lamiré. Habitué du circuit, le Malouin connu pour son bon sens marin et sa faculté à briller au grand large s’est donné cette année les moyens de bien figurer sur les petits parcours très techniques qui constituent le nerf de la guerre sur les épisodes du Pro Sailing Tour. Dans cet objectif, il s’est entouré d’équipiers qui maitrisent tout l’art tactique du match racing. « La palette de qualités qu’il faut réunir pour performer sur ce format de régate est assez vaste. La présence à mes côtés de ces compétiteurs spécialistes des petits parcours me permet d’être dans le match, au contact. On voit bien qu’on n’a pas le droit à l’erreur dans l’exécution des manœuvres. La moindre bêtise se paye cash », confie entre deux manches le skipper qui a su tirer le meilleur de son bateau de neuf ans d’âge réputé pour sa légèreté. Auteur d’un très bon départ sur la cinquième régate du jour, l’équipage de GCA-1001 sourires a malheureusement dû renoncer à poursuivre. Un équipier, Devan Le Bihan s’est en effet blessé à l’arcade sourcilière après un choc avec la bôme. Pris en charge par les pompiers à son arrivée au port, il pourrait néanmoins être présent demain pour disputer la suite et fin de cet épisode brestois. Le top départ sera donné dès 9 heures dans un vent qui risque de franchement se renforcer dans l’après-midi. Affaire à suivre en direct sur le site de l’événement…
Paroles d’invités d’un jour
Jean-Luc Denéchau, Président de la FFVoile :
« J’ai pu admirer le magnifique spectacle offert aujourd’hui en rade de Brest. La classe se structure vraiment autour de ce nouveau circuit qui offre une belle visibilité pour des partenaires. Du côté de la fédération, le principal intérêt se trouve dans l’intégration des jeunes et des femmes que ce type d’événement peut favoriser. Cette magnifique classe prend de l’importance, elle est en passe de trouver la place qu’elle mérite dans la voile professionnelle. Les régates in-shore et l’unité de lieu qu’elle propose permettent aussi aux villes d’accueil d’avoir des animations qui valorisent leur territoire et leur identité maritime en marge du côté sportif. »
Eric Bourgeois, embarqué à bord de Solidaires en Peloton-ARSEP, directeur du développement du groupe B & B Hotels :
« C’est très, très impressionnant de vivre de l’intérieur l’exécution des manœuvres et la prise de décision stratégique. Sur un départ, tout est millimétré à la seconde près. Toute le monde est aux aguets, extrêmement concentré. On ne se rend pas compte de cette intensité quand on suit ça sur des écrans. J’ai une chance unique d’avoir vécu une telle expérience. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le travail d’équipe qui se met en œuvre dans un timing ultra précis. On voit que chacun est très concentré dans sa tâche toute en étant en permanence dans l’anticipation pour donner des indications au barreur. Le tout se passe dans le calme quelque soit la situation. En course, il n’y a jamais un mot plus haut que l’autre. C’est passionnant et je suis sûre qu’il y a plein d’enseignements à tirer en termes de management ».