Déjà sur le pont pour la suite…
Un peu plus d’un mois s’est écoulé depuis que Charlie Dalin a ouvert le bal des arrivées du Vendée Globe, le 27 janvier dernier, en amenant à bon port l’Imoca APIVIA à l’issue d’une giration planétaire menée au meilleur niveau de performance. Au terme de cette folle odyssée qui lui a permis de réaliser son rêve de tour du monde avec une magnifique deuxième place au classement général à la clé, la vie de terrien reprend petit à petit ses droits pour ce marin perfectionniste qui a vécu au rythme et au tempo de son bateau tout au long des 80 jours d’une course d’une intensité de tous les instants. De retour sur le plancher des vaches, une longue période de récupération physique commence dans la perspective de la saison 2021 qui se disputera sous le signe de la navigation en double avec la Transat Jacques Vabre et l’objectif affiché d’aller chercher le doublé sur cette course remportée en 2019. Pour l’Imoca APIVIA, place aussi à un repos bien mérité au chantier où Charlie et son équipe s’affairent pour continuer de le faire évoluer, et répondre à ce défi d’envergure…
Comment se passe ton retour à terre ?
« Je commence doucement mais sûrement à bien récupérer. J’ai retrouvé un rythme de sommeil normal assez rapidement. Mes nuits ne sont pas perturbées et je ne rêve pas que je suis sur le bateau. Les premiers jours, j’ai clairement tenu sur l’adrénaline de l’arrivée. Je n’ai finalement pas beaucoup senti la fatigue ; qui m’est en revanche tombée dessus assez brutalement une semaine après l’arrivée. Durant les premiers jours, j’avais un niveau d’énergie en dents de scie, avec des coups de pompe qui venaient sans prévenir. Je suis de nouveau de retour au chantier où APIVIA est rentré depuis environ deux semaines. J’y vais quasiment tous les jours. La semaine dernière, j’ai repris un peu l’entraînement physique avec le Pôle Finistère Course au Large. Mais j’y vais en douceur, je fais attention de ne pas trop monter en intensité pour l’instant. J’ai aussi commencé à débriefer sur les différents aspects de la course, notamment sur la partie technique et sur le sommeil. Sur les trois premières semaines de course, je portais une montre connectée qu’on a envoyée au laboratoire du sommeil de l’Hôtel Dieu, à Paris où elle est en cours d’analyse. J’attends aussi le retour du docteur François Duforez sur les phénomènes que j’ai pu observer, comme lors des phases d’endormissement. Il reste les questions du mental, que je n’ai pas encore vraiment abordée, et celle de la nutrition. La vie terrienne reprend son cours. Je profite de plein de petits plaisirs, comme celui de prendre une douche chaude tous les jours ou celui d’avoir une alimentation plus variée avec des fruits et des légumes. Et surtout je passe du temps en famille pour rattraper mes trois mois d’absence. Je dois avouer que je n’ai pas vu passer ce premier mois à terre après l’arrivée. Et je n’ai pas encore pris de vacances, je prendrai une petite semaine très prochainement… Mais ce sera court, parce que je suis déjà sur le pont pour la suite ! »
En quoi consiste le chantier d’APIVIA ?
« On a d’abord listé tous les problèmes que j’ai pu avoir sur le plan technique. On a bien sûr étudié de très près la question de la cale de foil pour bien comprendre cette avarie qui a bien failli compromettre mon Vendée Globe. On va l’installer autrement dans le puits, et on va en augmenter les coefficients de sécurité pour ne plus être confronté à ce problème qui nous a peu surpris. Toute la coque a été passée aux ultra-sons, on n’a pas découvert de loup, rien de majeur. On n’a donc pas de gros dossiers « réparations » à faire au niveau de la structure, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Cinq techniciens travaillent actuellement sur le démontage complet d’APIVIA. Tout y passe : l’accastillage, les winchs, le système de quille pendulaire… Toutes ces pièces vont partir en révision chez leurs fabricants. Même le moteur qui sert à rentrer et sortir du port et que j’utilise en course pour recharger les batteries du bord fait l’objet d’un contrôle approfondi et méticuleux. Les foils et la quille sont également inspectés et révisés avant d’être remontés. La « job list » est longue. Au-delà de cette grande révision, on va continuer de faire progresser APIVIA, de le fiabiliser et de l’optimiser pour gagner en performance. On va effectuer des mises à jour à tous les niveaux afin de l’adapter au cahier des charges de cette saison, et à la façon dont on navigue en double et sur une transatlantique, ce qui est un peu différent d’un tour du monde en solitaire. On prévoit de remettre à l’eau APIVIA au mois de mai. Le mois de juin sera réservé à un programme de sorties pour faire naviguer pas mal de monde. »
Comment abordes-tu cette saison 2021 ?
« Le gros objectif de l’année, c’est la Transat Jacques Vabre sur laquelle je remets mon titre en jeu. Cette transat en double qui part du Havre, où j’ai grandi, a forcément pour moi une saveur particulière. Elle occupe aussi une place à part pour APIVIA, puisque cela reste la première course disputée à bord de ce bateau, avec une victoire à l’arrivée. Elle est au début de l’histoire et assez symbolique. Pour cette édition 2021, dans le prolongement de ce Vendée Globe, on s’attend à voir rassembler un plateau de très haut niveau avec des bons bateaux. Elle s’annonce donc très relevée sportivement, le temps d’un sprint Atlantique d’une durée d’environ deux semaines, avec la garantie de devoir pousser les bateaux au maximum de leur potentiel. Avant cette échéance, on disputera – en double – deux classiques : la course du Fastnet au mois d’août, et le Défi Azimut en septembre, à Lorient. »
En sais-tu un peu plus aujourd’hui sur ce que le Vendée Globe t’a apporté ?
« Je disais à l’arrivée que cette course m’avait changé, mais je ne sais pas encore comment. C’est encore trop proche, il faut vraiment attendre que les choses retombent un peu plus pour mesurer la manière selon laquelle ce tour du monde m’a impacté. Finalement ces dernières années, alors que je suis plutôt cartésien, je me suis beaucoup fié à mon instinct dans ma façon de naviguer, et je pense avoir trouvé aujourd’hui le bon équilibre. Après tant de temps passé en mer, après avoir vécu autant de situations, je pense avoir développé inconsciemment un instinct plus développé. Avant 2020, je n’avais jamais fait de course en solitaire en IMOCA, forcément ma marge d’apprentissage a été très forte tout au long de ce Vendée Globe. Et aujourd’hui je suis vraiment content à l’idée de passer au double (sur la Transat Jacques Vabre), qui reste un format idéal pour faire progresser le bateau à un rythme plus élevé que le solitaire. C’est intéressant de changer de voiles plus régulièrement, de faire plus de manœuvres ; et surtout d’avoir le regard extérieur d’un co-skipper. Je ne suis pas encore retourné sur l’eau, mais j’ai hâte ! »