La skipper de MACSF a doublé ce mercredi 24 février à 11h 35 minutes et 5 secondes la bouée Nouch Sud à l’entrée du chenal des Sables d’Olonne, près de 108 jours après le départ du Vendée Globe. Non classée depuis son abandon survenu le 9 janvier dernier au large de l’Argentine, elle a ainsi achevé son aventure sportive et humaine, portée par une foule record sous un soleil de printemps.
En réussissant à ramener son bateau à bon port, après une escale technique à Salvador de Bahia et malgré une grosse dépression à l’entrée du Golfe de Gascogne, Isabelle Joschke boucle son tour du monde où elle aura « rencontré le meilleur et croisé le pire ».

Un accueil à la hauteur de sa performance

Le public des Sables d’Olonne ne s’y est pas trompé. Il a réservé mercredi un accueil formidable à Isabelle Joschke. Ils étaient quelques milliers massés sur les quais pour accueillir la skipper MACSF. L’organisation était au diapason. Remontée du chenal escorté par les vedettes, comité d’accueil sur le ponton suivi de la traditionnelle conférence de presse : la navigatrice a eu le droit à toutes les attentions.

« Je n’avais pas imaginé avoir droit à un tel accueil. Pour moi c’est la cerise sur le gâteau. J’ai vécu cette arrivée comme un cadeau. Tout ce monde qui est là pour moi. Ils m’ont rappelé le chemin parcouru, pour que je n’oublie pas. C’est quand même un truc de dingue ».

Rentrer aux Sables : une évidence

Isabelle Joschke a tenu à boucler elle-même son tour du monde. Un choix qui n’allait pas de soi après l’immense déception causée par son abandon et qui restait conditionné à la possibilité de réparer lors de l’escale au Brésil où son équipe technique l’a rejointe.

« Je n’ai pas pris la décision tout de suite. Mais quand j’ai décidé de terminer, c’est devenu une évidence. C’était tellement important de boucler cette histoire, de lui donner tout son sens. Et notamment de me relever. Un Vendée Globe ce n’est pas drôle tous les jours. Il y a des moments de grâce et des instants de désespoir. C’est aussi un acte d’humilité. Ce tronçon hors course n’était pas si simple. Bien sûr, c’est moins physique, il y a moins de stress. Mais moralement il faut se faire violence après des semaines passées en mer pour repartir et conclure ce petit bout de chemin ».

Un premier tour du monde « incroyablement dur »

Que retient-elle de ce premier Vendée Globe ? Les sentiments et les souvenirs se bousculent. Partie le 8 novembre pour participer à son premier tour du monde en solitaire, Isabelle Joschke admet l’avoir vécu à fond.

« C’est avant tout une rencontre avec moi-même. Cela a été incroyablement dur, plus que ce que je pensais. J’ai vraiment été au bout de moi. Je pense avoir donné le meilleur de moi. C’est dur pour les nerfs, c’est dur parfois pour le moral, c’est très dur physiquement. J’ai été au bout de ce que je pouvais donner. Et puis heureusement il y a quelques moments de magie. J’étais partie pour vivre à fond cette course et je crois que je l’ai vécu à 400% ».

Retour sur les épisodes clés qui ont jalonné sa course

Un départ très prudent qui lui a coûté cher

Au premier jour de course, la skipper MACSF figurait au 28e rang sur 33 concurrents.
« Ce n’est pas parti comme je le souhaitais. Je ne m’attendais pas à faire un début de course aussi raté que celui-là. Ce fut dur à avaler. Ce deuxième front au large du Portugal m’a fait vraiment fait peur. Mais il était inenvisageable que je revienne aux Sables. J’ai été marquée par mes abandons les deux années précédentes. C’est pour cette raison que j’ai choisi de virer de bord et de partir avec 200 milles de retard sur l’avant de la flotte. De plus la météo favorisait les premiers. Chaque jour je perdais du terrain. J’ai donné tout ce que je pouvais pour revenir dans le match. Au début ça ne payait pas. Cela a commencé à payer quand j’ai commencé à arrêter d’y croire ».

Un grand Sud « extraordinaire » selon Jean Le Cam

12e lors du passage du Cap de Bonne Espérance, sa découverte des mers du grand Sud qu’elle redoutait tant est un coup de maître. Isabelle a trouvé son rythme, elle navigue proprement et privilégie la recherche de vitesse régulière. Sa détermination et sa clairvoyance font le reste. Dans l’Océan Indien puis l’Océan Pacifique, elle grignote progressivement son retard et gagne du terrain sur ses adversaires. Le 28 décembre, trois jours après Noël, elle se hisse à la 5e place du classement. Malheureusement l’état de grâce ne dure pas pour la première féminine qui a déjà eu son lot d’ennuis avec notamment la perte du balcon arrière de son bateau. Les événements contraires s’enchaînent.

Début janvier, la fin du rêve

Le 3 janvier, deux jours avant le passage du mythique Cap Horn, la tige de son vérin de quille cède, l’obligeant à installer avec l’aide de son équipe à terre un vérin de secours. Le 5 janvier, elle dépasse le célèbre rocher en 11e position dans des conditions dantesques. Quatre jours plus tard, alors qu’elle croise au large de l’Argentine, elle doit se résoudre à abandonner à la suite de la casse du faux vérin. Elle n’a plus la totale maitrise de son bateau. Il va lui falloir deux grosses semaines et pas mal de frayeurs pour parvenir à rejoindre Salvador de Bahia et sa baie de tous les saints où l’attend son équipe technique. Elle en repart le 5 février et rejoint Samantha Davies, elle aussi hors course, pour terminer son voyage.

« J’ai fait des erreurs mais je me suis donnée à fond »

Au-delà de sa performance sportive qui a surpris les suiveurs, Isabelle Joschke a étonné par sa capacité à surmonter les épreuves qui ne l’ont pas épargnée.
« Quand ça n’allait pas, j’acceptais ces coups de moins bien, il est important de ne pas se mentir. Cela m’a aidé à rebondir. Chaque cap franchi a été une victoire. A chaque fois que j’ai réussi à réparer une avarie, cela a été aussi une victoire. A chaque fois j’ai eu l’impression de repartir avec un peu plus de force en moi, de trouver l’énergie pour voir l’avenir autrement.
J’ai fait des erreurs, tout n’a pas été parfait, mais je me suis donné à fond. Ma course reflète ce que l’on a vécu sur le projet depuis 4 ans : il y a eu beaucoup de promesses, des arrêts buffet, des moments où j’ai trébuché, où le projet a trébuché. Mais on est reparti, on a su se relever. On a rencontré un super sponsor qui nous a donné toute sa confiance. Durant la course j’ai toujours su que cela pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Cela n’a pas été du tout linéaire mais tellement riche en apprentissage. Aujourd’hui je n’échangerais pas ma place. »

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