Premier à avoir franchi la ligne d’arrivée, ce mercredi à 20h35, Charlie Dalin (APIVIA) n’a pas caché son émotion. Voici ses premiers mots.

 » Je suis heureux d’avoir franchi la ligne en tête de ce Vendée Globe, c’était une sacrée course, une sacrée aventure ! C’était énormément d’émotions de passer de seul au monde à autant de bateaux autour avec des supporters, sans transition aucune. Ça vient en un claquement de doigts. Je savais qu’il y aurait du monde, mais je me suis fait laisser surprendre par l’accueil.

Le Vendée Globe est plein de rebondissements. J’ai eu des hauts et des bas, pas mal de bricolages aussi, mais c’est une superbe expérience. J’ai traversé l’océan Indien, l’océan Pacifique, j’ai passé mon premier cap Horn… Ces derniers jours, j’ai revu toute ma trace, j’ai revu chaque manœuvre, chaque décision, ça m’a fatigué de revoir tout ce que j’avais fait ! Il y a un nombre incalculable d’actions, ça me fatiguait de regarder tout ça !

« On arrive à faire l’impossible »

Si on m’avait donné la liste avant de partir, je me serais dit « Ce n’est pas possible ! », mais ça vient étape par étape donc au final on y arrive, on arrive à faire l’impossible. Le plus difficile, ce fut la perte de ma cale-basse de foil. J’ai vraiment cru que la course était terminée. J’étais en tête, je voyais de l’eau dans le tunnel par lequel passent tous mes cordages, j’ai eu une alarme d’avertissement. J’ai regardé dans la trappe, je me suis rendu compte que mon foil bougeait dans tous les sens.

Je me suis effondré, j’ai appelé Antoine Carraz, mon chef de projet et j’ai vraiment cru que j’allais me retrouver en Australie ou en Nouvelle-Zélande. J’ai travaillé une journée entière, c’était un moment difficile. Il y a eu aussi la tempête dans l’océan Indien qui était vraiment dure. Et coup du sort, j’ai perdu mon deuxième aérien après le premier dans la descente de l’Atlantique. J’avais l’impression que le sort s’acharnait sur moi. J’ai surmonté toutes ces difficultés et la course était belle avec Thomas (Ruyant), Louis (Burton) et Yannick (Bestaven).

« Les ‘line honours’ sont pour moi »

C’était vraiment une course magique. Elle m’a changé même si je ne sais pas encore de quelle manière. C’était tellement d’émotions, d’une force que je n’avais jamais ressenti. Cette course va avoir un impact sur moi, sur ma façon de penser… Je suis quelqu’un de stable normalement en termes d’émotions. Mais le Vendée Globe, c’est tellement puissant. Forcément, je suis passé par des joies, des doutes, de la tristesse, mais les moments de passage à vide ne duraient pas très longtemps.

Je suis heureux du travail accompli. J’étais habitué à faire tourner les chronos sur la Solitaire du Figaro. Ça ne me quitte pas ! Normalement, le Vendée Globe ne se passe pas comme ça. Désormais, le chrono est lancé jusqu’à ce que Boris (Herrmann) arrive. C’est particulier, j’espère que cela va bien se passer pour moi.

Les bonifications, c’est normal. Si la direction de course m’avait appelé, je l’aurais fait sans hésiter, même si j’avais eu à faire marche arrière et naviguer face au vent. C’est normal que les skippers qui se sont déroutés aient des bonifications. Pour l’instant, j’ai franchi la ligne d’arrivée en tête, les ‘line honors’ sont pour moi !

 » C’était un moment que j’attendais depuis longtemps « 

Je suis heureux de retrouver mon fils, Perrine, mes partenaires et mon équipe. C’était un moment que j’attendais depuis longtemps. C’était toujours émouvant de voir l’équipe monter à bord. Ce sont eux qui descendent en dernier du bateau au départ, et on sait qu’il n’y a pas de retour en arrière une fois qu’ils ont sauté. Et là, les voir monter à bord les uns après les autres, ça fait du bien. Là, j’ai eu droit à une pizza tiède et à un contrôle anti-dopage. Pour l’instant en termes de plaisir terrien ce n’est pas dingue. Mais je suis content de revoir tous mes proches.

J’ai atteint mon objectif qui était de couper la ligne en tête. La solitude, on la ressent surtout dans la difficulté. Je n’ai pas eu le sentiment de souffrir de la solitude. On n’a pas eu le temps. C’est ton bateau et c’est le vent qui dicte tout. Si le vent passe son temps à changer en force et en direction, tu ne peux pas dormir, tu ne fais que ça. On m’avait dit de prendre des séries, des films et des livres. Je crois que j’ai regardé un demi épisode d’une série. J’ai eu un livre en cadeau de Noël, je ne l’ai pas lu. J’ai aussi eu un livre de sudokus, je ne l’ai pas ouvert, et mon rubik’s cube n’a pas bougé. En fait, je ne me suis jamais ennuyé, pas une seconde sur ces 80 jours.

 » Ça donne confiance en soi « 

Un des soucis qui a été difficile c’est la nuit après mon passage au nord de l’île des Etats. Une voile s’est décrochée du bout dehors, une voile de 160m2 qui battait. Je me suis battu pendant des heures j’ai réussi à l’affaler sur le pont, il faisait nuit, je ne sais pas comment j’ai fait pour ne pas perdre la voile et ne pas la déchirer. Deux jours après, je la renvoyais dans du vent faible. C’était une petite voile de capelage donc importante. Tu te sens fort après avoir réussi un truc comme ça. Peu de temps après, je montais au mât et ça m’a paru être le truc le plus facile du monde. L’équipe pensait que j’allais devoir faire la réparation en deux fois, moi j’y ai cru, j’ai pris tout le matériel avec moi, je suis resté une heure là haut. En redescendant tout était bon. Surmonter des avaries techniques ça donne confiance en soi et on se sent toujours un peu invincible après. Après avoir fabriqué cette cale basse je me sentais fort et capable de tout surmonter.

Il y a des haubans qui tenaient un peu dans tous les sens le foil. Il a fallu que je fasse un nombre de retouches incessantes. Il y a encore une poulie qui a cassé la semaine dernière. Je ne sais pas combien de milles j’ai perdu dans ces réparations. J’ai fait un peu d’électronique, en fin d’alizé mon système de quille est tombé en panne, je ne pouvais plus quiller correctement. Grâce à Pierre, mon électronicien, il m’a proposé une solution pour réparer j’ai fait des branchements dans tous les sens. C’était encore une belle réussite.

 » Je suis fier de leur avoir donné raison « 

Le groupe Macif compte pas mal de réussite sur le Vendée Globe, avec François Gabart il y a 8 ans, et moi cette année. Ce sont de belles réussites. A la base, c’est une histoire de confiance, une confiance qu’ils m’ont donné. Ils ont cru en moi, alors que je n’avais jamais fait d’IMOCA avant, je faisais juste du Figaro. C’était un projet ambitieux, avec un bateau neuf, sur un programme de 4 ans. Je suis fier de leur avoir donné raison, qu’ils ont eu raison d’avoir confiance en moi. Et ça montre aussi qu’il est possible d’être le premier sur la ligne lors de son premier Vendée Globe.

 » J’ai pris du plaisir « 

J’ai passé des super moments, je ne vais pas tous les énumérer. Par exemple, quand j’ai vu mon premier albatros. Je courais souvent dans le bateau pour chercher mon appareil photo, mais quand je sortais ils n’étaient plus là, je me demandais parfois si c’était un mirage. Je suis aussi heureux de mon premier passage de cap Horn, ou quand le bateau naviguait à plat, vite, c’est vraiment du plaisir. J’ai aussi pris du plaisir à régater, à faire de belles trajectoires, de belles manœuvres ou encore à doubler des concurrents.

Ça a été long, je pensais qu’on serait plus rapide, qu’on battrait des records. Il y a eu énormément de retours par l’arrière, c’était très frustrant. On a eu un petit avant-goût sur la Vendée-Arctique et sur le Défi Azimut, les deux courses de 2020. J’aurais peut-être dû me douter que ça allait être aussi le cas aussi sur le Vendée Globe ! La situation météo a aussi fait que c’est revenu à chaque fois.

 » Cette arrivée est particulière. « 

J’aurais préféré que la réponse soit plus nette, mais ce que je vais retenir c’est que j’ai coupé la ligne d’arrivée en tête. C’est normal qu’il y ait des bonifications quand on va chercher quelqu’un. C’est particulier d’être en face de vous ce soir sans savoir qui a gagné.

J’ai déjà pensé à mon prochain Vendée Globe, comment je m’y prendrais pour le refaire. J’y pensais, mais la suite de mon programme est une décision qui se prendra avec APIVIA. Si on met de côté la question du sponsor, oui je me vois bien en refaire un.

Je ne vis pas encore le vrai monde, je viens d’arriver, donc je n’ai pas encore retrouvé la norme. J’espérais vivre une arrivée normale, c’était sans doute un petit peu candide comme idée. J’ai profité de ma liberté, j’ai pris du plaisir d’être libre de mes trajectoires, de mes choix et c’est vrai que je mesure la chance exceptionnelle que j’ai eue d’avoir pu être libre comme l’air pendant 80 jours. Pour l’instant, je profite de l’instant présent, d’avoir bouclé ce tour du monde. Je disais avant le départ que boucler le tour serait déjà une victoire, mais je suis un sportif donc la cerise sur le gâteau c’est de finir en tête. j’aimerais bien que mon nom soit inscrit comme vainqueur de cette édition, mais c’est hors de mon contrôle, j’ai fait ce que j’ai pu sportivement, et c’est ça qui compte.

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