« Les JO, c’est tellement à part et hors du temps que tu voudrais que cela dure toujours… » Pas sûr que Damien Seguin, 5e du Vendée Globe, en dise autant de la course autour du monde si on lui pose la question aujourd’hui, alors qu’il sort tout juste d’un éprouvant passage du Pot au Noir et alors même qu’il est engagé dans une lutte finale sous haute tension. Pourtant, le skipper de Groupe APICIL est en train de réaliser un exploit hors norme salué par le monde olympique et le monde paralympique, sa famille de cœur. Le marin né sans main gauche connaissait jusqu’alors deux couleurs, celle de l’or remportée aux Jeux Paralympiques d’Athènes et de Rio et de l’argent gagnée à Pékin, il connait désormais la couleur du Vendée Globe. Une couleur indéfinissable où se mêlent aventure, découverte de soi, grosses galères, petits plaisirs et régate interplanétaire.

Les Jeux ont été sa vie pendant près de 20 ans. Ses quatre préparations paralympiques lui ont demandé un investissement sans faille pendant toutes ces années pour atteindre le sommet. Deux médailles d’or, une médaille d’argent ! Des souvenirs inoubliables et le sentiment extrême d’avoir tout donné, d’être le meilleur au monde à maitriser la finesse de son support favori, le 2.4 mR, petit quillard paralympique. Damien compte parmi les athlètes français les plus titrés car il a aussi été sacré cinq fois champion du monde de 2.4 ! C’est un homme de défi. Animé par la compétition au plus haut niveau, il participe au circuit paralympique tout en cultivant son envie de course au large en solitaire. Figaro et Class 40 constitueront sa voie pour finalement une nouvelle fois atteindre le graal du solitaire mais cette fois en course au large : la classe IMOCA et le Vendée Globe.

« Ce qu’il est en train de faire, ce n’est pas l’aboutissement d’une carrière ou d’un combat mais c’est juste une confirmation de ce qu’il a créé jusqu’à maintenant. »

Arnaud Assoumani, Champion paralympique de saut en longueur en 2008, double médaillé d’argent aux jeux paralympiques de Londres (saut en longueur et triple saut), médaillé de bronze aux Jeux Paralympiques d’Athènes et de Rio

Pour s’y préparer, Damien a utilisé la même méthode que pour les Jeux Paralympiques, a choisi avec précision les personnes qui devaient l’entourer et a fait preuve d’une rigueur extrême. Depuis le 8 novembre dernier, il mène son Groupe APICIL tambour battant face à des bateaux bien plus récents et équipés de foils, tandis que son monocoque ne dispose que de dérives droites. 4è au Cap Horn, il est l’une des révélations de ce Vendée Globe. Il découvre, s’adapte, ne relâche pas l’attention une seconde, se bat pour gagner le moindre mille et…. partage. Sourire toujours affiché sur un visage parfois fatigué, il raconte avec passion sa compétition, explique comment il s’est sorti de ses galères de pilote automatique ou devient contemplatif et émerveillé à l’heure de croiser deux rorquals venus le saluer la veille de noël.

« Damien m’inspire en tant qu’homme, bien au-delà du handicap. Il vit pleinement ses rêves, c’est ça qui l’anime. Et c’est ça qui m’inspire. »

Michael Jeremiasz, Champion paralympique de tennis en double à Pékin, médaillé d’argent à Athènes et double médaillé de bronze à Athènes et Londres, porte drapeau de la délégation française aux Jeux Paralympiques de Rio

Le double champion paralympique est désormais piqué aux quatre océans : Atlantique, Indien, Pacifique, austral et force l’admiration du monde olympique qui observe de très près la performance qu’il réalise. Le premier handisport à participer au Vendée Globe est heureux de partager son aventure avec ces sportifs qu’il a côtoyé à Athènes, Pékin, Londres ou Rio. Des athlètes olympiques et paralympiques avec lesquels il a souvent tissé des liens forts et pour lesquels il éprouve beaucoup d’admiration. Ces femmes et hommes qui vivent ou ont vécu comme lui au rythme des Jeux comptent aujourd’hui parmi ses plus fervents supporters pour le Vendée Globe et soulignent l’inspiration que représente Damien, lui qui fait de ses résultats exceptionnels l’occasion de porter, toujours plus haut et plus fort, son engagement pour l’inclusion.

« Ça me fait tellement plaisir de voir Damien réussir sur ce Vendée Globe. Il compte énormément pour la reconnaissance des Jeux Paralympiques. C’est grâce à des champions comme Damien que les choses évoluent. »

Tony Estanguet, Président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et triple champion olympique de canoë

LES DÉCLARATIONS

Kevin Péponnet, membre de l’équipe de France de Voile, champion du monde de 470 avec Jérémie Mion :

« La course de Damien est dingue ! Elle est folle ! Ça ne devrait pas se passer comme ça. Il ne devrait pas être dans le rythme des foilers. Pas sur le papier en tout cas. Et pourtant, il fait une course incroyable ! Je ne sais pas s’il ménage ou pas son bateau mais il est dans le coup. Depuis le début, il est régulier. Il a fait une super trace. J’espère qu’il va arriver aux Sables avec le bateau en un seul morceau. Il nous a déjà démontré de très belles choses en tant que non valide au milieu des valides. A titre personnel, j’ai régaté contre lui en équipage sur le Tour de France à la Voile qu’il a remporté ! Il n’avait déjà rien à prouver parmi les valides. Il avait remporté ce Tour de France haut la main et ses trois médailles paralympiques parlent d’elles-mêmes. C’est un régatier de très très haut niveau. Il sait faire et il le montre en ce moment de la plus belle des manières ! »

Arnaud Assoumani, champion paralympique de saut en longueur en 2008, double médaillé d’argent aux jeux paralympiques de Londres (saut en longueur et triple saut), médaillé de bronze aux Jeux Paralympiques d’Athènes et de Rio :

« Ce que réalise Damien, c’est énorme. Je crois qu’on ne se rend pas forcément compte. C’est un exploit. C’est historique. Ce terme est parfois galvaudé mais pas dans ce cas. Ce qu’il est en train de faire, ce n’est pas l’aboutissement d’une carrière ou d’un combat mais c’est juste une confirmation de ce qu’il a créé jusqu’à maintenant. On est pas mal de femmes et d’hommes à se battre sur les pistes, dans notre sport pour faire évoluer la société et le regard, la compréhension, le respect et la tolérance de l’autre. Damien est sur un bateau de 2008, il n’est pas avec les dernières technologies. Ça montre plein de choses. Deux médailles paralympiques gagnées avec 12 ans d’intervalle, ça ne signifie pas rien. Il a dû se battre contre des règles, des institutions, des organisations pour lui permettre de concourir. Il a dû prouver qu’il ne prenait pas plus de risques qu’un autre skipper pour pouvoir s’aligner sur une course au large. Je suis dans le même moyen d’expression que Damien : le sport, l’athlétisme. Ce sont nos moyens d’expression et nous essayons de faire évoluer les choses. C’est par ce biais que l’on peut embarquer, des dizaines, des centaines, des milliers de personnes pour faire évoluer les choses. Merci Damien de nous inspirer, je suis à 10 000% avec toi ! »

Michael Jeremiasz, champion paralympique de tennis en double à Pékin, médaillé d’argent à Athènes et double médaillé de bronze à Athènes et Londres, porte drapeau de la délégation française aux Jeux Paralympiques de Rio :

« Nous nous sommes rencontrés il y a 16 ans, aux Jeux d’Athènes avec Damien. Je suis tombé sur un mec charmant, intelligent, sympa, curieux et qui partage sa joie de vivre. Quatre Jeux Paralympiques plus tard, nous avons partagé des médailles d’or et aussi le fait d’avoir été tous deux porte-drapeaux. J’ai d’abord défilé derrière lui puis il a défilé derrière moi ! Ce sont des moments incroyables de fierté partagée. C’est un sportif de haut niveau qui vit à fond sa passion. Damien m’inspire mais pas uniquement sur le plan de la performance. Il m’inspire en tant qu’homme, bien au-delà du handicap. Il vit pleinement ses rêves, c’est ça qui l’anime. Et c’est ça qui m’inspire. Évidemment, que c’est plus dur de faire de la voile avec une main en moins mais il n’en fait pas du tout un sujet. Il fait ce qu’il a à faire pour être au plus haut niveau. Il a relevé le défi du Vendée Globe. C’est la course la plus mythique au monde ! Et il s’est donné les moyens de bien faire. Au départ, l’enjeu c’était de finir mais ça a évolué. Maintenant, c’est qu’il finisse dans les premiers. Il est capable d’aller chercher un podium. Je suis hyper fier de ce qu’il réalise. »

Tony Estanguet, Président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et triple champion olympique de canoë :

« Ça me fait tellement plaisir de voir Damien réussir sur ce Vendée Globe. Je savais qu’il ne lâcherait rien et que ce serait un guerrier. Bravo à lui. Quelle belle image il envoie, il continue à envoyer. Quelle reconversion ! Mais ce n’est pas une reconversion. Double médaillé d’or en voile paralympique et là il est en train de faire un Vendée Globe de malade. Accroche-toi ! On est à bloc derrière toi. On te suit de très près et nous sommes super impressionnés. Les échanges avec Damien sont nombreux pour construire Paris 2024, il compte énormément pour la reconnaissance des Jeux Paralympiques. C’est grâce à des champions comme Damien que les choses évoluent. »

Thierry Poirey, ex-entraîneur de Damien en 2.4 :

« Je suis agréablement surpris de la performance de Damien et de l’ensemble des skippers de ce Vendée Globe avec le regroupement actuel. Damien est incroyable et participe à cette dynamique. Je ne connaissais pas ses capacités en course au large. En revanche, je savais qu’il serait capable de retranscrire ses qualités de régatier dans ce milieu. Il est dur au mal. Quand il a un os, il va le ronger jusqu’au bout. Damien ne laisse rien au hasard. J’ai eu le privilège de le voir une semaine avant son départ. Il était extrêmement confiant en son bateau à juste titre. Il a beaucoup navigué, beaucoup travaillé. Il connait tous les points forts et les points faibles de son bateau. Tout ce qu’il a fait en olympisme montre qu’il a une exigence et une grosse force de travail que ce soit sur la performance ou le mental. Les gens qui ont tâté l’olympisme ont ce double regard de tacticien et de stratège. Il a énormément progressé en comblant tous les vides qui lui manquaient. Il a su s’entourer et trouver les bonnes personnes. Son Vendée Globe est complètement réussi même avant le Cap Horn, il avait déjà marqué les esprits. »

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