Un pot « ceinture rouge » et un abandon
Ce matin, après des semaines à lutter vaillamment contre des avaries sérieuses, Sébastien Destremau a jeté l’éponge. Le skipper de Merci fait route depuis ce matin vers le port de Dunedin, dans l’île Sud de la Nouvelle-Zélande, ou vers Christchurch, plus facile d’accès et où il trouvera le matériel pour réparer. Devant, c’est l’heure du match retour contre le pot au noir. Et c’est pas gagné !
C’était trop…
Sébastien Destremau sera allé au bout de son aventure, avec une patience et une opiniâtreté épatantes. Parti en course après avoir obtenu des délais supplémentaires pour mettre son bateau à la jauge, le skipper de Merci a travaillé jusqu’aux dernières heures avant le départ, installant une casquette de carton qui devait le protéger des déferlantes liquides sur son bateau. C’est bien connu, les ennuis volent en escadrille et, pour le coup, c’est une flotte entière qui est passée au-dessus de sa casquette de fortune. Parti avec l’intention d’y aller piano, à la mesure de la préparation imparfaite de son Merci, le Toulonnais n’était pas en mer depuis deux jours qu’il montait déjà au mât. Sur sa route, il aura croisé « des emmerdes de routine » (un lazy jack défaillant, une inondation, une panne d’électronique), des soucis d’hydraulique de quille, d’anémomètre et, dès les mers du sud, des soucis autrement plus préoccupants : son pilote automatique, infernal feuilleton pour un solitaire, puis de nouveau sa quille et ses systèmes de barre, le principal comme le secondaire. Plusieurs fois, le dernier du Vendée Globe 2016-2017 a annoncé son intention de renoncer et, plusieurs fois, il a trouvé les ressources pour repartir. Jusqu’à ce samedi, où Seb Destremau a dressé le constat ce samedi, qu’il ne pouvait plus poursuivre sa route sans se mettre réellement en danger dans les eaux du Pacifique.
Le navigateur-slammeur toulonnais a mis le cap sur la Nouvelle-Zélande depuis ce matin. Avec la direction de course, qui veille à sa mise en sécurité, il oscillait encore entre Dunedin et Christchurch pour refuge. Une dépression velue descend le long de la Nouvelle-Zélande ; il y a urgence à se mettre à l’abri, mais c’est à Christchurch qu’il trouvera le ponton et les chantiers navals adéquats.
Pour deux milles en plus
Au classement de 18 heures, Charlie Dalin (Apivia) a cédé le leadership à Louis Burton (Bureau Vallée 2) qui accentue la pression alors que se présente le pot au noir. Décalés en latéral de 35 milles, le nouveau boss est tout à la fois le plus à l’ouest et le plus au nord. Dans la soirée, le duo de tête entrera dans le pot au noir, dans son ouest, ce qui est généralement synonyme d’un moindre mal, mais… « C’est toujours imprévisible avec des changements de vent en force et en direction assez subits, résumait Charlie Dalin. La nuit, il est souvent plus actif que le jour (et les leaders vont y passer de nuit, ndlr) et on verra comment cela se profile. Je dirais (si le pot au noir était un judoka, ndlr) qu’il est ‘ceinture bleue ou rouge’ : ce n’est ni un ‘ceinture noir’ ni un ‘ceinture verte’. Il a un bon niveau intermédiaire. Je suis en train d’ajuster mon positionnement Est / Ouest pour essayer de finaliser ma porte d’entrée. Après, on passera aux choses sérieuses ».
Le tandem s’est ménagé un très léger avantage de 43 milles sur Boris Herrmann (Seaexplorer – Yacht Club de Monaco) qui est venu se glisser sous son vent, sans doute pour profiter au mieux des voiles qu’il peut déployer, mais aussi pour viser la zone du pot au noir la moins sujette aux orages, qui se sont amoncelés ces dernières heures. Thomas Ruyant (LinkedOut) se démène pour juguler ses pertes, et il y parvient plutôt bien, avec 93 milles de retard. A 120,4 milles, au classement de 18 heures, Damien Seguin (Groupe Apicil) poursuit sa démonstration pas très loin des côtes de Fernando do Noronha, dans un flux d’Est qui a pris du Sud. 6e, Yannick Bestaven (Maître CoQ IV) ne creuse plus son déficit, tandis que Giancarlo Pedote (Prysmian Group) est à 206 milles de la tête. Derrière, Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family) joue tous les recalages possibles pour rester dans la meute, comme Jean le Cam, 9e à 278 milles de la tête… et qui adore ce qu’il se passe sur l’eau !
« Par rapport à ce qu’on a connu, on ne peut pas se plaindre. La nuit, il y a des étoiles dans le ciel, la mer est plate, le bateau avance bien, il y a des petits grains de temps en temps, mais globalement, c’est parfait. Là ça allume, on marche comme un avion. Ça va peut-être partir un petit peu par devant, mais moins que je pensais. On fait du Nord à fond la caisse ! Normalement, on est beaucoup plus à l’Ouest et, logiquement, le pot-au-noir est plus gentil à l’Ouest qu’à l’Est, mais on verra au fur et à mesure. On est dans la meilleure position qui soit : on est le chasseur. Il y a les ‘exploreurs’ qui sont devant et nous qui pouvons faire nos choix en fonction de ce qu’il se passe devant. On n’a rien à perdre, on a tout à gagner. La situation n’est pas désagréable, j’ai mon petit copain Benjamin (Dutreux) qui est sous le vent, j’aurais fait presque tout le Vendée Globe avec lui. On s’était un petit peu perdu de vue dans le Sud, mais à la descente on était tout le temps ensemble, et pour la remontée, il semble qu’on se rejoigne d’ici peu. Je fais de mon mieux et pour le résultat… on verra à la fin ! »
A 1102 milles de la tête, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) aura en effet bien géré l’épisode de haute pression qui menaçait de le déconnecter de la tête de course. Depuis, dans l’alizé un peu plus établi que lorsque les leaders sont passés là, le Nantais cavale. 50 milles dans son Sud, la première femme du Vendée Globe attend sa libération. Clarisse Crémer en aura profité pour se reposer… et prendre un coup de soleil. Jusqu’à Pip Hare, qui arpente les côtes argentines par la face nord, au près, la flotte avance à petit train. A l’avant d’une dépression au sud de l’Argentine, Stéphane le Diraison (Time for Oceans) et Didac Costa (One Planet One Ocean) filent bon train. Il faut bien ça pour échapper à des vents de sud de 33 nœuds dans le dos !
Miranda Merron (Campagne de France) et Clément Giraud (Compagnie du Lit – Jiliti) sont désormais à quelques heures de passer le cap Horn. Des routages les donnent à la pointe de la Terre de feu vers 10 heures ce dimanche matin. D’ici là, Louis Burton et Charlie Dalin auront peut-être révélé leurs vérités à la sortie du pot au noir. Peut-être que, pour une fois, et juste histoire de varier les plaisirs et de rajouter du piment au piment, les épisodes météo donneront-ils raison à ceux qui sont devant ?