L’Indien fait changer de tête
Contraint de freiner pour réparer, Charlie Dalin (Apivia) a concédé beaucoup de terrain à Thomas Ruyant (LinkedOut), de nouveau leader. Juste derrière, Yannick Bestaven (Maître CoQ) est à l’affût. Plus haut, les chasseurs naviguent à vue et, armés de leurs caméras, livrent des images de ce moment totalement invraisemblable.
Hier, en fin de journée, Charlie Dalin a entendu un bruit, vraiment distinct de tous les autres dans cet environnement sonore très habité. Puis il a senti le ralentissement du bateau. Des premières inspections nocturnes sont nées des constats : pas de voie d’eau dans le bateau, mais le système de foil bâbord endommagé, autour de la cale basse – la boîte de renfort dans laquelle s’encastre le foil et qui fait jonction entre le foil et la carène du bateau.
Dalin, un coup sur la cale basse
Depuis hier, une cellule de crise a été mise en place à Concarneau, chez Mer Concept, qui veille à la destinée du projet Apivia. Il y avait du monde autour de la table, notamment Antoine Carraz, le responsable technique d’Apivia, Antoine Gautier, le directeur du bureau d’études et François Gabart, le boss de Mer Concept et pas avare en conseils.
Depuis la fin de journée de lundi et jusqu’aux premières heures de cet après-midi, Charlie Dalin a mis sa route entre parenthèses, laissant son bateau dériver doucement pour favoriser le confort durant ses réparations. Vers 13 heures, Apivia a repris sa route, avec un déficit de 121,9 milles de retard sur LinkedOut. C’est Antoine Carraz, via le service de presse d’Apivia, qui a fait le point sur la situation, en fin d’après-midi : « Charlie a modifié sa trajectoire afin de profiter de conditions favorables pour effectuer la réparation de la cale basse du foil bâbord et celle-ci s’est bien déroulée. L’objectif est maintenant de valider la réparation dans les heures qui viennent afin de passer plus sereinement dans l’océan Pacifique. Nous restons donc prudents et attentifs face à ces prochaines heures, qui s’annoncent cruciales pour la suite de la course de Charlie. »
Thomas Ruyant, de nouveau patron !
Car pendant ce temps-là, Thomas Ruyant (LinkedOut) a repris les commandes, gommant comme un rien ses quelque 60 milles de retard d’hier, et résistant, sur l’amure qui ne lui est pas favorable – il ne peut s’appuyer que partiellement sur son foil bâbord, étêté – aux assauts de Yannick Bestaven (Maître CoQ IV).
9,1 milles séparaient les deux hommes au classement de 15 heures – une paille. Le léger décalage dans le nord du Rochelais amène de légères variations de conditions de navigation. Avec un tout petit peu plus de vent, mais aussi un tout petit peu plus de mer, avec un demi-foil en moins, mais beaucoup de toile et de ballasts pour compenser, Thomas Ruyant avançait cet après-midi un poil moins vite que le skipper de Maître CoQ.
Pour les deux hommes, la plongée vers le Sud est toujours d’actualité. Elle leur permet de se rapprocher de la petite dépression qui balaie la zone, et ainsi de venir fricoter avec la ZEA, 100 milles plus bas. Une fois dans cette zone, les deux (trois) solitaires empanneront, changeront d’amure – le leader piaffe d’impatience ! – et tricoteront leur trajectoire vers l’Est, la longitude de la Tasmanie, avec la Nouvelle-Zélande dans le viseur. L’objectif sera de tenir le plus longtemps possible dans ce flux de Nord-Ouest et de rester, si possible, à l’avant de ce front, où le vent se fait plus régulier et la mer moins agitée. De quoi espérer faire chanter les foils dans quelques grisantes glissades…
L’invraisemblable regroupement
Solitaires, ils ne le sont pas vraiment. S’ils avaient pris l’habitude de naviguer de conserve (oui, c’est un terme de la marine), les chasseurs ont, au moment de se glisser dans l’angle du plateau australien de la zone des glaces, procédé à un regroupement en bonne et due forme. Tant et si bien que l’heure vendéenne du déjeuner a été égayée par une bordée de vidéos venues de Bureau Vallée 2, Groupe-APICIL, SeaExplorer – Yacht Club de Monaco et OMIA – Water Family. Plusieurs heures durant, les skippers ont partagé les images de ce rendez-vous en terre inconnue tout à fait exceptionnel, à 13 000 milles des Sables d’Olonne et du terrain de jeu de la Solitaire du Figaro ! Les images sont disponibles dans le serveur de la course.
L’inédit se montre en chiffres : à 426 milles de la tête de course, le 4e, Jean le Cam (Yes We Cam!) compte 0,9 mille d’avance sur Louis Burton (Bureau Vallée 2), 1,2 mille sur Boris Herrmann (SeaExplorer – Yacht Club de Monaco), 1,9 mille sur Benjamin Dutreux (OMIA – Water Family) et 3,2 sur Damien Seguin (Groupe-APICIL), 8e ! La session de petit trot qui les a unis a fini par laisser place à une session un peu plus musclée, les vitesses ayant augmenté progressivement cet après-midi. Mais, confinés entre la ZEA et l’anticyclone des Mascareignes dans leur Nord, les chasseurs disposent de bien peu de place pour trouver des chemins de traverse.
Cap sur le cap
Clarisse Crémer (Banque Populaire X) et Romain Attanasio (Pure – Best Westen) se rapprochent du cap Leeuwin. Il leur reste encore de la route à courir pour y parvenir, mais le tandem pourrait, à condition de tenir une moyenne à 14 nœuds, effacer le deuxième des trois caps demain à la même heure. Ils seraient alors les 12e et 13 à franchir Leeuwin. Quelque 400 milles plus en arrière, Armel Tripon (L’Occitane en Provence) fait ce qu’il peut pour devancer une des poches de l’anticyclone des Mascareignes. 15e, Alan Roura (La Fabrique) avançait à très belle allure ce jour (20,6 nœuds sur 4 heures au classement de 15 heures), porté par des vents de 20 nœuds qui, cerise sur le gâteau sec, poussent l’anticyclone vers l’Est.
Il faudra, pour le dernier groupe, garder un œil averti sur la zone des Kerguelen, qu’une dépression très velue s’apprête à visiter (jeudi ?). De la même manière, Christian Dumard (Great Circle), le monsieur météo du Vendée Globe, a déjà posé l’autre œil sur l’activité cyclonique qui s’agite, du côté des Fidji.