Alors que le reste de la flotte (quatre abandons déclarés) navigue dans des conditions très différentes de l’océan Indien à l’Atlantique Sud, il y a encore bien des bords à parcourir et les écarts se comptent désormais en plusieurs centaines de milles ! À l’avant, Charlie Dalin semble avoir opté pour le ralentissement et une route plus Nord que les routages ne l’imaginaient. Dans le même temps, Thomas Ruyant gère son foil « manquant », Louis Burton sort du doute électronique et Jean Le Cam se retrouve de nouveau seul à bord…

Plus de 10 000 milles au compteur orthodromique (sur la route la plus « directe ») mais encore plus de 15 000 milles à « avaler » ! Charlie Dalin (Apivia) ne fait que débuter sa grande traversée des mers du Sud… Et s’il comptait jusqu’à 300 milles de marge à la sortie de l’anticyclone de Sainte-Hélène, ce ne sont plus que 200 milles qui le séparent de ses deux « dauphins », Thomas Ruyant (LinkedOut) et Louis Burton (Bureau Vallée 2).

La faute à une dépression secondaire qui s’immisce sur la route du cap Leeuwin (à 2 000 milles de son étrave tout de même) : deux solutions s’offraient à lui ; soit « cravacher » pour se retrouver en avant d’un flux de Nord plus que puissant pour faire un « break » quasiment impossible à rattraper (plus de 800 milles de marge) ; soit rester dans une zone de « confort » avec moins de trente nœuds de brise en empannant assez tôt et en relâchant la pression pour se reposer et voir venir…

Il y a les modèles et il y a la réalité !

Car à quoi cela servirait-il de mettre du charbon si c’est pour partir au tas et risquer de casser une pièce essentielle ? Mieux vaut assurer sa domination, surtout lorsque les poursuivants les plus incisifs sont relégués à une demi-journée, avec en sus des problèmes techniques à résoudre ! C’est ce que semble avoir choisi le leader qui multiplie les trajectoires fluides et gère parfaitement pour l’instant, la longue et fastidieuse traversée de l’océan Indien. Car il reste encore 4 000 milles avant de glisser sous la Nouvelle-Zélande et de commencer à imaginer que le Pacifique sera moins agressif que l’Indien, que la sortie du « tunnel des ombres » est enfin à portée de lance-pierres.

Bref, il y a un monde virtuel où un bateau à voile n’est qu’un jouet qui progresse vers le but quelque soient les conditions de mer et de vent, et un monde réel qui prend en compte, la fatigue, la lassitude, les problèmes techniques, les histoires du coin du feu et l’âge du capitaine… Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir Jean Le Cam (Yes We Cam!) se « dérouter » vers le Nord-Ouest pour prendre le dos de la nouvelle dépression quand ses collègues plus au Sud (Damien Seguin et Yannick Bestaven) vont avoir bien du mal à transpercer le front qui se forme devant leurs étraves !

Des modèles, Jean Le Cam en a eu, et des prévisions plus encore, mais de fait, voilà sa force : ce « Jedi » du Vendée Globe pourrait bien sortir dans le trio de tête à l’issue de cette très mauvaise dépression qui a volonté à changer la face du monde austral… En ces jours-préludes à un été fort perturbé ! Car si les regards se tournent logiquement vers la tête, le tronc n’est pas au nirvâna : certes Romain Attanasio (PURE-Best Western Hotels & Resorts) et Clarisse Crémer (Banque Populaire X) vont réussir à échapper au chaos, mais le groupe suivant n’a probablement pas cette chance !

Quand ça va mal, ça va mal…

Bloqués par la Zone d’Exclusion Antarctique (ZEA), la « bande des quatre » (Roura-Le Diraison-Tripon-Boissières) va avoir la malchance de subir une dépression qui se forme sous l’Afrique du Sud et qui va les « cueillir » d’ici mardi avec du vent de Nord à Nord-Est puissant (25 à 35 nœuds !)… Alors que Thomas Coville et ses hommes (sur le trimaran Ultim Sodebo, en route pour le Trophée Jules Verne) vont pouvoir glisser sous les icebergs repérés sous l’archipel de Crozet (les growlers, ces glaçons de plusieurs tonnes, sont plutôt au Nord des glaces principales), puisqu’ils n’ont pas les impératifs de respecter la ZEA.

Emberlificotés dans les tentacules de la « pieuvre anticyclonique » qui s’étend du cap Frio (Brésil) au Sud du cap de Bonne-Espérance, ce groupe risque fort de subir un sérieux coup de vent jusqu’à mercredi prochain… Et ce n’est pas non plus pour satisfaire les deux packs de queue : normalement, le trio Cousin-Costa-Hare va s’engluer dans les petits airs de l’anticyclone alors que les derniers vont fondre sur eux, portés par le front d’une nouvelle dépression.

Après quatre semaines de mer, les centaines de milles qui marquaient les écarts entre les groupes ont muté en milliers de milles ! Quand il y avait 1 500 milles de delta entre Apivia et merci au passage de l’équateur, il y en a désormais plus de 3 500 milles… Et les écarts ne devraient qu’augmenter ces jours prochains quand le leader va sortir de l’océan Indien (au Sud de la Tasmanie) et que le dernier de la flotte aura à peine franchi la longitude du cap de Bonne-Espérance… Il y en aura, des milles et des cents !

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